Les quêtes – Partie 1 – Composantes

Publié le mercredi 14 mai 2014 dans Articles

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Ce nouvel article qui comportera plusieurs parties fait suite à l’article sur les intrigues, publié précédemment, dont nous conseillons vivement la lecture préalable : http://www.electro-gn.com/7125-les-intrigues-partie-1-les-situations-dramatiques

Les intrigues de GN : Entre jeu et récit

Les quêtes – Partie 1 – Composantes

 

Transition : lâcher la plume, saisir la clef anglaise

Si le GN ne peut pas proposer d’histoires telles que les fictions linéaires en proposent, c’est évidemment parce qu’il s’agit d’un jeu. Parler d’intrigue dans un GN est impropre, nous l’avons dit, à désigner ce que nous écrivons concrètement pour nos personnages. Une intrigue est l’ensemble des péripéties qui font avancer l’action dans un scénario, c’est à dire une succession déterminée que le scénariste est capable de vous décrire dans le détail, de scènes connues à l’avance, de l’exposition au dénouement. Cette posture de démiurge est inconcevable dans un jeu, où le joueur est finalement maître de ses actions.

La partie “littéraire” de notre travail, durant laquelle nous nous sommes enthousiasmés pour des situations dramatiques, avons travaillé nos conflits et rédigé l’ensemble au sein des fiches de personnage, représente en quelque sorte la concession du jeu à la narration. Nous ne pouvons ni nous y complaire, ni trop en attendre. Il faut le dire à nouveau : si dans une fiction linéaire, l’intrigue est à la base de tout le processus, elle est en GN le résultat du jeu. Les promesses d’une fiche de personnage doivent être tenues en jeu. Une intrigue n’aura de valeur qu’en étant traduite en quête efficace et pertinente / que si elle se donne à jouer de façon efficace et pertinente, dans son contenu comme dans sa construction. Nous avons déjà fait plusieurs pas dans cette direction dans la première partie de l’article.

Parce qu’ils proposent au joueurs des histoires qui se jouent (ou, si vous préférez, des jeux narratifs[1]), les organisateurs de GN tiennent davantage du game designer que du scénariste. Ce qu’ils conçoivent et mettent en place, ce sont des structures ludiques, des challenges, des quêtes !

À ce stade, les techniques du récit traditionnel ne nous sont donc plus d’une grande utilité. Là où un roman, un film, une pièce de théâtre ou une bande dessinée proposent des fictions linéaires,  le GN propose des fictions interactives sur lesquelles les organisateurs ont un contrôle finalement assez faible. Tout ce que peut faire un organisateur de GN est de mettre en place des structures ludiques que le joueur pourra potentiellement investir. C’est pourquoi je vous propose de passer des outils de scénario traditionnels à celui des outils de scénario interactifs, tels qu’ils sont notamment utilisés dans le jeu vidéo.

jeu video

Il existe bien sûr de nombreuses différences entre un jeu vidéo et un jeu de rôle grandeur nature. On peut d’ailleurs rapporter nombre d’entre elles au degré de contrôle que nous pouvons exercer sur nos créations respectives. Dans le domaine du jeu vidéo, développeurs et game designer peuvent agir en véritables démiurges, définissant les lois et contrôlant le contenu des univers qu’ils créent. Les parcours du joueur sont prédéfinis, de même que les réponses de l’environnement à ses actions. Cela a une conséquence importante : un joueur de jeu vidéo ne peut surprendre un game designer. Non seulement nous n’avons pas ce luxe, mais la plupart des GN se confrontent à une autre difficulté. En tant que jeux multijoueurs, ils doivent proposer des histoires et du drama pour chaque personnage.

