Le GN virtuel, un assaut contre la frontière

Publié le lundi 7 décembre 2020 dans Articles

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« Finalement son visage apparaît. Elle a plongé son salon dans le noir, a mis une légère musique d’ambiance et du mascara sur ses yeux. Ce n’est sans doute pas grand chose mais le contraste produit un fort effet sur moi. »

Steve J, extrait d’un compte-rendu de partie du GN virtuel Island in a sea of solitude.

 

« La littérature est assaut contre la frontière. »

Franz Kafka

 

Aujourd’hui, je voudrais parler d’un assaut contre la frontière qui se trame dans le monde du GN. Il va être question de GN virtuel.

 

(temps de lecture : 11 minutes)

Gunnar Wrobel, cc-by-sa, sur flickr

 

INTRODUCTION

 

Je vais ici traiter de ce que je connais sur cette façon de jouer, et de ce que j’ai personnellement expérimenté et développé, mais il est fort possible que la pratique soit plus ancienne que ce que je décris, et sûrement plus développée que ce que j’en connais. Je ressens cependant l’importance d’en parler, parce qu’elle me semble peu documentée et fédérée, et parce qu’elle nous interroge sur les limites et les évolutions du GN, tout en nous permettant d’élargir notre champ de jeu ou de servir de palliatif quand un GN en présentiel n’est plus possible, mais aussi en nous offrant des champs d’expérimentations grisants pour le GN présentiel même, et aussi pour le jeu de rôle sur table.

 

RÉSUMÉ

 

Le GN virtuel est une transposition des mécaniques du GN en présentiel sous forme de téléconférences, via un salon unique ou des salons multiples. C’est une forme de jeu très axée sur le roleplay, mais on peut aussi faire quelques interactions physiques via des simulations verbales et se déplacer de salon en salon pour émuler plusieurs décors de jeu.

Il se rapproche du jeu de rôle sur table virtuel, mais s’en distingue par l’absence de figurants et des décors quasiment immuables. La différence majeure est le concept de salons multiples, donnant accès à un jeu multilocal qui n’est pas la norme en jeu de rôle sur table virtuel.

Il présente aussi des points communs avec d’autres médias, le théâtre d’improvisation, la fiction audio, le live stream et le roleplay dans les MMORPG.

On peut signaler quelques initiatives notables dans ce nouveau média : Viewscream, Island in a sea of solitude, This Discord has ghost in it, NAIVE, Les Sentes en mode virtuel, etc…

Les perspectives de développement sont nombreuses. On peut en fait envisager de transposer beaucoup de GN présentiels en virtuel. On peut prévoir des sessions avec de très nombreuses joueuses, du théâtre immersif virtuel… tout comme on peut s’inspirer du principe de salons multiples pour organiser des sessions de jeu de rôle multi-tables en présentiel.

Cet article a donc pour vocation de montrer qu’une nouvelle sorte de GN est née, qui s’est abstraite de la notion de décor et de corporalité pour se centrer sur le roleplay. Elle peut être vue comme une forme plus accessible ou à tout le moins une voie de diversification dans la grande famille du GN.

 

SOMMAIRE

 

  1. Une définition du GN virtuel
  2. Les différences entre GN virtuel et jeu de rôle sur table virtuel
  3. Les rapprochements avec d’autres médias
  4. Quelques GN virtuels
  5. Les perspectives de développement

Conclusion : une nouvelle forme de GN est née

 

  1. UNE DÉFINITION DU GN VIRTUEL

 

Commençons par expliquer ce qu’est cette pratique. Le GN virtuel est une pratique proche du GN présentiel :

  1. On incarne un personnage et un seul, sa voix est notre voix ;
  2. On joue en temps réel (bien que des ellipses soient possibles dans les deux formes, présentiel et virtuel, elles sont rares dans les deux cas).

