Critique – Germanies

Publié le vendredi 9 septembre 2011 dans Critiques de GN

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Le GN Germanies a été organisé les 4 et 5 juin 2011 par l’association O.R.C. (Ouest Rôles et Créations)

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Le jeu propose de jouer en 68 après J.-C., sous le règne de Néron, comme vous le savez bien sûr. Mais comme l’indique le titre on ne va pas jouer à Rome, mais en Germanie, terre occupée par l’armée romaine depuis belle lurette. Oui mais, il faut savoir qu’il y a environ 50 ans, un groupe d’irréductibles a mis une peignée à l’armée romaine. Pas une petite hein ? Un truc bien costaud. Du coup, aujourd’hui, Rome s’est repliée derrière le Rhin et s’inquiète de voir un nouveau massacre de ses légions.

Dans ce contexte, vous incarnez un citoyen romain. En gros un villageois du coin plus ou moins important, habitué à l’occupation romaine. Bien évidemment, les personnages ont plus ou moins d’affinités avec l’idée d’une indépendance. Une quinzaine de joueurs incarnent les légionnaires en garnison dans la région qui accueille un conclave. Ce fut mon cas et c’est essentiellement de ça dont je voudrais vous parler.

Le jeu proposait assez clairement de jouer des tranches de vie réalistes des citoyens de la région dans cette période troublée. Ou bien, dans le cas des légionnaires, une vie de garnison qui va voir sa routine brisée par un changement de climat politique. Dans ce sens, les fiches semblent assez réussies. Elles sont simples et efficaces et ne se dispersent pas en 1001 intrigues sans queue ni tête, préférant mettre l’accent sur un ou deux enjeux forts.

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Par-dessus la matière proposée par les fiches de personnages, une petite armée de Pnjs dispersée sur le terrain proposait des intrigues annexes, toutes reliées à une intrigue générale. L’ensemble de ces Pnjs pouvant se rencontrer lors d’une balade dans la forêt qui entourait le village. Deux aspects du jeu dont je ne parlerai quasiment pas, et pour cause, je vivais autre chose, non loin de là.

La suite de cette critique intéressera essentiellement ceux qui souhaiterait un jour proposer à leurs joueurs d’incarner des soldats.

Au sein de ce contexte, j’ai eu la chance d’expérimenter le jeu militaire. La 22ème légion 3ème cohorte 5ème centurie et j’ai oublié la suite… débarque dans le village au début du jeu et installe son camp en bordure du village, sous les ordres du décurion.  Les autres légionnaires et moi-même avions pris le temps de coordonner nos tenues de façon à montrer notre unité, comme nous l’avaient conseillé les organisateurs. L’effet est immédiat. Les boucliers, les glaives et la formation, donnent immédiatement une sensation de toute puissance, très largement vérifiée par la suite d’ailleurs. Notre présence est impossible à manquer. Nous sommes clairement identifiables et c’est agréable de ne pas avoir à se présenter aux autres joueurs avant chaque phrase.

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Avouez qu’on a de l’allure quand même

 

Assez rapidement, le décurion commence à organiser des patrouilles, tandis que ceux qui ne sont pas de service attaquent le jaja et le saucisson aux couilles d’oursin, agrémenté de sauce au miel. La vie de garnison n’est pas palpitante, mais les organisateurs ont eu l’intelligence de ne pas nous surcharger d’intrigues personnelles délirantes. Patrouiller et faire des siestes ou encore jouer aux dés, c’est sans doute l’essentiel de ce qui composait la vie d’un légionnaire. Nous avions clairement signé pour ça et c’est ce qui a composé l’essentiel des premières heures de jeu, avant que les troubles locaux ne parviennent à nos oreilles et ne nous obligent à nous remuer un peu.

Cette inertie totalement assumée concerne le troufion de base. Car pendant ce temps là notre décurion, lui, ne se reposait pas. D’abord parce qu’il avait « en jeu » toutes les raisons de se préoccuper de savoir ce qui se passait dans le village, d’en connaître les chefs et les personnes influentes, mais également pour des raisons de méta-jeu évidentes. En acceptant de nous en remettre entièrement à la hiérarchie, nous avions le beau rôle. Le décurion est le seul à pouvoir nous sortir de notre train-train et nous amener des objectifs et des éléments perturbateurs. Et bien c’est un rôle difficile et ingrat. Je salue notre décurion qui s’en est tiré à merveille et surtout jusqu’au lendemain sans flancher. Si vous souhaitez un jour écrire ou jouer ce genre de rôle, faites attention. Votre autorité sera remise en question si le personnage est un rebelle, si le joueur est un rebelle, si le joueur pense qu’il y a mieux à faire, si les organisateurs sont en retard, si la bouffe arrive au moment où vous donnez un ordre. Bref, tout le temps, y compris par des joueurs intelligents avec lesquels vous vous êtes mis d’accord auparavant.

Mais quand ça marche, quand l’unité est là, quand elle est efficace et que l’autorité la renforce, vous pouvez vous offrir de véritables moments de bonheur. Et ce fut le cas sur ce jeu.

