Cet article propose d’appliquer quelques méthodes utilisées dans d’autres secteurs, à l’écriture de scénario de GN. En effet, de nombreuses méthodes ont été développées pour permettre d’améliorer sa créativité. Ces méthodes sont appliquées aussi bien par des agences de publicité que par des hommes politiques.
Comme le but de ce blog est de chercher à valoriser et encourager les initiatives et de bouleverser les conventions, il me semble judicieux de parler de la façon dont on s’affranchit des conventions, lorsqu’on recherche une solution originale. En effet, la créativité n’a pas grand-chose à voir avec la qualité d’un scénario mais plutôt avec l’originalité des idées proposées.
En médecine, on sait que de grandes découvertes sont le fruit du hasard, d’un accident ou d’une erreur. En ce qui concerne le cerveau et la pensée humaine, les mécanismes qui génèrent de nouvelles idées sont l’erreur, l’accident et l’humour. Travailler à l’intérieur des structures existantes ne produira jamais de nouvelles structures.
Qu’est-ce qu’une structure ?
Le GN utilise régulièrement des références connues pour permettre aux différents joueurs de bien identifier la thématique du jeu. Chacun a alors une idée assez précise de la façon dont il peut interpréter son personnage. Les choix du joueur sont donc limités à une certaine structure. Toute réflexion en dehors de la structure dans laquelle on évolue est superflue. C’est ainsi que fonctionne le cerveau humain, sans quoi, la vie serait impossible.
Le pendant de ce choix d’une thématique précise pour son scénario est que l’auteur est lui aussi prisonnier d’une ou plusieurs structures. Au-delà même de la thématique du jeu, notre cerveau va toujours avoir tendance à copier des idées connues, puisque nous sommes gavés de références diverses. Picasso disait : « les bons artistes copient, les grands artistes pillent. » Et je crois volontiers qu’il y a matière à écrire encore bien des scénarios de qualité, sans jamais inventer quoi que ce soit.
Les classiques littéraires et les mythes divers sont à eux seuls une source d’inspiration qui semble quasi-inépuisable. Cependant, quand le GN commence à copier le GN et qu’on découvre que quelqu’un a écrit le même personnage que celui que l’on pensait écrire sur son prochain jeu, on peut se demander si cette communauté de joueurs de GN n’a pas un peu trop de références communes.
L’humour comme exemple
L’humour utilise régulièrement le changement brutal de structure. Parce qu’un petit exemple vaut mieux qu’un long discours, voici une histoire qui illustre bien l’idée du changement de structure et que Edward de Bono cite dans son livre : The use of lateral thinking : « Un contrôleur entre dans un compartiment. Un jeune homme commence à chercher son billet et panique : il fouille les poches de sa veste, son pantalon, le manteau accroché, sa serviette, partout. Au bout d’un moment, le contrôleur prend pitié de lui et retire le billet des lèvres du jeune homme (où il était depuis le début). Le contrôleur parti, un passager demande au jeune homme s’il ne se sent pas un peu ridicule. ‘’ Pas du tout, répond le jeune homme, je mâchais la date du billet’’»
L’humour illustre bien le changement de structure et ses conséquences. Dans une structure différente, on accède à un autre niveau de lecture. Il peut alors apparaître que quelque chose est évident. A posteriori, cette évidence est là, mais à la première lecture, elle est cachée. L’erreur est donc de penser que puisque quelque chose est logique, une meilleure utilisation de la logique nous y aurait conduit au départ. Ce n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi il peut être bon d’affranchir son cerveau de certaines logiques lorsqu’on essaye d’écrire un scénario original.
L’idée tremplin
Certaines personnes laissent vagabonder leur esprit plus facilement que d’autres ou perçoivent plus difficilement les structures. Il est également possible qu’elles aient été mal renseignées sur ces mêmes structures. Les idées qu’elles proposent au cours d’un brainstorming peuvent alors sembler mauvaises car trop chaotiques, pas à leur place. Dites-vous que toute idée est bonne à prendre ! Cette personne et ses idées vont vous être utiles. Une idée ne doit pas forcément être utilisée pour sa valeur intrinsèque. Elle peut aussi être utilisée pour sa valeur de mouvement.
Dans le cadre d’une réunion pour l’écriture d’un scénario Star wars, quelqu’un, arrivé en retard, propose d’intégrer un personnage inspiré des dessins animés disney. Au premier abord, la thématique semble avoir été mal saisie. Pour autant, il y a dans cette idée largement de quoi s’éloigner des archétypes de la trilogie Star wars sans trahir le genre. La plupart des Disney sont des adaptations de classiques. Prenons Peter pan et les enfants perdus. Des enfants perdus, qui vivent seuls en communauté sur une planète éloignée. L’idée peut séduire.
C’est le mouvement généré par l’idée pourtant chaotique qui a donné lieu à cette idée. Parce qu’une idée en apparence mauvaise pourra servir de tremplin pour d’autres idées.
La provocation
Que vous le vouliez ou non, votre cerveau a créé une structure à la seconde où vous avez commencé à réfléchir à un problème. Cette structure est composée d’un certain nombre de critères. Un peu à l’image d’un cahier des charges. Il est très difficile de faire le tour de ce cahier des charges lorsqu’on recherche une idée d’intrigue pour un scénario. Essayez donc de rayer l’un des acquis de votre cahier des charges pour voir ce que cela donne. Exprimer une idée qui pourrait être contradictoire avec ce cahier des charges au moins en partie.
Imaginons l’écriture d’un scénario de western et prenons une série d’idées qui brisent volontairement les codes du genre :
– Les indiens sont très cultivés et ont fait des études.