En dépit de ces différences, organisateurs de GN ou concepteurs de jeux vidéo sont confrontés à une même problématique : celle des tensions entre jeu et récit. Le GN ayant produit très peu d’outils conceptuels, nous emprunterons donc au domaine du jeu vidéo, ce qui nous permettra au passage de pointer quelques particularités du GN dans son mode de narration. Les concepteurs de jeux vidéo n’ont eu de cesse de casser la linéarité de leurs jeux en complexifiant les structures de quête, tout en se réservant la possibilité de “raconter” des histoires fortes. Une telle ambition ne va pas sans faire des étincelles dans les deux sens, et produit parfois des choses remarquables. Bien que je ne donne dans cet article aucune “méthode” de conception de quêtes, j’ai abordé cette question dans un article précédent, le jeu par arborescence, consultable sur Electro-GN.

Les concepteurs de jeux vidéo parlent eux aussi d’intrigue pour désigner, dans un jeu comportant des éléments narratifs, la succession des éléments composants l’histoire. Ils parlent en revanche plus concrètement de quête pour désigner la construction des parcours possibles du joueur dans la structure du jeu. Cette dénomination de quête vaut pour tous les genres vidéo ludiques, même si elle est plus évidente dans les jeux vidéo d’aventure, qui ont un fort contenu narratif. Une quête s’écrit globalement dans les mêmes termes, et avec la même syntaxe, qu’une intrigue (objectif obstacle solution). Seulement, l’enchainement de ces étapes ne va plus de soi : elle représente un challenge. Pour faire progresser le jeu, et avec lui l’histoire, le joueur est soumis à un ensemble d’obstacles à surmonter, et de conditions à remplir.

 

Vers les structures de quêtes

Les composantes formelles de la quête

 

Composantes quête

Dans le schéma ci-dessus, les briques foncées représentent l’ossature de la quête. On peut les ramener à deux couples : l’épreuve formée par le couple Objectif / Obstacle, et l’énigme, formée par le couple Obstacle / Solution. L’épreuve fait passer le personnage de la situation initiale à la situation de conflit. L’énigme recouvre les tentatives du personnage pour surmonter l’épreuve, de la prise de conscience de l’obstacle à l’application de la solution. Selon les genres vidéo ludiques et selon les titres, les autres éléments ne sont pas systématiquement représentés ou développés.

Si l’on pense non plus aux jeux vidéo mais au GN, un constat saute aux yeux : les étapes 1 à 4 sont rarement jouées. En lisant sa fiche, le joueur prend connaissance de ses quêtes, lesquelles sont toutes à des états d’avancement plus ou moins important. Les quêtes sont le plus souvent rédigées jusqu’à l’obstacle, et parfois jusqu’à la solution, qu’il ne reste plus qu’à appliquer en jeu. Vous goûterez rarement le plaisir, en tant que Gniste, de venir comme une oie blanche sur votre jeu, profitant de votre situation initiale jusqu’à ce que quelqu’un ou quelque chose exige de vous que vous vous engagiez dans l’action.

Corollaire de l’observation précédente : les étapes 5 à 8 correspondent généralement à ce que nous jouons effectivement en GN, si tant est que nous parvenions à mener notre quête à son terme. Dans le cas contraire, nous passerons notre jeu à patiner sur l’étape 5 (éventuellement sur la 6, mais sans pouvoir appliquer la solution).

Pour résumer, alors que l’épreuve (le couple OBJECTIF OBSTACLE) correspond bien souvent à ce que nous avons dans notre fiche de personnage, l’énigme (le couple OBJECTIF SOLUTION) correspond à ce qui sera effectivement joué.

A/ Objectif

Il est peu de sujet aussi débattu parmi les gnistes que celui-ci. Dès lors que l’on parle d’objectifs, chaque remarque devient une prise de position, voire un marqueur identitaire. J’aimerais me concentrer ici sur deux points très généraux qui, je l’espère, ne seront pas sujet à polémique.

– Il faut d’une part distinguer les objectifs que les auteurs mettent en place, et ceux que les joueurs se donnent.

