Les intrigues – Partie 3 – Sept histoires de base

Publié le jeudi 27 mars 2014 dans Articles,Slide

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Lisez la partie précédente : http://www.electro-gn.com/7282-les-intrigues-partie-2-une-typologie-des-conflits

Les intrigues de GN : Entre jeu et récit

Partie 3 – Sept histoires de base

Conflits, problèmes, etc. ne font pas simplement de bonnes histoires. En dramaturgie, elles font les histoires tout court. Afin de multiplier les approches et les outils de réflexion, j’aimerais vous proposer une troisième grille de lecture. Il s’agit d’une typologie proposée par Louis Timbal-Duclos[1], qui propose une grille d’analyse en 7 problèmes de base. Cette grille présente l’intérêt d’articuler, au sein d’une courte phrase, la nature du problème et de la solution à apporter à celui-ci. Elle fait donc un pas du côté de l’opérationnalisation des intrigues. Dans chaque cas, l’auteur précise le type de motivation qui incite le lecteur à poursuivre sa lecture, le spectateur à suivre la pièce ou le film, et, ajouterons-nous, le joueur à continuer de jouer. Je profiterai de cette présentation pour tracer, autour de chaque problème, les contours d’un “contrat ludique” entre l’organisateur et le joueur.

A / Histoires fondées sur la tension émotionnelle :

–          1. Un choix et sa décision

Dans la situation initiale, le protagoniste est confronté à un choix. La force d’une telle intrigue réside dans la nature du choix. Idéalement, ce choix doit mener le personnage au bord de la crise. C’est par exemple l’histoire de Julien Sorel, dont on suit les hésitations entre le rouge (la carrière militaire) et le noir (la carrière ecclésiastique).

Ces histoires reposent sur les hésitations et les revirements du personnage, ainsi que sur les conséquences de son choix. Le ressort psychologique de telles histoires est la tension dramatique.

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Contrat ludique

En jeu, combien de fois avons-nous été en face de choix qui n’en étaient pas vraiment ? Quelle peut être la valeur d’une intrigue basée sur ce principe si le choix est fait en 10 secondes.

 

Il revient à l’organisateur de construire une situation de choix provoquant de la tension. Le choix est d’autant plus difficile que

– Les alternatives sont également désirables,

– Les conséquences sont irrévocables,

– Les conséquences sont difficiles à prévoir,

Il revient au joueur de donner du corps à ce dilemme :

– En évitant de se précipiter vers la solution la plus accessible (l’un des deux personnages me faisant une offre est à l’autre bout du site du GN. Obéissant au principe de la moindre résistance, je vais voir l’autre)

– En mettant entre parenthèses ses préférences personnelles (combien d’histoires d’amour se sont elles réduites à aller du côté du joueur ou de la joueuse sympa et à fuir celui que nous appelleront pudiquement « l’autre » ?)

Les choses se passeront sans doute d’autant mieux que le joueur (et plus simplement le personnage) éprouvera des difficultés à choisir. 

–          2. Un défi et son relèvement

En situation initiale, le protagoniste est mandaté pour accomplir une tâche ardue dont dépendra son sort. C’est par exemple l’histoire d’Ulysse qui, ayant courroucé Poséidon, va devoir affronter mille dangers pour retourner chez lui.

Ces intrigues fonctionnent souvent sur un système de tout ou rien : richesse et / ou renommée contre déboires et / ou disgrâce. Le ressort psychologique principal de ces histoires est l’incertitude. L’histoire s’achève d’ailleurs lorsque nous sommes fixés sur l’échec ou le succès du personnage. Durant l’accomplissement de la tâche, nous devons rester dans un état d’incertitude permanent. En effet, si nous savons par avance que l’entreprise est vouée au succès ou à l’échec, nous décrochons rapidement. Ces histoires n’ont d’intérêt que dans la gestion et la mise en scène de l’incertitude.

Contrat ludique

Ce schéma, qui se combine assez aisément à d’autres types d’histoires, est à la racine des histoires épiques. Le personnage est le seul à pouvoir relever le défi car il possède un objet, un trait de caractère, ou un pouvoir particulier. En termes techniques, il est le seul, bon gré mal gré, à pouvoir appliquer une solution au problème.

La responsabilité de l’organisateur est :

– De savamment doser la difficulté de la tâche à accomplir. Le joueur doit pouvoir s’en acquitter, mais aux prix de véritables efforts.  Le joueur doit y passer du temps, risquer la vie de son personnage, etc.

– De maintenir la pression sur le joueur, qui doit être clairement conscient des conséquences du succès comme de l’échec.