 

La différence entre présentiel et virtuel se situe dans la dématérialisation physique. Nous jouons en téléconférence (avec des webcams ou juste des micros) au sein d’un ou plusieurs salons de téléconférence (Skype, Discord, Roll20, etc.) selon qu’on veuille subdiviser le terrain de jeu (la chambre à coucher, la cuisine, la bibliothèque, et même des lieux abstraits comme un souvenir ou un rêve…), avec éventuellement l’appui de salons textuels, d’applis de travail partagé (Miro, Google Docs…), voir de logiciels de jeu de rôle en ligne (Roll20, Rolisteam, etc.).

 

Il n’y a donc pas de décor réel, pas d’interaction physique, et l’interprétation de notre personnage passe essentiellement par notre voix (roleplay + déclarations verbales du type : « j’attaque ton personnage. ») mais éventuellement aussi par notre jeu physique (utilisation de webcam, éventuellement de costumes, on peut aussi décorer son intérieur ou jouer sur fond vert…).

 

  1. LES DIFFÉRENCES ENTRE GN VIRTUEL ET JEU DE RÔLE SUR TABLE VIRTUEL

 

Outre la place de la corporalité, il existe une différence de taille entre le GN présentiel et le jeu de rôle sur table présentiel, et cette différence va se retrouver dans leurs versions virtuelles.

 

Le GN virtuel se différencie du jeu de rôle sur table virtuel dans le sens où il est concentré sur l’interprétation du personnage, et en temps réel. Décors et figurants y tiennent une place secondaire, il n’y pas d’ellipse alors que c’est la norme en jeu de rôle, et les mécaniques de jeu, si elles sont présentes, sont très simples (on évite les dés…) et inspirées du GN en présentiel.

 

Le jeu de rôle est monolocal, c’est-à-dire que la fiction ludique ne couvre qu’un lieu à la fois. Si le groupe de personnages se scinde, la meneuse de jeu gère éventuellement ce phénomène par des apartés, mais même dans ce cas, on reste monolocal. Pendant que les elfes explorent la forêt avec la meneuse de jeu, les joueuses des nains attendent. Elles peuvent faire un peu de roleplay, mais généralement ça tourne à vide, car il est communément admis qu’il ne faut pas faire avancer l’intrigue dans le dos de la meneuse de jeu. Tandis que le GN est multilocal. Pendant que les elfes explorent la forêt, les nains explorent la caverne, les deux se font en simultané. Il est exceptionnel que la totalité du groupe soit réunie et concentrée dans la même action. La scission en petits groupes qui font leur vie chacun de leur côté en temps réel est la norme. Et même dans les huis clos, il y a le plus souvent plusieurs conversations en cours, plusieurs actions en cours, et on ne peut pas toutes les suivre simultanément.

 

Cette particularité, on va la retrouver en GN virtuel à condition de disposer de plusieurs salons de téléconférence, ce qui est très simple par exemple si on utilise Discord. Cette multilocalité, elle me paraît cruciale pour démarquer le GN virtuel du jeu de rôle sur table virtuel. La présence de plusieurs salons et la possibilité d’aller de l’un à l’autre (si mon personnage quitte la cuisine pour aller à la bibliothèque, je quitte le salon « cuisine » pour aller au salon « bibliothèque » et y retrouver les joueuses qui y sont déjà). Il permet d’accéder à une dimension que je trouve à la fois vertigineuse et immersive en GN : l’impossibilité de savoir tout ce qui est en train de se passer. Pendant que je suis dans la bibliothèque, il se passe des choses dans la cave, et je ne peux savoir en simultané de quoi il s’agit. J’aurai éventuellement un retour si plus tard j’interroge les joueuses qui étaient dans la cave, mais il sera forcément parcellaire et possiblement mensonger. En GN présentiel, j’adore ces moments où les groupes se rejoignent dans un endroit commun (par exemple, l’auberge) et que chaque personnage raconte les aventures qu’il a vécues de son côté. Cela crée une impression de monde vivant impossible à reproduire dans une forme de roleplay monolocale.