Les objectifs des auteurs se manifestent concrètement dans le jeu. Que l’on soit game designer ou organisateurs de GN, nous devons nous débrouiller pour faire prendre au joueur connaissance de ces objectifs. Il y a, dans le jeu vidéo, de nombreux moyens qui permettent d’informer le joueur quant à son objectif : son, image, texte, cinématique, dialogue avec un personnage, etc. En GN, les moyens sont moins nombreux. Comme nous l’avons fait remarquer précédemment, un gniste connait les objectifs de son personnage avant que le jeu ne débute. Il semble difficile, sans bousculer radicalement nos façons d’écrire et d’organiser, de révéler ou de mettre à jour les objectifs d’un joueur (par un PNJ ou un évènementiel) une fois que celui-ci est lâché dans la nature : en plus des efforts que cela exigerait de la part des organisateurs, il faudrait que le joueur comprenne bien que cela concerne son personnage, et pas un autre, qu’il saisisse ce qu’on veut de lui, et qu’il accepte de s’engager dans la quête. Nous nous reposons donc traditionnellement sur les documents d’avant jeu, et principalement sur la fiche d’un personnage, pour lui communiquer ses objectifs.

Le joueur peut également se donner des objectifs autres que ceux que l’organisateur assigne à son personnage. Que les quêtes qu’on lui propose soient trop difficiles, pas assez stimulantes, ou qu’il veuille tout simplement faire autre chose, cette éventualité est à prévoir. Beaucoup de game designer, lorsqu’ils conçoivent leurs jeux, s’en tiennent à une maxime : le joueur peut plus qu’il ne doit. Indépendamment de la poursuite de ses quêtes, le joueur doit pouvoir s’amuser. De nombreux jeux offrent des plaisirs qui ne dépendent pas de la progression de l’histoire. Les jeux en open world sont largement basés sur ce principe. Des titres comme Watchdogs ou GTA IV proposent des dizaines d’activités de contenu au joueur. L’intérêt de telles activités est que le joueur peut s’y engager quand il le souhaite. Si les Mass LARP peuvent parfois proposer ce genre d’activités, la plupart des GN sont  organisés en terme d’animation, selon une logique temporelle : à 12h30 le marché, à 20h le procès, etc.

– Il faut, d’autre part, se poser la question de l’engagement du joueur quant à la réalisation des objectifs qu’on lui assigne (et non plus de ceux qu’il se fixe). En effet, un joueur peut connaître l’objectif d’une quête sans pour autant avoir l’envie, les moyens ou le temps[2] de s’y engager.

L’engagement du joueur, au moins dans sa trame principale, est essentielle dans le jeu vidéo : un joueur qui ne veut (ou ne peut) progresser n’a plus qu’à éteindre la console. Le joueur reste toujours acteur de la progression de l’histoire, qui n’existe pas sans lui. Qu’il échoue, et il pourra recommencer. Qu’il veuille faire autre chose, et l’histoire l’attendra. La situation est très différente dans notre loisir. En GN, la diégèse se maintient (univers persistant), pour tous (multi-joueurs), et pour une durée déterminée (univers éphémère). Pour le dire autrement, qu’un joueur s’engage ou non dans ses quêtes ne changera pas grand chose au fait que l’univers continuera d’exister pour tous les autres joueurs, ceci jusqu’à une fin programmée indépendante de la progression d’un joueur en particulier. Partant de là, deux grandes options d’organisation s’offrent à vous, et qui couvrent la majorité des GN :

Vous renoncez au principe d’une trame principale et proposez aux joueurs un cadre. Ce cadre est plus animé qu’il n’est scénarisé. Au sein de ce cadre de jeu, chaque joueur fait ses petites affaires. Les quêtes des joueurs correspondent à autant d’histoires individuelles qui contribuent à faire vivre ce petit monde le temps d’une soirée ou d’un week-end.

– Vous scénarisez votre jeu et proposez une trame globale. Même si certains personnages peuvent avoir plus de raisons de s’y engager que d’autres, chacun peut s’impliquer et faire évoluer la situation dans un sens ou dans l’autre. Vous marquez la progression de l’histoire, qui est celle de tous les joueurs et d’aucun en particulier, au moyen d’évènementiels, jusqu’à un dénouement. Si le scénario principal s’adresse potentiellement à tout le monde, la plupart des quêtes individuelles n’ont quant à elle qu’un impact limité (le personnage principal et éventuellement quelques autres).