– De faire en sorte que le succès comme l’échec aient des conséquences en jeu.

La responsabilité du joueur est :

– De se surinvestir dans la tâche dans le respect des limites fixées par son personnage (un petit comptable introverti ne mettra probablement pas une balle dans la tête d’un chef de gang)

– De rester fair-play à tout moment. Cela va de soi en règle général, mais particulièrement dans ce genre de cas.

– D’accepter les conséquences de son succès comme de son échec.

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–          3. Un conflit et sa résolution

Ici, le problème posé au départ est un conflit entre deux ou plusieurs personnes (ou groupes sociaux). C’est l’histoire du capitaine Achab, qui traque la baleine qui lui a arraché la jambe dans Moby Dick, le roman de Melville.

Ces conflits mettent l’accent sur des confrontations de personnalités ou de valeurs entre personnages. La dimension psychologique est plus poussée que dans la catégorie précédente, mais c’est bien le même ressort psychologique qui est en jeu, à savoir l’incertitude et l’appréhension quant à l’issue du conflit.

Contrat ludique

Ce conflits sont assez courants en GN. Souvent limités à la backstory, ils reposent presque intégralement sur l’implication des joueurs, constituent rarement des intrigues de premier plan, et sont plutôt utilisés pour épaissir une fiche de personnage.

Pour leur donner du corps, l’organisateur cherchera à faire en sorte :

– Que le conflit tourne autour d’enjeux importants, ou de valeurs centrales pour les personnages concernés.

– Que les personnages ne puissent éviter le conflit trop longtemps ou trop souvent. Les joueurs doivent avoir de réelles occasions de se confronter et d’exprimer leur antagonisme. Des scènes dédiées à mettre de l’huile sur le feu, ou des événementiels, peuvent entretenir voir aggraver les tensions.

– Qu’aucun des personnages n’ait manifestement raison. Les points de vue ne doivent pas être conciliables, mais on doit pouvoir les comprendre tous les deux, si bien que chacun pourra trouver des alliés pour le soutenir.

De leur côté, les joueurs :

– Ne doivent pas éviter le conflit

– Peuvent se concerter avant ou pendant le jeu pour désamorcer toute tension réelle, et accorder leurs violons quant à la façon de jouer ce conflit.

–          4. Une menace et sa levée

Dans ce type d’histoires, un élément vient menacer un individu, un groupe, ou même des nations entières. C’est, par exemple, l’histoire de La guerre des mondes de H.G Wells, dans laquelle l’humanité est balayée par une invasion extra-terrestre.

Ces histoires reposent sur les efforts déployés pour lever la menace, avec à la clé, succès ou échec.  Le principal ressort psychologique de ce type d’histoire est l’anxiété, voire l’angoisse.

Contrat ludique :

Ce schéma, que l’on voit souvent exploité en GN, sert généralement de toile de fond au jeu, sans être l’histoire d’un PJ en particulier. Il s’agit du « scénario principal » de type « les armées du prince sombre vont déferler dans notre bon royaume ».

Le vouloir et le pouvoir d’un personnage définira le degré d’implication du joueur dans un telle situation. Si le sombre seigneur veut envahir le royaume, suis-je concerné au même titre que les autres ? A la rigueur, je peux faire profil bas. Seuls les soldats et les dignitaires du royaume vont y passer. Moi je brosse des chevaux… Et même en admettant que cela me concerne, ai-je les moyens de m’y opposer ? Là où un personnage qui peut mais ne veut pas s’opposer peut être intéressant, un personnage qui veut mais ne peut s’opposer créera de la frustration chez le joueur.

Une catastrophe naturelle serait bien plus originale : je suis  sacrément concerné par le fait de quitter cette tour en flamme. Et quel que soit mon personnage, je peux trouver des solutions (« barre-toi de mon chemin connard »). A quand le premier GN puisant dans la grande tradition des films catastrophe ?

Bref, une menace et sa levée est  un puissant outil scénaristique, utilisé très régulièrement, mais dont le potentiel est sans doute l’un des plus difficiles à exploiter en GN tant elle écrase tout autre enjeu.

Les intrigues globales qui correspondent à ce type de conflit doivent être particularisées pour chaque joueur, afin que la menace ne soit pas abstraite, mais qu’elle s’adresse à chaque personnage d’une façon spécifique. En clair, ce type d’histoire ne doit pas simplement être utilisée comme toile de fond, mais comme une véritable matrice d’intrigues.

Avec ce genre de schéma d’action, la responsabilité de l’organisateur est :

– De mettre une pression constante et bien réelle sur les joueurs. Rien de pire qu’une menace abstraite ou trop légère. Une menace qui ne menace pas n’est guère… menaçante.