 

L’autre différence majeure entre GN et jeu de rôle, c’est la place des dialogues. En jeu de rôle, bien que les plus roleplayeuses affectent de parler comme leur personnage, la norme est plus à un dialogue mi-immersif, mi-méta, et il est souvent passé sous silence soit parce qu’on lui préfère un jet de compétences sociales ou tout simplement parce qu’on fait une ellipse. Et ces dialogues ont une importance narrative et ludique secondaire, ils sont en concurrence avec beaucoup d’autres instances (descriptions, combats, fouilles, évocation de l’historique, commentaires méta, etc). Tandis qu’en GN, les dialogues sont entièrement roleplayés, le méta est réduit à sa portion congrue, et, surtout dans le GN dit « théâtral » mais aussi beaucoup dans les murder parties, le dialogue joue un rôle narratif et ludique crucial : c’est par le dialogue que se dénouent la plupart des actions. Cette importance du dialogue va se retrouver en GN virtuel, elle sera même magnifiée, puisque le roleplay devient l’élément central, tout ce qui est interaction physique avec l’environnement ou d’autres personnages sera vite éludé par une déclaration verbale succincte (« J’allume le feu. », « Je soigne ma jambe blessée. », « Je te prends dans mes bras. »).

 

  1. LES RAPPROCHEMENTS AVEC D’AUTRES MÉDIAS

 

GN = corporalité + décors réels + temps réel + multilocal + dialogue prévalent sur la description.

 

Le GN virtuel présente toutes ces caractéristiques sauf les décors réels. Il y a également un continuum avec le Jdr sur table virtuel ou avec le le théâtre d’impro.

 

On peut également rapprocher le GN virtuel des formes de GN en présentiel les plus abstraites : à savoir l’american freeform (des GN le plus souvent sans costume et utilisant peu de matériel, le plus représentatif de la scène étant The Climb, de Jason Morningstar où l’on joue des alpinistes avec pour seul matériel trois tentes quechua et deux talkies) et le jeepform (des GN très proches du théâtre d’impro avec souvent une absence de décor et de costumes).

 

Bien sûr, on est tenté de tracer un parallèle avec le roleplay dans les MMORPG. La différence est que le GN virtuel s’affranchit du jeu vidéo pour simuler une réalité.

 

Pour aller plus loin :

 

Introducing American Freeform, par Lizzie Stark, sur Living Mundania

Vi aker flying jeep, Le dictionnaire jeepform, sur PTGPTB.fr

Inclure une Black Box dans (presque) n’importe quel GN, par Hoog, sur Electro-GN

How We Role: Jeepform Part 1, sur Youtube

 

  1. QUELQUES GN VIRTUELS

 

Il convient désormais de dresser un peu l’état de l’art en matière de GN virtuel. Je vais me borner à présenter ce que je connais, il est possible que j’ai loupé plein d’autres initiatives, et je serais ravi de les voir citées en commentaires.

 

Le plus ancien GN virtuel que je connaisse est Viewscream, où l’on joue l’équipage d’un vaisseau spatial, dans une ambiance à la Alien. Chaque joueuse communique via une webcam et il est possible de se costumer, de décorer son intérieur ou de jouer sur fond vert, et de mettre en œuvre quelques effets spéciaux (filtres sur la caméra, mettre un faux cadavre à sa place, etc.)

 

J’ai un petit faible pour Island in a sea of solitude, de P.H. Lee, un jeu à deux par webcam où l’on a un entretien de 30 minutes avec le fantôme d’un de ses proches disparus. Petite anecdote tirée d’un retour de partie : un joueur et une joueuse discutent par webcam avant de jouer, puis petite déconnexion le temps que chacun.e se prépare. Retour de la webcam : la joueuse (qui interprète le fantôme) est alors maquillée de façon cadavérique… Sursaut garanti pour le joueur !