Dans les deux cas, les quêtes individuelles des joueurs sont facultatives, et le jeu existe indépendamment de leur engagement.

B/ Obstacle

Chaque quête a au moins un obstacle. Sans eux, pas de conflit, pas de drame, pas de jeu. L’obstacle n’est pas nécessairement une force agissante contre le personnage.

Il faut distinguer les obstacles actifs, qui œuvrent directement contre le protagoniste (un tueur à gage), et les obstacles inactifs (une porte fermée). Nous retrouvons, en GN, des obstacles actifs et inactifs. Parmi les premiers, certains sont à la charge des organisateurs. Cependant, le GN est un jeu multi-joueurs, et rien n’est plus efficace que de jeter les joueurs les uns contre les autres. Des objectifs opposés ou simplement dissemblables, voilà qui suffit à compliquer n’importe quelle tâche simple. Cette opposition des volontés et des objectifs est au cœur de très nombreuses intrigues. Du côté des obstacles inactifs, on retrouvera messages codés, objets cachés ou perdus, portes fermés, etc.

Nous trouvons également dans le jeu vidéo des obstacles sans solution : c’est par exemple le cas des environnements que le joueur ne peut traverser (montagnes infranchissables, horizons en trompe l’œil, etc.) et qui servent à délimiter le jeu. Nous retrouvons en GN des obstacles sans solution, parmi lesquels figure justement la délimitation du site. Que vous jouiez à un GN apocalypse zombies ou agents secrets, ces obstacles sont aussi réels qu’ils sont insurmontables. Rien ne vous empêche, bien entendu, de vous en affranchir pour retourner à votre voiture sur le parking, mais en faisant cela vous êtes précisément hors jeu.

Entre autres singularités, et à la différence du jeu vidéo, le GN comporte toutefois des obstacles d’un genre particulier. Alors que le jeu vidéo ne propose que des obstacles techniques (intellectuels ou physiques), le GN propose également des obstacles « psychologiques ». Contrairement aux autres types d’obstacles, qui existent indépendamment de moi, on me demande d’interpréter ces obstacles, et ils ne seront des obstacles que si j’en décide ainsi. Posons la situation suivante. James est secrètement amoureux de Stacy, qui sort avec Mike, star du lycée et chef de l’équipe de Football. Or Mike bat souvent Stacy et la traite comme une trainée, ce que James ne supporte pas. Objectif : casser la gueule à Mike. Obstacle : je suis un nerd et une mauviette. La caractère de James est un obstacle à la réalisation de l’objectif, mais qu’est-ce qui empêche le joueur d’en faire abstraction pour aller casser la gueule à Mike au bout de 5 minutes de jeu ?

En tant qu’organisateur, vous devez parfois ruser pour ne pas trop laisser ce genre de choses à l’appréciation des joueurs. Opérationnaliser une intrigue, (ou plutôt une quête), c’est aussi rendre les obstacles concrets. Reprenons la situation exposée. L’organisateur peut commencer par attribuer 10 points de vie à Mike, et 2 à son challenger. Il peut ensuite prévoir des règles de jeu relatives à l’alcool, et précisant que si le seuil de tolérance d’un personnage est dépassé, il tombe à 1 point de vie pendant 1 heure. Enfin, en tant que scénariste, il prévoit une grande fête étudiante ou l’alcool coulera à flot. La solution devient donc : faire boire Mike comme un trou avant de le provoquer et de lui mettre une raclée. Avec cette solution, non seulement je respecte le profil de mes personnages, mais j’incite mon joueur à être dans son rôle, en mettant en place une solution qui fait de lui le petit nerd faisant marcher sa tête plutôt que ses muscles, et qui va tricher un peu pour avoir son heure de gloire auprès de Stacy. Il peut y arriver ou ne pas y arriver, mais ce n’est plus mon problème : pour ce qui est de la construction de la quête, je suis un organisateur irréprochable.

