Jeu et narration – Deuxième partie

Publié le vendredi 28 octobre 2011 dans Articles

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Dans la première partie de cet article, nous avons vu l’opposition qui existe entre jeu et narration dans le milieu du jeu vidéo, et nous allons maintenant étudier ce que cela entraîne dans le milieu du GN.

 

Le GN : jeu ou support narratif

 jeu-ou-narration.JPG  

Dans le domaine du jeu vidéo, on fait souvent la différence entre deux familles de jeux, en fonction de ce avec quoi interagit le joueur :

– Les jeux à règles prépondérantes : ici, le joueur interagit avant tout avec les règles.

– Les jeux à narration prépondérante : ici, le joueur interagit avant tout avec un récit.

On peut utiliser cette distinction en dehors du domaine du jeu vidéo. Le jeu d’échecs représente un exemple fort de jeu à règles prépondérantes.

Le GN est quant à lui un jeu à dominante narrative. Les règles n’interviennent, dans la plupart des GN, que pour gérer des situations problématiques.

On peut également s’appuyer sur le système de classification ESAR, utilisé par les ludothèques : le jeu de rôle, et avec lui le jeu de rôle grandeur nature, sont classés dans le jeu symbolique. Cependant, il est plus juste de dire que le jeu de rôle grandeur nature trouve sa place entre le jeu à règles et le jeu symbolique, et intègre à sa façon des logiques propres à ces deux domaines.

Tous les jeux ne racontent pas des histoires (sauf à prendre ce terme dans un sens très large). Il est plus juste de dire que certains jeux racontent des histoires, et que parmi ces jeux, certains ont un lien plus fort avec l’histoire que d’autres. Or en ce qui concerne notre loisir, le GN, ce lien est très fort. Le GN trouve sa substance dans les histoires. Il ne peut pas s’en passer pour fonctionner ! L’ensemble des choses que nous faisons en GN n’auraient aucun sens si elles ne s’inscrivaient pas dans des histoires. Raconter l’histoire est bien la finalité de l’activité, en même temps que son moyen (comme dans le jeu symbolique des enfants : l’histoire se raconte à chaque instant, pour produire, in fine, une histoire globale).

Il y a une façon très simple de s’en rendre compte : lorsque des organisateurs se réunissent pour préparer un nouveau jeu, ils parlent bien de scénario, d’intrigue… pas de jouabilité !

 

Le casse-tête des histoires qui se jouent : le cas du GN

 

Sur ce point, donc, je pense que nous pouvons tous tomber d’accord. Le GN est donc un jeu à dominante narrative. En tant que fiction interactive, comment le GN donne-t-il à jouer des histoires ?

 

Je vais pointer un certain nombre de caractéristiques du GN, tel que nous avons l’habitude de le jouer. Je vais montrer en quoi ces caractéristiques nous éloignent de la qualité, de la cohérence, de l’impact d’une structure narrative traditionnelle (conte, film, roman, pièce de théâtre). Nous verrons aussi que certaines de ces caractéristiques sont indispensables, tandis que d’autres sont davantage de l’ordre de l’habitude que de la nécessité… et pour tout dire, de l’ordre de la mauvaise habitude.

Or les conventions, on peut s’en passer… pour peu qu’on le souhaite, bien entendu !
J’assume pleinement le fait de souffrir du complexe d’Hollywood : mon point de départ, c’est l’histoire linéaire. Ma référence, c’est la théorie narrative.

 

Voici les caractéristiques que je me propose de passer à la loupe :

–          Incertitude

–          Multi-joueurs

–          Action / Temps / Espace

 

L’incertitude

 

L’incertitude pèse sur toute activité ludique, quelle qu’elle soit : sur le jeu d’échecs, dont l’issue est inconnue à l’avance, même à quelques coups de la fin ; sur le jeu symbolique des enfants, dans lequel l’histoire se construit selon une logique générative. C’est un critère très intuitif, facilement reconnu, et qui nous permet, avec peu de doutes, de dire d’une activité qu’elle relève du jeu (ou au contraire qu’elle n’en relève pas). C’est ce qui fait l’intérêt du jeu par rapport à toute forme d’activité dont le cours et l’issue sont déterminés : théâtre, cérémonie, etc. Le jeu est précisément un dispositif dans lequel il y a du jeu. Dans le GN, l’incertitude provient de 2 sources :

1/ Incertitude des joueurs qui ne savent pas ce que les organisateurs leur ont mijoté. Nul ne peut dire de quoi le scénario sera fait, même si l’on peut avoir des attentes et des hypothèses vraisemblables. Réciproquement, les organisateurs ne savent pas à l’avance la façon dont vont réagir les joueurs à ce qu’ils ont mis en place.

Contrairement au théâtre d’improvisation, où les acteurs n’ont pas besoin d’un tiers pour s’animer, le GN, tout comme le JDR, fonctionne sur le principe de l’intervention d’un tiers, qui met en place les éléments du jeu, son dispositif de départ, etc. En GN, tout se passe comme si le metteur en scène venait répéter le lundi sans les acteurs, et que les acteurs venaient répéter le mardi, sans le réalisateur.

 

2/ Incertitude des joueurs les uns par rapport aux autres. Comme dans le théâtre d’improvisation, je ne peux être sûr de ce que les autres vont produire (même s’il y a des règles, des attentes, des conventions, des codes). Beaucoup de jeux organisent des événements qui auront lieu quoi que fassent les joueurs, y compris, dans certains cas, la fin du jeu… Question. Est-on encore dans un jeu dans ce cas là ?