 

This Discord has ghosts in it est un jeu qui exploite à la fois le multilocal et les salons textuels. Une partie des joueuses interprètent les explorateurs d’une maison hantée, les autres interprètent les fantômes. Les explorateurs utilisent les salons vocaux, les fantômes peuvent écouter les salons vocaux mais ne peuvent pas y écrire : ils utilisent les salons textuels pour communiquer avec les explorateurs, et je suppose qu’ils font agir le décor également par cette entremise.

 

Pour pallier aux contraintes de distanciation sociale cette année, Axelle Cazeneuve a organisé des sessions virtuelles de son GN NAIVE. Ce jeu à deux, où l’un·e interprète un humain et l’autre un androïde le questionnant sur la sexualité, se transpose tout à fait bien en virtuel.

 

Pour ma part, je suis l’auteur d’une version virtuelle de mon GN Les Sentes. Les Sentes est un GN sans orga et il est ici proposé d’y jouer via plusieurs salons vocaux. Le document explique comment jouer en virtuel, insistant notamment sur l’utilisation des salons vocaux et des bots pour faire des bruitages (à la bouche ou via des bots) ou des ambiances musicales (avec des instruments de musique ou via des bots). Le jeu s’intéresse également à reproduire la sensation d’écoulement du temps lors du déplacement d’un lien à un autre. Les salons sont numérotés et pour aller du salon 1 au salon 9, il faut traverser les salons 2,3,4,5,6,7 et 8, et y faire des rencontres. On peut cependant faire des détours par des salons « raccourcis » mais il est proposé alors d’y passer quelques temps avant de réapparaître dans son salon de destination. L’avantage des Sentes est d’avoir une structure élastique qui s’adapte automatiquement au nombre de joueuses, ce qui permet de gérer l’afflux chaotiques de joueuses (les joueuses ont encore de nos jours tendance à s’engager fermement sur les parties de GN en présentiel, mais les désistements et inscriptions de dernière minute sont davantage monnaie courante sur les parties en virtuel).

 

On m’a également mentionné ces diverses initiatives :

  • Le studio Pragmatique organisait des murder parties en ligne durant le deuxième confinement.
  • Le GN Warhammer 40 K : Inquisitor a organisé une séance de tribunal en ligne.
  • Le GN Hacker Space-2501, prévu en présentiel, a été organisé en ligne.Les joueuses sont réparties en trinôme : un proxy (une joueuse aveuglée qui évolue dans un décor censé représenter une réalité virtuelle), un subsystem (une joueuse qui installe le décor et assure la sécurité physique de la joueuse proxy) et un hacker (une joueuse qui guide le proxy à distance via une connexion vocale).
  • Le Complexe Alpha est un GN inspiré de Paranoïa qui se joue par Discord.
  • C:/ est également un GN de hackers pensé pour le virtuel.
  • Pas moins de 13 GN virtuels différents étaient annoncés à la Cyberconvention de Novembre 2020.
  • L’International LARP Festival propose de jouer des classiques du GN virtuel.

 

Pour aller plus loin :

Morgane Reynier, [Island in a Sea of Solitude] Lili et Jo, récit de partie sur Les Ateliers Imaginaires

 

  1. LES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT

 

Quel est l’avenir du GN virtuel et quelle influence pourra-t-il avoir sur les autres médias ?

 

La pandémie de COVID-19 en 2020 a représenté un traumatisme pour tout le monde, et notamment pour les GNistes qui ont dû annuler ou adapter bon nombre d’événements. La distanciation sociale n’est pas l’amie du GN, activité sociale et tactile s’il en est.

 

Le GN virtuel ne viendra pas remplacer le GN en présentiel, et ce serait faux de prétendre que les sensations sont les mêmes. Néanmoins, il offre une perspective pour patienter avant que les GN présentiels ne soient à nouveau possibles, il permet de pallier une session annulée, qui peut être reprogrammée en virtuel, et permet enfin de faire découvrir le roleplay à des personnes qui n’étaient pas en possibilité de le découvrir via le GN en présentiel, pour des raisons logistiques ou psychologiques.

 

Car il se pourrait qu’on puisse faire n’importe quel GN en ligne.