– De faire en sorte que chacun se sente concerné. Les objectifs, les obstacles et les solutions des intrigues individuelles doivent être liés à cette menace.

– Ne pas réserver la lutte contre la menace au dernier quart d’heure de jeu. Les personnages doivent pouvoir lutter contre la menace, et éventuellement la contrer, tout au long du jeu.

– De faire en sorte que la menace soit d’intensité croissante, ou que les enjeux augmentent en cours de jeu.

De son côté, le joueur doit :

– Faire vivre cette menace, en exprimant ses craintes auprès d’autres joueurs et en leur faisant partager les défis qu’elle lui pose.

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B / Histoires fondée sur la tension intellectuelle :

–          5. Un secret et sa révélation

Ici, la présence d’un secret est posé dans la situation initiale, jusqu’à sa révélation. Le secret peut-être matériel ou psychologique. C’est la curiosité affective qui sert de ressort à ce type de conflits.

Contrat ludique :

De nombreux personnages, tous GN confondus, peuvent avoir à composer avec ce genre d’épreuves. La curiosité étant un puissant motif d’action, le joueur aura souvent à cœur de découvrir ce qui est caché, et éventuellement pourquoi cela a été caché.

– La révélation du secret doit obséder le personnage et constituer pour lui un enjeu fort. Sa carrière ou sa vie en dépendent peut être. Les désagréments dus à l’existence de ce secret doivent se faire sentir en jeu.

– Le secret ne doit uniquement pas dépendre d’un tiers, qui seul pourrait le révéler. On doit pouvoir le découvrir autrement (ex: filature de personnage). En clair, soyez magnanime, prévoyez une roue de secours.

De son côté, le joueur :                  

– Ne doit pas baisser les bras. Partager l’obsession de son personnage pendant des heures n’est certainement pas évident, et il peut être tenant de saisir la moindre opportunité de faire autre chose. Le joueur doit périodiquement redonner un souffle à son obsession.

–          6. Un mystère et son explication

A ne pas confondre avec la catégorie précédente. Ici, le personnage est confronté a quelque chose qui le dépasse ou lui résiste, et qu’il peine à expliquer. Un secret est ce qui est caché. Un mystère est ce qui est inexpliqué.

Attention SPOILER du film Les Autres

C’est par exemple l’histoire du film Les autres, dans lequel Grace, une mère de famille veuve et malade, accueille une autre famille dans sa maison. Cette arrivée coïncide avec des événements étranges, jusqu’à ce que Grace s’aperçoive qu’elle est en réalité un fantôme.

Fin du SPOILER

L’histoire se dénoue lorsque le phénomène reçoit une explication (rationnelle ou scientifique, comme dans les histoires policières, ou bien irrationnelles, comme dans les histoires fantastiques). Le principal ressort psychologique de ces histoires est la curiosité intellectuelle.

Contrat ludique

Voilà un schéma peu utilisé en GN à l’échelle d’un personnage.  Le mystère reste cependant au cœur de nombreux “scénarios globaux”. Le pot aux roses pourra être révélé à ceux qui s’y intéresseront durant la partie, et aux autres lors du debriefing.

– L’explication doit surprendre. C’est bien le joueur qu’il faut surprendre, ce qui n’est pas une mince affaire tant nous pouvons être blasés par le fantastique et habitués aux événements tordus.

– Elle doit rétrospectivement tout expliquer.

– L’explication doit résoudre la situation, d’une façon ou d’une autre.

– L’organisateur veillera enfin à piquer périodiquement la curiosité du joueur.

Le joueur doit quant à lui :

– S’efforcer de ne pas agir uniquement sur la base du méta jeu.

– De façon corollaire, accepter de se faire “surprendre”, en se concentrant sur des émotions telles que la stupeur, l’incrédulité, etc.

–          7. Une énigme et sa solution

Il faut bien saisir la différence entre un mystère et une énigme. La clé d’un mystère réside dans des événements, tandis que la clé d’une énigme réside dans un personnage. Un événement est mystérieux. Un personnage est énigmatique. C’est par exemple le cas dans le roman Manon des sources, ou encore dans le film Mémento, qui fait partie de ces films où le personnage enquête en fait sur lui même. Le ressort psychologique de ce genre d’histoire est la volonté de résoudre l’énigme, la curiosité affective ou intellectuelle.