C/ Exploration

Les_Chevaliers_de_Baphomet_logo_(console).svg

La prise de connaissance des objectifs, des obstacles et des solutions peuvent passer par des phases d’exploration. Des moments d’exploration peuvent s’intercaler entre tous les éléments d’une quête. Dans un jeu vidéo d’aventure comme Les chevaliers de Baphomet, le joueur explore en permanence l’environnement pour savoir quels sont ses objectifs, et quels obstacles se dressent sur son chemin. Toutefois ce n’est pas obligatoire. La seule phase d’exploration qu’il faut impérativement laisser au joueur, c’est celle qui lui permet de découvrir la solution. L’exploration pour la solution correspond à la collecte des informations et / ou des objets nécessaires pour surmonter l’épreuve.

Qu’en est-il en GN ? Nos objectifs et les obstacles qui leurs sont associés sont, nous l’avons dit, souvent connus dès la lecture de la fiche. Nous nous concentrons donc directement sur l’exploration pour la solution, qui peut représenter l’essentiel de notre jeu. Étymologiquement, quester, c’est chercher : chercher une information, chercher une personne, chercher un objet, etc. Si l’on met les éléments relevant du roleplay entre parenthèses, cela représente finalement une bonne partie de ce que nous faisons en GN dans le cadre de nos intrigues.

D/ Solution

Quand on parle de solution, on parle d’application de la solution. Il y a une différence entre le fait de savoir quoi faire pour surmonter un obstacle, et le fait de le faire effectivement. Bref, il faut penser la solution en termes d’action. La solution d’une quête est l’action appropriée du joueur face à un obstacle. Il existe évidemment des quêtes à plusieurs solutions, qui toutes permettent au joueur d’achever la quête. Une quête sans solution peut exister dans un jeu vidéo… mais il s’agit soit d’un bug, soit d’un troll !

Une réflexion sur cette notion de solution appliquée au GN permet rapidement de faire plusieurs constats :

D’une part, la distinction entre la connaissance de la solution et son application est importante, parce qu’elle nous permet de constater qu’en GN, nous connaissons parfois la solution d’un problème avant même de commencer à jouer, en lisant notre fiche.

D’autre part, les énigmes à plusieurs solutions, qui existent aussi en GN, sont en fait assez rares. Cela suppose que l’organisateur implémente plusieurs solutions satisfaisantes, tant sur le plan ludique que sur le plan dramatique, tout en sachant que le joueur n’en fera fonctionner qu’une. Vous me direz « mais les intrigues de GN ont souvent des tonnes de solutions ». Certes, mais ces solutions n’auront pas spécifiquement été mises en place par les organisateurs. C’est une particularité du GN par rapport au jeu vidéo, à savoir la possibilité de mettre en place ce que l’on pourrait appeler des quêtes à solutions ouvertes. Une quête à solution ouverte consiste à donner un objectif au joueur tout en lui demandant de se débrouiller pour l’atteindre.  Sous entendu « c’est sûrement faisable, mais on n’a rien mis en place pour le faire». D’une certaine façon, toutes nos quêtes, en GN, sont à solutions ouvertes. Quel que soit ce qui aura été mis en place par les organisateurs, nous pouvons toujours les surprendre.

Reprenons et croisons ces deux constats à l’aide d’un exemple. on peut distinguer formellement 4 cas de figures :

Connaissance de la solution dans la fiche

Mise en place de la solution dans le jeu

OUI

OUI

Vous devez neutraliser la comtesse. Vous pensez la faire chanter en interceptant les lettres compromettantes que lui envoie son amant (une lettre compromettante de son amant existe en jeu).

OUI

NON

Vous devez faire chanter la comtesse en interceptant les lettres de son amant Et oups, la lettre n’est pas en jeu… Félicitations ! c’est une bourde d’orga

NON

OUI

Neutralisez la comtesse en trouvant un moyen de la faire chanter (une lettre compromettante de son amant existe en jeu)

NON

NON

Vous devez faire en sorte que la comtesse ne soit plus une menace pour vos plans.

