Techniques du récit – Les personnages – Partie 3

Publié le lundi 6 février 2012 dans Articles

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Lire la partie précédente.

Etape 2 : la transformation du personnage

Également appelé « arc de personnage », cette transformation est donc une évolution du personnage arc-boutée autour de son désir et de ses besoins. Point-clef des techniques scénaristiques de Truby et Mckee et de… tous les autres en fait. En gros, le discours c’est : si votre personnage est créé avec un certain nombre de caractéristiques et qu’il fonce vers la fin de l’histoire sans évoluer ou que le changement est artificiel, votre histoire, c’est du caca et votre héros n’en est pas un.

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Le moi exprimé sous forme de personnage

Umberto Eco dit qu’il écrit pour transformer son lecteur. Il cherche l’apprentissage. Pour espérer créer un changement profond chez un lecteur, il faut viser une transformation du moi profond du personnage. Sauf qu’un personnage est fictionnel. Donc il faut toucher à quelque chose qui représente le moi profond du personnage. La réflexion sur la nature du moi est un peu hors sujet ici, mais indispensable à l’auteur qui cherche la même chose qu’Umberto Eco. Il faut savoir ce qu’on veut transformer. Le cinéma américain et la fiction occidentale moderne empruntent régulièrement les mêmes transformations types.

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En GN : Ne riez pas du cinéma américain, je pense que le GN pioche dans un répertoire parfois bien plus limité.
Essayons d’en voir quelques-unes (et pensez à celles que vous avez déjà eu à vivre en GN, pour comparer).

D’enfant à adulte
Souvent au cœur du roman d’apprentissage, le héros qui subit cette transformation va remettre en question ses valeurs morales avant d’entreprendre une action.

D’adulte à leader
Un personnage qui cherche sa voie s’aperçoit qu’il doit également aider les autres à trouver la leur.

De cynique à engagé
Un peu comme avant, le personnage égoïste réalise qu’il peut devenir un champion et aider les autres.

De leader à tyran
Qui a dit qu’une histoire devait bien se terminer ? Exploitant la faiblesse typique du roi/père, le leader force les autres à suivre sa voie.

De leader à visionnaire
En aidant les autres à trouver leur chemin, le personnage comprend la nature du monde et entrevoit le futur et l’évolution que les choses doivent prendre. La vision morale doit être claire et précise et on ne trouvera ce genre de transformation que si l’auteur a lui-même une idée précise du futur de son univers.

La métamorphose
Le moi est avalé par une nouvelle identité. Positive ou négative, cette nouvelle créature a souvent un comportement extrême (socialement privé de valeurs ou poursuivant un but sans s’embarrasser de problèmes moraux).

Créer une transformation de personnage dans votre histoire

Pour créer un profond changement qui soit crédible, il est souvent plus évident de partir de l’endroit où vous souhaitez amener le héros à la fin de l’histoire et de remonter au début. Il vous faut déterminer le besoin du héros et son désir. Le désir n’étant pas forcément ce dont le héros a véritablement besoin. Le héros veut gagner le tournoi, c’est son désir, mais il fait cela car il a besoin de s’affirmer (voire devenir adulte).

En GN : On a parfois tendance à construire la transformation dans le background du personnage. Parfois, on fait également le choix de partir du début de l’histoire sans savoir où l’on veut aller. On a besoin d’un notaire pour une intrigue et on se dit qu’un notaire pourrait faire un personnage intéressant. On essaye de le relier à d’autres personnages et on sent qu’il pourrait faire des tas de choses pour les aider et leur rendre service. Essayez de créer des personnages en pensant avant tout à un besoin profond qui va les amener à devoir évoluer. Relisez votre scénario en vous posant la question du besoin et de la transformation pour chacun de vos personnages et vous verrez que ce ne sera pas la dernière fois que vous utiliserez la méthode.

Connaître la destination finale vous aidera à ne pas vous perdre dans des intrigues complexes et qui n’aident en rien votre héros à évoluer.

Un petit mot, enfin, sur le moment de la transformation finale du personnage. Ce moment est souvent associé dans les récits traditionnels à une révélation. Pensez aux divers polars.

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Une révélation est efficace et marquante si :
–    elle génère des émotions chez le public ;
–    elle est crédible et rendue possible par tout ce que le personnage a appris avant ;
–    elle provoque une prise de conscience du héros ;
–    elle apporte de nouvelles informations au héros ;
–    elle provoque chez le héros une transformation.

« Pourquoi pendant les débriefings, j’ai l’impression d’être passé à côté du jeu, ou pourquoi je ne comprends rien »

En GN : Je connais beaucoup d’auteurs qui recherchent l’effet Sixième sens d’une révélation finale sur la cosmologie de l’univers de jeu ou sur l’histoire des personnages. C’est un excellent point de départ pour faire une histoire intéressante. Il ne reste plus qu’à vérifier si cette révélation est crédible et si elle impacte vraiment le héros. Rien de pire que les révélations du type : « en fait c’est magique ». Ou alors dans un univers où la magie a été expliquée et respecte des règles connues du héros (c’est l’idée dans Harry Potter).