Contrat ludique

Tous types d’ambiance confondus, ce genre de situations restent assez rares en GN, tant elles semblent assez difficiles à concevoir et à faire exister. Elles supposent en effet de faire dépendre l’intrigue d’un joueur de la volonté d’un autre. C’est, probablement la raison pour laquelle l’une des principales utilisations de ce schéma correspond à l’une de ses variantes les plus extrêmes, à savoir l’amnésie du personnage. Ici, plus de lien de dépendance : le personnage devient une énigme pour lui même. On peut déplorer, sans doute, que l’utilisation trop fréquente de ce “truc” ne lui fasse perdre sa force d’impact, et que, si élégante que soit l’idée sur le papier, elle ne débouche pas toujours sur un jeu très captivant. Reprenons la situation de base en désignant le personnage A comme celui pour qui l’intrigue est conçue, et le personnage B comme étant le personnage énigmatique.

L’organisateur devra :

– Définir si le personnage B est la source du problème en même temps que sa solution. Il devra aussi déterminer si ce personnage a conscience de représenter une énigme. Si tel est le cas, est-il victime lui même, ou manipulateur ?

– Encourager les rencontres entre ces les personnages A et B. Ces personnages tournent autour l’un de l’autre. Qu’il agisse au niveau des backstories, des consignes de jeu, ou qu’il orchestre ces rencontres, l’organisateur ne veut pas laisser cela au hasard.

– Travailler l’importance de l’en jeu pour le personnage A.

– Concevoir l’intrigue de telle sorte que la révélation de l’identité, des projets, des actions ou du passé du personnage B permette d’apporter une solution dramatique intéressante à l’intrigue du personnage A.

– Si possible,  surprendre le joueur incarnant le personnage A.

– Équilibrer le rapport de forces s’il s’avère que le personnage B manipule le personnage A. Ce dernier doit pouvoir, s’il joue bien, avoir des moyens de retomber sur ses pieds. 

Le joueur A veillera :

– A ne pas se laisser aspirer par le méta jeu. S’il subodore quelque chose “avant l’heure”, et que cela ne risque pas de nuire à son personnage, pourquoi ne pas étirer la situation jusqu’à lui trouver un climax adapté.

Le joueur B s’efforcera :

– D’entretenir le mystère tout en aiguisant la curiosité du personnage A, ce qui suppose, pour les deux joueurs, de développer une sorte de complicité ludique tout au long de l’intrigue.

Histoire de base

Schéma d’action

Effet sur le spectateur / lecteur / joueur

Fondées sur la tension émotionnelle de participation

Choix et décision

Tension dramatique

Défi à relever

Incertitude

Conflit et résolution

Incertitude et appréhension

Menace et sa levée

Anxiété ou angoisse

Fondées sur l’intérêt « intellectuel » du dévoilement

Secret et sa révélation

Curiosité affective

Mystère et son explication

Curiosité intellectuelle

Enigme et sa solution

Curiosité affective ou intellectuelle

 

Reprenons l’exemple de nos mineurs. Notre groupe a pris la direction des galeries. Le personnage A est toujours construit autour de la situation dramatique “sauver”. Ses schémas d’action sont les suivants :

– Un défi à relever : c’est l’opération de sauvetage, avec tous les dangers qu’elle comporte. Les joueurs devront prendre des risques et sont conscients du faits que certains personnages peuvent y laisser leur peau.

– Un choix et sa décision : les autres personnages font confiance à ce vétéran des galeries. A n’importe quel moment du périple, celui-ci aura la responsabilité de choisir si le groupe continue, ou s’il abandonne les mineurs piégés à leur triste sort.

– Un conflit et sa résolution : le personnage B conteste l’autorité et les décisions du personnage A

Le personnage B, quant à lui, est défini par les schémas d’action suivants :

– Un défi à relever :  il est confronté aux mêmes dangers que les autres membres de l’équipe de secours

– Un conflit et sa résolution : son opposition au personnage A, qui est secrètement motivée par le fait qu’il cherche à sauver un mineur en particulier, et non l’ensemble des pauvres bougres coincés dans les galeries.

On peut très bien imaginer un personnage C dont l’un des schémas d’action soit :

– Une énigme et sa résolution : le personnage cherche à comprendre pourquoi B s’oppose à A. Des indices sont placés en jeu pour lui permettre, éventuellement, de découvrir le pot-aux-roses.