Pour ma part, j’ai ainsi testé ou vu tester : Intrigue en huis-clos (un GN/théâtre d’impro à monter soi-même), The Climb, Comptines inflorescentes (un GN assez axé sur le roleplay).

 

Pour aller plus loin :

Nompardéfaut, Compte-rendu de partie des Comptines Inflorescentes jouée en mode GN virtuel, sur Terres Étranges.

 

Le GN virtuel est un média très jeune et il présente plein de perspectives de mutation.

Pour ma part, j’ai par exemple testé une version des Sentes en virtuel où nous jouions des streameurs en live audio sur fond d’effondrement de la civilisation et d’horreur zombie. La particularité de cette session est que nous avions un principe assez méta d’ « instance privée ». Nous jouions à 4 avec un seul salon vocal mais n’importe qui pouvait convoquer une autre joueuse en « instance privée » : elles jouaient alors leur conversation intime, les autres joueuses devant se taire pendant ce temps-là, leurs personnages n’étant pas censés participer. Ça a introduit un phénomène d’ironie dramatique assez rigolo.

 

Pour aller plus loin :

Thomas Munier, Streaming Apocalypse, enregistrement d’une partie de GN virtuel.

 

Je suis également en train de développer un GN virtuel asynchrone qui s’appelle Le dit des feuilles mortes. Dans un contexte post-apocalyptique forestier, les joueuses enregistrent tour à tour des fragments de journal audio solo qui mis bout à bout vont tisser une intrigue cohérente. C’est une forme à la frontière entre streaming et fiction audio improvisée.

 

La perspective de développement qui m’intéresse le plus est le potentiel illimité du GN virtuel en nombre de personnes. Si vous multipliez les salons vocaux, et vu la capacité d’accueil des serveurs actuels, vous pouvez faire un GN virtuel à 40, 100, 500 personnes peut-être. On peut d’ailleurs aussi envisager des expériences de théâtre immersif sur le même modèle.

 

Je ne peux pas m’empêcher de voir un parallèle avec l’effet du roleplay de masse dans des MMORPG comme Eve On Line, où les joueuses font et défont l’économie, la diplomatie et les frontières d’une galaxie entière à coups d’attaques, d’intrigues et de trahisons.

 

À nouveau, le GN en ligne s’abstrait de l’incarnation vidéoludique en le remplaçant par une parcimonie de descriptions, faisant reposer le gameplay sur le dialogue et le sound design (le bruit d’un bras coupé dans Comptines inflorescentes, l’exploitation des lags dans Streaming Apocalypse, la modification du pseudo dans Discord pour mettre à jour les informations sur le personnage).

 

Néanmoins, on peut aussi envisager quelques retours vers le vidéoludique. Je place beaucoup d’intérêt dans une plateforme de téléconférence telle que Gather.

Gather propose de naviguer dans un environnement de type RPG japonais, pour se rendre de salon en salon afin de discuter. Une fois que vous êtes dans un salon, vous êtes automatiquement mis en relation en vocal/webcam avec les personnes dont les avatars sont présents. On retrouve l’effet temporel qu’on avait perdu dans le GN en salons vocaux : il faut faire marcher son avatar quelques temps pour aller de salon en salon.

 

Je vois enfin des rapprochements intéressant avec le JDR sur table en présentiel. Un GN est un JDR sur table avec maximum de convergence entre la joueuse et le personnage. Il a été possible de passer du GN présentiel au virtuel en important quelques techniques de simulations verbales issues du JDR sur table, mais on peut faire le voyage retour.

 

Personnellement, j’aimerais beaucoup faire des parties des Sentes virtuel avec du JDR sur table. Imaginons plusieurs tables de jeu, chacune représentant un lieu. Les joueuses peuvent aller de table en table, interagir entre elles. Il n’y a pas de figurants et les lieux ne doivent pas être altérés de façon significative. On peut ainsi envisager faire du jeu de rôle sur tables sans MJ avec un grand nombre de joueuses. A priori, on pourrait monter jusqu’à 60, la limite de capacité des Sentes.