Note : la logique de ce tableau reste la même dans le cas d’énigmes à plusieurs solutions.

E/ Récompense

L’idée de récompense ne va pas de soi, que ce soit dans un jeu vidéo ou dans un GN. En plus du simple plaisir que nous prenons à jouer à ces jeux, nos succès sont-ils pas en eux-mêmes gratifiants ? Il existe pourtant dans le domaine du jeu vidéo une longue tradition consistant à récompenser le joueur méritant d’une façon ou d’une autre. Un développeur pouvait passer des jours à développer un niveau caché pour récompenser un joueur perspicace ou insistant. Aujourd’hui, la tendance est aux systèmes de achievements. Ces “médailles” représentent une solution moins coûteuse que la précédente : il s’agit juste d’éplucher le gameplay de votre jeu de façon à produire 1001 façons de réaliser telle ou telle tâche (par exemple dans un jeu de stratégie temps réel, le fait de gagner en moins de 5 minutes, ou bien sans produire de blindés…). Ce qui pouvait n’être à l’origine qu’un simple culte de la performance (beat the game !) est aujourd’hui devenu une norme s’appuyant sur la psychologie du joueur, la gestion de la frustration, et éventuellement le service marketing (n’emmerdez pas le client !). L’ensemble repose sur la systématisation d’un axiome simple : effort = récompense.

trophee

Rien d’aussi systématique dans le GN, où nous nous contentons souvent du plaisir immédiat que nous tirons de nos réussites. Le fait de sortir victorieux d’un duel, ou de conquérir le cœur de la dame que je courtise, est gratifiant en soi. Il n’est pas sûr que les gnistes gagnent beaucoup à reproduire une pratique de game designer obsédés par les boucles de feedback. Il est cependant des cas où ces considérations ne sont pas forcément malvenues. Je pense à ces quêtes dont les conséquences sont virtuelles. Le fait de savoir, quand sonne la fin de jeu, que l’avenir de mon personnage sera formidable n’est pas tellement gratifiant, dans la mesure où je redeviens moi-même et que je retourne au boulot le lendemain. Il n’est donc pas aberrant de se demander parfois comment, en tant qu’organisateurs, nous pouvons matérialiser la réussite du joueur dans le jeu. Admettons que je joue un baron désargenté qui joue son va tout en bourse. Admettons qu’en dépit des risques et des difficultés, je parvienne à décrocher le pompon. Les organisateurs peuvent n’avoir rien prévu d’autre que de me voir retourner en jeu en criant « Jje suis riche ! Je suis riche ! ». Ils peuvent aussi avoir prévu l’éventualité de mon succès et manifester cette fortune en jeu, en me permettant par exemple de faire mon entrée chez les mondains entouré de PNJ domestiques prêts à faire couler des flots de champagne. C’est une sympathique réponse dramatique, gratifiante pour le joueur.

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[1] Pour plus d’éléments sur ce point, se reporter à l’intervention de Daniel Bonvoisin lors des GNiales 2011

[2] Le temps est une donnée profondément structurante en GN. Un gamer fige le monde en éteignant la console. Le Gniste, lui, doit apprendre à gérer son temps.

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Matthieu NICOLAS

C'est tout jeune, en fouillant dans les affaires de mon frère et en découvrant ses bouquins de l'Œil Noir, que je suis devenu rôliste. Il n'aura fallu que quelques compagnons de route et un repaire (la seule boutique de jeu digne de ce nom de mon patelin) pour élargir la pratique : dés, wargames, hexagones, figurines... ont fini par occuper une part gigantesque de mon temps libre. Ajoutez à ça une pratique assidue des jeux vidéo, et vous n'obtenez pas le gars le plus populaire du lycée. Qu'importe ! J'ai découvert le GN vers 15 ans grâce à des types sans peur et sans reproches. J'enchaîne les expériences en la matière depuis une vingtaine d'années, alternant périodes creuses et fastes, jeux malins et jeux crétins, à la recherche d'un Graal que j'espère ne jamais trouver. J'aime interroger la pratique, chahuter les habitudes.

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