  • « Technique : le double retournement »

Très utilisable en GN, cette technique consiste à créer un adversaire au héros qui soit lui-aussi doté d’un besoin et dont la transformation peut avoir lieu en symbiose avec celle du héros, chacun prenant le meilleur de l’autre pour arriver à un point de vue moral transformé. Assez rarement utilisé dans les récits classiques, elle est très efficace, et comme le scénariste de GN vise en général à ce que chacun des personnages joueurs soit le héros de son histoire, il peut rendre cette méthode accessible plus facilement.

Etape 3 : le désir

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Unique

«  J’ai donné 10 objectifs à mon joueur et il se fait chier, pourquoi ? »

Une histoire suit une ligne de désir unique. Voilà le dogme hollywoodien. Mais également le dogme du récit traditionnel, de la dramaturgie et quasiment de l’ensemble des histoires que vous connaissez. Le héros veut quelque chose et va chercher à l’obtenir durant toute l’histoire.

En GN : Si votre personnage veut 3 choses différentes pour 3 raisons différentes, ce n’est pas parce que le scénariste pense que ces 3 choses vont permettre d’exprimer au mieux un point de vue moral et de jouer une évolution de votre personnage cohérente et passionnante. C’est parce qu’il veut vous occuper tout le week-end.

Précis

En plus d’être unique, il est bon d’avoir un désir clair et précis. De savoir quand il sera réalisé. De savoir s’il est proche, loin, ou si l’objet de son désir est perdu à jamais.

Encore une fois, on distingue facilement le besoin du désir, car si je dis que le désir de mon héros est de devenir adulte, quand puis-je savoir que le désir est réalisé ? Il me faut préciser les choses (je suis adulte car j’ai une maison, j’ai vaincu mon père, j’ai trouvé un travail qui me plaît).

Fin de l’histoire

Last but not least, le désir doit être assouvi ou perdu vers la fin de l’histoire. Car après cela, le moteur du personnage ne fonctionne plus (que c’est difficile de doser cela en GN pour un organisateur).

    Etape 4 : l’adversaire

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Ce sont les adversaires et les opposants qui vont permettre de définir le héros et le rythme de son évolution. Cette relation est absolument déterminante. Le héros se définit en grande partie par sa faiblesse. Or c’est cette faiblesse que l’adversaire va attaquer sans relâche. Forçant ainsi le héros à la prendre en considération.

Dans un match de tennis, il n’y a pas de héros, de besoin, de transformation (encore que), mais il y a un adversaire et n’est-ce pas suffisant à produire quelque chose de passionnant ?

Nécessaire

On ne va pas revenir là-dessus. Sans un adversaire pour attaquer la faiblesse du héros, point de salut. Car le héros doit avoir besoin d’évoluer pour vaincre cette faiblesse.

Humain

Humain, ça veut dire que plus il sera construit autour d’un besoin, d’un désir et de tout ce qui donne de la profondeur au héros, plus leur affrontement sera passionnant. Le plus simple étant de donner aux deux personnages le même objectif.

        Valeurs opposées

Les deux personnages ont une vision du monde et un certain mode de vie qui sont différents et bien souvent opposés. Leurs valeurs entrent en conflit.

        Argument moral

Au départ de l’histoire, les deux personnages ont un point de vue moral différent. Mais les méchants diaboliques n’intéressent personne. Pour que l’adversaire soit intéressant, il faut que son point de vue moral soit convaincant. J’aime beaucoup le point de vue moral de Magneto et du Prof. Xavier dans les X-men. L’un pense que les humains et les mutants peuvent vivre en paix. L’autre n’y croit plus. Le plan de Magneto dans X-men 1- le film vise à transformer tous les humains en mutants. Ce qui est une solution quasi pacifique. Malheureusement il s’avère que les humains transformés meurent après quelques jours. Bon, c’est pas de bol.

Nous verrons plus loin que bien souvent il est important que les deux points de vue soient erronés, et pas seulement celui de l’adversaire.

         Héros et adversaire similaire

Il est souvent plus facile de voir une différence si elle est évidente et que les deux personnages se ressemblent sur d’autres points. Les doter de traits similaires permet de concevoir leurs points de vue comme deux points de vue dans un éventail de possibilités face à un problème posé. Ces deux points de vue ne sont donc pas forcément deux extrêmes. Les conflits entre le bien et le mal sont abondamment utilisés et pourtant moins efficaces.

          Situer l’adversaire non loin du héros

Si les deux personnages ne s’aiment pas, il y a des chances qu’ils s’évitent. S’ils affrontent une même situation (voir X-men), s’ils sont de la même famille ou si l’un a besoin de l’autre (voir dans Le silence des agneaux, Clarisse et Hannibal), ils seront obligés de s’affronter.

Lire la partie suivante.

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Baptiste est Gniste depuis maintenant 15 ans, et a commencé par jouer des scénarios maison avec des amis sans vraiment avoir idée de ce qui se faisait autour. C'est plus tard qu'il a pu découvrir ce qui se faisait un peu partout dans le monde et continuer sans cesse de découvrir de nouveaux horizons. Il aime écrire des scénarios et vous pourrez en découvrir certains sur le site www.murder-party.org (Silence on meurt, Plan social). Persuadé que le GN est un art à part entière, Il a écrit un mémoire sur les jeux Grandeur Nature et veut promouvoir les partenariats inter-associatifs pour que notre loisir trouve un jour la place qu'il mérite. Il a l'honneur d'avoir été le Président de la glorieuse FédéGN.

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