 

Mais on peut l’envisager avec d’autres GN virtuels. De même que je vois beaucoup de JDR sur table ou d’american freeforms être de bons candidats à la transposition en GN virtuel. Je pense notamment à Techniques d’interrogation à l’usage des agents de la fonction publique de la glorieuse république populaire de Strana où l’on joue un suspect interrogé par le membre d’une police dictatoriale ou encore à Winterhorn où l’on joue une réunion de « planqués » des services secrets statuant sur le sort d’un groupuscule.

 

CONCLUSION : UNE NOUVELLE FORME DE GN EST NÉE

 

On pourrait dire que le GN virtuel est une forme de GN qui s’est abstraite du décor. C’est à mon sens une nouvelle branche dans l’arbre généalogique du GN que décrivait Axelle Cazeneuve. Axelle précise que cet arbre est une  « vue d’artiste » au mieux, rien de bien concret, mais elle nous enseigne sur les évolutions du média, les hybridations et les parentés.

(C) Axelle Cazeneuve, tiré de French LARP : le GN français

 

Le GN virtuel me semble un exemple réussi d’assaut contre la frontière. Il peut se présenter comme une forme de GN plus accessible.

 

On va me dire «  Oui, c’est accessible, mais c’est pas du GN » tout comme on dit « Le JDR d’initiation c’est pas du vrai JDR », ou « Le jeu de rôle sur table virtuel, c’est pas du vrai jeu de rôle ». Et oui, toute démarche  de rendre plus accessible implique de modifier la façon de jouer, tout comme jouer avec des épées en mousse, c’est plus accessible que de faire du béhourd, et faire un huis clos contemporain ou abstrait (Phèdre en jean baskets), c’est plus accessible encore que les épées en mousse.

 

Et alors ? Aucune activité n’a pour ambition d’en supplanter d’autres. Les jeux évoluent et se ramifient, ils sont riches de leur diversité.

 

Pour aller plus loin :

Axelle Cazeneuve, French LARP : le GN français

Podcast de La Cellule : Le jeu de rôle sur table virtuelle

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Thomas Munier est l'auteur de jeux dans la forêt de Millevaux et dans des rêves (Marins de Bretagne, S'échapper des Faubourgs, Dragonfly Motel). Il anime Outsider, un blog sur l'énergie créative et les univers artisanaux. Il aime aussi les collages à la Prévert, les musiques sombres, le cinéma, le vertige logique, et les petits chats.

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8 réactions à Le GN virtuel, un assaut contre la frontière

  1. Bonjour, super article, on a pu voir des initiatives pendant le confinement.

    Je peux proposer aux lecteurs le simulateur spatial orienté JDR.
    A la base utilisé pour les GN se déroulant dans l’espace

    Il s’agit de simuler un vaisseau ( à la startrek ) ca peut se jouer aussi bien en local que sur internet avec une narration et un maitre du jeu.

    HERMES JEU SPATIAL RP FRANCAIS
    https://docs.google.com/document/d/11AFLW-s8qccWBuWuAOW8nw2gzmy4Nptrdt10-PRBrsk/edit?usp=sharing
    QSS france :
    https://www.facebook.com/QuantumGamesASBL

  2. Merci de relayer cette initiative, ça a l’air bien cool !

  3. C’est une forme de GN qui pourrait très bien se combiner avec un GN en présentiel, intéressant pour celles-ceux qui ne peuvent se déplacer mais veulent participer.
    Il y a plusieurs interactions possibles entre les deux : vidéo, audio, textuels, etc. J’imagine même des fantômes activant des effets spéciaux sur le site de jeu…

  4. Bonjour,

    J’ai trouvé la lecture de cet article très intéressant même si je ne suis pas convaincu sur les différences entre GN Virtuel et JDR virtuel.