– Les cowboys sont des lâches qui ont peur de tout.
– Il neige.
Avec un peu de recherche, ces idées peuvent donner lieu à des choses intéressantes et beaucoup moins provocatrices :
– Une institutrice qui essaye d’enseigner aux peaux-rouges.
– Un pistolero mythomane trouillard et lâche.
– Un western dans le grand nord en plein hiver : une ambiance vraiment différente pour votre GN.
Le tirage au sort
Pour finir, une dernière méthode vraiment amusante et facile à utiliser. Prenez un mot au hasard et associez-le à votre réflexion du moment. Prenons l’exemple de la situation suivante. Dans mon scénario, je voudrais que les tribus orques et les villes humaines cohabitent. Pour autant je ne trouve pas de solution originale qui justifie cette coexistence. Je vous encourage à prendre un dictionnaire, comme je m’apprête à le faire en écrivant ces mots. (En fait, je n’ai pas trouvé de dictionnaire et j’ai donc pris le premier livre que j’avais sous la main) Le résultat est « Majesté ». Sur le coup, je me suis dit que j’allais changer de mot pour me faciliter la tâche et puis une idée m’est venue presque aussitôt. Les villes humaines cohabitent avec les tribus orcs parce que le roi l’a ordonné. Voila non seulement une raison suffisante mais qui en plus me permet de garder le mystère de cette co-existence intacte. Pourquoi le roi a-t-il proclamé que les tribus orcs devaient être laissées en paix ? Je vous propose de rouvrir votre dictionnaire et de proposer une solution dans les commentaires.
À première vue, cela peut sembler illogique que le premier mot venu puisse aider dans de nombreuses situations, mais ne sous-estimez pas la capacité du cerveau à dégager des concepts utilisable de n’importe quel mot. Le mot « éléphant » devient « Grand » et devient donc plus facilement applicable à n’importe quelle problématique.
Avec ces trois méthodes, nous cherchons à booster notre créativité. Le tremplin permet de redonner une dynamique à notre réflexion. La provocation permet de s’affranchir d’un soi-disant acquis. Quant au tirage au sort, il permet de s’ouvrir à d’autres influences que celles qui ont généré le problème. Il existe pléthore d’autres méthodes pour gagner en créativité sans sombrer dans le n’importe quoi absolu. Et l’écriture de scénario de GN étant souvent une œuvre collective, elle me semble être un terreau fertile à l’expérimentation de ces méthodes.
Et pour continuer, des techniques supplémentaires dans cet article.
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8 avril 2011 at 0 h 42 min
Non mais c’est n’importe quoi, tu encourages tout simplement l’écriture de GN incohérents, qui bafouent les thèmes classiques, qui pourtant ont fait leurs preuves !
Plus sérieusement, c’est un chouette article. Ça m’évoque d’ailleurs un truc qu’on fait avec Dawi sur notre projet actuel : on écrit volontairement les idées qu’on trouve mauvaises, parce qu’on
sait qu’elles peuvent déboucher sur d’autres idées, bonnes cette fois.
8 avril 2011 at 1 h 37 min
dans un brainstorming, au sens classique, il parait qu’il ne faut jamais refuser une idée, d’emblée. on note tout, et ensuite on fait le tri. il y a plein de méthodes sympa pour le faire.
ça a le mérite de forcer les gens à s’écouter jusqu’au bout,de ne pas vexer ceux qui ont du mal à séduire en une seule phrase et qui se font systématiquement refuser leurs idées par un groupe un
peu vif.
ça mériterait un article sur le brainstorming.
8 avril 2011 at 1 h 53 min
Je suis tout à fait d’accord. Mais avec Dawi on fonctionne comme ça tout le temps, pas juste en phase brainstorming.
8 avril 2011 at 2 h 06 min
Une idée, ça murit quand on en prend soin. Donc, il ne faut surtout pas l’apprécier seulement à son état initial, qui n’est généralement pas grand chose.
8 avril 2011 at 2 h 07 min
J’ai tiré “horreur” mais cela m’emmenant sur des terrains trop classiques, j’ai repioché un “demi-solde”.
Le roi a décidé de co-exister avec les orcs car contre une somme modique (mais pour eux phénoménale), il se sert de ces soldats bon marché comme chaire à canons. La révolte gronde…
8 avril 2011 at 3 h 06 min
On oublie beaucoup trop souvent le rôle de la bière, du Lagavulin et de la cocaïne qui ont beaucoup fait pour le GN…
8 avril 2011 at 3 h 08 min
excellent, “demi-solde”…mais j’aimais bien “horreur” quand même. si le roi a horreur des orcs en vérité, c’est que son édit les concernant n’est en fait qu’un piège pour les mettre en confiance
et les détruire tous…
8 avril 2011 at 3 h 43 min
En fait, j’ai combiné les deux mots, d’où le “chaire à canons” mais j’aime bien ton idée aussi.
9 avril 2011 at 1 h 24 min
Vous remarquerez que vous avez tous les deux garder le mot majesté alors qu’il ne fait pas partie de la consigne de départ..
pour ma part, j’ai tiré “interpréter” : l’une des deux tribu est arriver dans la contré de l’autre et s’installe afin d’étudier les mœurs ou de comprendre le langage de l’autre…
21 avril 2011 at 8 h 18 min
Très bon article… Un paralèle intéressant peut etre fait avec Horowitz et la méthode ASIT (dite du monde du petit problème) dna slaquelle tu supposes l’exact contraire : le monde de ta solution
est sous tes yeux depuis le début.