Deux éléments sont à prendre en compte également, tant pour les joueurs que pour les organisateurs. Et si ce fut assez bien géré par les auteurs pour le Germanies, j’ai déjà connu des jeux catastrophiques où un seul de ces éléments était déséquilibré.

Je veux parler de la gestion de la violence et de l’équilibre des forces.

La guerre c’est violent ! J’ai pas peur de le dire. Et sur un jeu qui se veut réaliste, il faut bien faire attention à mesurer la façon dont la violence peut se manifester. Dans une optique parfaitement immersive, j’ai été tenté à un moment de couper les mains d’un voleur de poulet. J’ai été retenu par un élément : il s’agissait d’un joueur et le jeu avait commencé 10 minutes auparavant. Le pauvre joueur avait commis le vol avant le début du jeu. Je crois qu’il faut être très vigilant avec ce genre de chose, surtout quand on a des militaires censés se faire respecter sur son jeu.

Plus tard, nous avons massacré un villageois qui avait refusé de poser sa hache sur le sol, ce qui a remis les pendules à l’heure, mais il n’y a rien de pire que de jouer des personnages impuissants alors que leur rôle stipule le contraire. Les agents de police qui ne font pas peur, le shérif qui n’a pas de prison ni d’adjoints, etc… À l’inverse, il est dramatique qu’un groupe de joueurs trop puissant et sans vergogne fasse sa loi sur un jeu. Dans les deux cas, les frustrations sont énormes.

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Les barbares ont l’air nombreux, mais avec un mur de bouclier, ça se gère presque à 6 légionnaires

La violence dans un Gn qui se veut réaliste est une notion importante. Les démonstrations de violence font prendre conscience à tous que la mort est irrémédiable, que la discrétion n’est pas un vain mot, que les armes sont le pouvoir. Mettre de l’ultra-violence dans vos jeux renverra l’ensemble de vos joueurs à l’enjeu le plus primaire qui soit : La survie. Un enjeu simple et compréhensible et terriblement efficace dramatiquement parlant.

Ce qui m’amène immédiatement à mon deuxième élément : l’équilibre des forces. Sur le GN Germanies, les légionnaires étaient, de par les règles d’armures et le matériel (un mur de pavois est infranchissable), quasiment invincibles. Mais les villageois étaient nombreux. Et si parmi eux, un nombre suffisant se décidait à nous passer par le fer, il était évident que nous ne ferions pas long feu. Un égorgement durant notre sommeil, un incendie aurait bien fait l’affaire. Cet équilibre simple conduit tout le monde à se respecter et à se craindre. Ce qui, dans l’univers violent et martial dans lequel prenait place le Germanies était essentiel.

Dans Germanies, l’équilibre des forces en présence était bien maîtrisé. Les auteurs n’ont pas fait l’erreur de mettre en opposition directe villageois et armée romaine, ce qui a conduit à un climat de tension vraiment intéressant. Personne n’est tranquille, mais personne ne se sent complètement menacé non plus. Le rôle de la légion était important pour le maintien de l’ordre et de la sécurité (gardien de la paix avant tout) et nous donné suffisamment de jeu pour le week-end. Un bon exemple de réussite de ce côté-là, à imiter pour vos jeux à tendance militaire.

Germanies, un jeu de l’assocation O.R.C. et plus particulièrement de Loïc Herbreteau, Raphaël Thébaud, Pierre Farcy, Axel Levillayer, Virginie Cussonneau, Caroline Martineau, Louise Thebaud, Damien Desnous (épaulés par Fred et Virginie d’A3DL)

 

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Baptiste est Gniste depuis maintenant 15 ans, et a commencé par jouer des scénarios maison avec des amis sans vraiment avoir idée de ce qui se faisait autour. C'est plus tard qu'il a pu découvrir ce qui se faisait un peu partout dans le monde et continuer sans cesse de découvrir de nouveaux horizons. Il aime écrire des scénarios et vous pourrez en découvrir certains sur le site www.murder-party.org (Silence on meurt, Plan social). Persuadé que le GN est un art à part entière, Il a écrit un mémoire sur les jeux Grandeur Nature et veut promouvoir les partenariats inter-associatifs pour que notre loisir trouve un jour la place qu'il mérite. Il a l'honneur d'avoir été le Président de la glorieuse FédéGN.

3 réactions à Critique – Germanies

  1. Je me suis bien amusé pendant ce jeu. C’était pas très complexe, mais bien senti, et immersif (notamment grâce au site). Orgas et joueurs très sympas aussi. Et thème inhabituel, ce qui ne gâche
    rien.

  2. Moi je dits que t’a été sympa avec ton decurion qui débuté en GN 😉

  3. mon décurion (à qui je fais des poutoux) a tenu jusqu’au bout du GN en restant dans son rôle et en essayant de garder la main mise sur une décurie parfois dissipée. ET je ne sais pas si j’y serai
    parvenu. Donc merci à lui

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