    Ou du moins ne les aurait pas axé sur cette histoire de deux groupes partagés ou alors il manquait une infos sur le comment le GN virtuel permet de progresser dans une exploration sans l’autorité d’un MJ (enfin orga comme on parle de GN) et qui me semble aurait été très intéressant dans ce cas à développer pour des gens qui comme moi découvre le GN virtuel par l’article :
    -Est-on dans un schéma d’autorités partagé ou un joueur va contextualisé l’action d’exploration ?
    -L’orga laisse t’il une description sur le Channel avec les embûches ou les événements générateurs d’intrigue et de role play ?
    -Ou est on plus dans une approche murder et l’exploration n’est qu’un prétexte et en réalité un couloir vide pour permettre aux joueureuses d’échanger leurs infos et de développer leur RP.

    En tout cas il a fait mouche et m’a donné envie de tester le genre.

    Personnellement j’y vois un très grand intérêts pour organiser des évènements et rencontre entre deux sessions d’un même GN, pour entretenir les liens entre les membres d’un groupe, permettre des échanges entre groupes. Il y a l’exemple du tribunal donné dans l’article, moi j’y vois l’occasion d’organiser des signatures de traités de paix, de célébrations ou autres dans des GN plus classiques.

  5. Bonjour Allegas,

    C’est un peu compliqué de te répondre, car il y a pas mal de GN virtuels différents, par exemple un GN par webcams c’est assez différent d’un GN utilisant plusieurs salons audio only, même si tous deux me semblent assez différents du JDR virtuel pour mériter un autre qualificatif (même si il y a des ponts, bien sûr).

    Dans le multi-groupe, on va trouver différentes façons de gérer l’environnement :
    – jeu sans orga avec un salon par lieu, ici les joueuses se concentrent sur le RP et les lieux ne font pas l’objet d’une exploration / altération importante.
    – jeu avec orga(s) où l’orga laisse des infos en textuel sur ce qui se passe dans les environnement (c’est le cas de This Discord has ghosts in it)
    – approche murder comme tu le soulignes, l’orga est présent mais un peu en retrait (Viewscream), on peut faire des instances privées de webcam.
    – il y sûrement d’autres façons de faire que j’aurais pas envisagées.

  6. Bonjour Thomas,

    Merci beaucoup d’avoir prît le temps de me répondre, ça me donne encore plus envie de tester, je vais essayer d’en trouver un qui serait d’équerre avec mes disponibilités.

  7. A noter cet article qui explique comment faire du GN virtuel sur la plateforme Gather ! https://www.beckybeckyblogs.com/game-design/online-game-gather-town/

  8. Sur Facebook et ailleurs, en cette période sanitaire singulière, on voit fleurir les invitations pour jouer à des GN dits virtuels. J’ai lu avec attention cet article et malgré les explications je reste peu convaincu sur l’appellation GN.
    J’ai bien compris la différence avec le jeu de rôle sur table. Mais rapprocher cette pratique à un GN est purement et simplement une tromperie. Dans GN il y a les termes Grandeur et Nature… Dans Grandeur Nature on entend une incarnation physique, sentir le vent dans ses cheveux, enfiler la peau d’un avatar. Parler de Grandeur Nature Virtuel c’est comme parler de chaleur glacée, ce sont deux termes relativement antinomiques (même si dans le GN il y a aussi une dimension virtuelle).
    Alors oui, c’est une pratique à mi chemin entre le JDR et le GN. Elle peut trouver sa place et son public. Mais entretenir la confusion entre un GN et ce type de jeu est juste une forme d’escroquerie mentale, une sorte d’auto-persuasion pour mieux traverser (et accepter) une période douloureuse où les Gns, les vrais, sont annulés les uns après les autres… Bref à mon avis, ce serait bien de trouver un autre terme pour définir cette pratique.
    Personnellement cela ne m’attire pas du tout car je trouve que cela conjugue les limites du JDR et celles du GN : limitation dans les lieux (comme un GN) et abstraction maximale (comme un JDR).

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