2.4 Les mobiles :

On peut également trouver un autre angle d’approche pour alimenter l’effort créatif, en s’intéressant aux mobiles qui poussent le protagoniste à agir. Parmi les mobiles couramment utilisés dans le cinéma :
– La souffrance.
– Le désir (sexuel, envie…).
– L’amitié.
– La conquête (amoureuse,…).
– La jalousie.
– L’amour (sous toutes ses formes).
– L’ambition.
– Le pouvoir (la soif de…).
– L’argent.
– La dette (d’argent ou de sang…).
– Un idéal (la recherche d’un…).
– La révolte.
– Une idée (le combat pour une…).
– L’évasion.
– Les contraintes (la lutte contre…).
– la liberté.
– la justification.
– La survie, pulsion la plus élémentaire et la plus forte.

Les motifs peuvent permettre d’exploiter de façon originale une situation dramatique. Sauver quelqu’un par amour, pourquoi pas ? Mais sauver quelqu’un par ambition, ou parce que nous y sommes contraints, est certainement plus original[2].

 

Conclusion

Ces listes et ces typologies sont des outils accessibles, puissants, qui peuvent être utilisés de façon brute pour la composition de vos intrigues. Dans cette recherche de matière première, l’organisateur de GN n’est pas très différent de n’importe quel autre type de scénariste. J’aimerais terminer cette présentation par trois remarques :

Des outils plus qu’une méthode : ces outils ne constituent pas des recettes, mais de simples grilles de lecture, dont la consultation et l’exploration peuvent vous permettre de composer vos intrigues et, pourquoi pas, de créer votre propre méthode.

Travailler le « comment » plus que le « quoi » : si nous continuons à adhérer aux fictions alors qu’elles sont fondées sur si peu de situations de base, c’est parce les auteurs explorent et renouvellent leur potentiel de façon permanente. Le choix d’une situation dramatique par rapport à une autre répond à la question “quoi”, mais c’est évidement le “comment” qui importe. Trouver, dans chacun de ces cas, des défis intéressants et originaux est le sacerdoce du scénariste, qu’il écrive pour le cinéma ou le GN.

Complexifier les intrigues : une histoire, c’est toujours, en définitive, le surgissement d’un problème, et sa résolution au travers d’une suite de péripéties. Un problème simple, à solution binaire, donnera une histoire peu satisfaisante. De la même façon, un problème unique est généralement insuffisant pour faire une bonne histoire. Si plusieurs problèmes complexes se mêlent au cours de l’histoire ou du jeu, alors la fiction gagne en intensité. Dans le film Blues Brothers, la situation dramatique qui donne son sens à l’action est “sauver” : les personnages tentent de sauver un orphelinat de la démolition. Mais plusieurs autres situations dramatiques s’y mêlent, dont “être traqué” (les 2 frangins ont à leur trousses la police de l’Illinois, des néonazis, une ex en colère, et des chanteurs country !) ou encore “retrouvailles” (les frères Blues cherchent les anciens membres de leur groupe pour les faire rempiler). C’est l’imbrication de ces situations qui donne sa saveur au film, avec, dans chaque cas, des scènes d’anthologie. Votre travail de scénariste consiste en partie à proposer ce genre de tressages aux joueurs, qui en retour devront en faire des scènes mémorables.

 

Pour poursuivre ces réflexions, vous pouvez lire la série d’articles sur les quêtes.


[1] Timbal Duclaux Louis, 1997, Techniques du récit et composition dramatique, Éditions écrire aujourd’hui.

 

[2] Pour plus de détails sur la construction de personnages originaux, je vous renvoie à la conférence de Baptiste Cazes : Techniques du récit et jeu de rôle grandeur nature : les personnages (Gniales 2011 / electro GN)

 

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Matthieu NICOLAS

C'est tout jeune, en fouillant dans les affaires de mon frère et en découvrant ses bouquins de l'Œil Noir, que je suis devenu rôliste. Il n'aura fallu que quelques compagnons de route et un repaire (la seule boutique de jeu digne de ce nom de mon patelin) pour élargir la pratique : dés, wargames, hexagones, figurines... ont fini par occuper une part gigantesque de mon temps libre. Ajoutez à ça une pratique assidue des jeux vidéo, et vous n'obtenez pas le gars le plus populaire du lycée. Qu'importe ! J'ai découvert le GN vers 15 ans grâce à des types sans peur et sans reproches. J'enchaîne les expériences en la matière depuis une vingtaine d'années, alternant périodes creuses et fastes, jeux malins et jeux crétins, à la recherche d'un Graal que j'espère ne jamais trouver. J'aime interroger la pratique, chahuter les habitudes.

2 réactions à Les intrigues – Partie 3 – Sept histoires de base

  1. Mais comme vous spoilez grave “les autres”, vous pourriez mettre une petite balise quand même…

  2. Effectivement, un avertissement a été ajouté, merci pour la remarque.

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