 

Multi-joueurs

multijoueur.jpg 

Le jeu de rôle grandeur nature est, par nécessité plus que par nature, organisé pour plusieurs joueurs. Je dis par nécessité, plus que par nature, car fondamentalement, le GN pour un seul joueur n’est pas inconcevable (il en existe d’ailleurs un petit nombre).

 

Seulement, compte tenu de l’effort que représente l’organisation d’un GN, nous cherchons à en faire profiter le maximum de monde. De fait, nous avons tellement l’habitude de concevoir des jeux multi-joueurs que nous serions bien en peine d’écrire un scénario pour un GN solo.


Un jeu de rôle grandeur nature accueille donc traditionnellement plusieurs joueurs. Plusieurs joueurs, donc plusieurs points de vue. Plusieurs joueurs, donc pas de héros ou bien uniquement des héros (ce qui revient au même : s’il n’y a que des héros, il n’y a pas de héros). On s’éloigne des canons du récit, dans lequel il y a un protagoniste, et des personnages secondaires.

Le GN pour un seul joueur est sans doute celui qui permettrait d’approcher au plus près les exigences d’un récit obéissant aux règles traditionnelles de la narration. Tout aurait du sens par rapport à un seul personnage actif. Autour de lui, les PNJ s’agiteraient comme les personnages secondaires d’un roman. Le point de vue d’un seul prime, l’action d’un seul pèse.

   

L’action

 

L’action tronquée :

Les intrigues sont amorcées dans la fiche… et souvent, la partie la plus intéressante des intrigues est déjà dans le dos du joueur lorsqu’il commence la partie. Ça s’éloigne évidemment du récit dans lequel on commence par nous présenter une situation de base ainsi qu’un personnage. Ce n’est qu’ultérieurement que la situation va changer, et que le personnage va chercher à réaliser certains objectifs, en surmontant les obstacles qui se dressent sur son chemin. Bref, en GN, le récit, et donc les intrigues, sont mises en place avant le jeu, au lieu d’apparaître durant le jeu.

Dans un jeu vidéo, une quête est définie par un ensemble ordonné de phases : découverte de l’objectif / découverte d’un obstacle à la réalisation de l’objectif / recherche de solution / application d’une solution et réalisation de l’objectif. En GN, seules quelques unes de ces phases ont lieu, souvent les dernières.

 

L’action partagée :

Le GN étant habituellement conçu pour plusieurs joueurs, il faut donner du jeu à tout le monde. Deux grands types de jeu se dégagent.

1) Les jeux centrés sur une intrigue principale.

Ils se rapprochent assez du récit traditionnel, qui structure les diverses actions du personnage autour d’une action plus centrale. Le problème vient du fait que le GN soit généralement multi-joueurs, et qu’il est difficile de relier tous les joueurs autour d’une intrigue principale. On tombe alors facilement dans les travers de l’action principale type “fin du monde” ou “retour du seigneur des ténèbres”. Ce sont des menaces abstraites, qui peinent à engager les joueurs. Ceux-ci préfèrent alors se concentrer sur leurs intrigues secondaires. Mais la plupart du temps, l’intrigue principale ne concerne objectivement qu’un groupe de joueurs, qui seuls peuvent s’impliquer dans la résolution du problème (ex. = “nous savons que le méchant revient, et nous savons comment le vaincre”). Les autres joueurs sont souvent des spectateurs, au mieux curieux, au pire complètement impuissants et frustrés. On ne peut s’impliquer dans une histoire que si l’on peut être un facteur de changement. C’est pourquoi certains joueurs désespérés, qui glissent complètement sur l’histoire, ont tendance à se greffer sur ces locomotives.

2) Les jeux sans centre de gravité :

Ici, on use plutôt d’un prétexte au rassemblement que d’une intrigue principale pour justifier la présence des joueurs. Les joueurs partagent avant tout une ambiance, mais l’action n’a pas de pivot : elle est multi-centrée. Les joueurs ont un jeu organisé en réseaux ou en pôles. Quelques événementiels viennent mettre de l’animation et marquer certains temps de jeux, mais ils sont indépendants les uns des autres et ne forment pas les éléments d’un récit. Évidemment, ces jeux s’éloignent d’un récit traditionnel, et ce qui fait leur force (pas d’intrigue principale artificielle) est aussi leur faiblesse (ces jeux ne bénéficient pas de l’effet moteur et structurant d’une intrigue principale).

 

Le temps

  

En GN, le temps du jeu est le temps du récit. Quelques événementiels viennent rappeler aux joueurs que l’action principale évolue. Le reste du temps, c’est le jeu libre qui prédomine, pendant lequel chaque joueur peut s’investir dans ses intrigues personnelles. Ces intrigues peuvent n’être pas résolues, résolues au bout de cinq minutes ou bien au bout de deux jours. Or une intrigue devrait avoir un moment approprié et privilégié pour être résolue. Il se peut que les joueurs impliqués trouvent ce moment, auquel cas ils se fabriqueront un joli souvenir. Le problème, c’est aussi que ce moment risque de ne jamais arriver, ou bien d’arriver dans un moment peu adapté.

Bref, l’action ne gagne pas forcément en intensité et en complexité, comme dans un récit. Les choses s’effectuent dans le désordre, quelle que soit leur importance sur le plan dramatique.

En outre, les rares événementiels prévus par les organisateurs peuvent parfois ne pas correspondre à l’état actuel du jeu, à l’humeur des joueurs… bref à la réalité du jeu libre à un moment T. C’est la rencontre du jeu libre avec l’événement programmé.

 

De plus, il s’agit d’un temps continu : les gens sont censés jouer en continu. La seule pause prévue est souvent celle de la nuit. Le reste du temps, le joueur qui a un coup de barre reste en jeu, mais sa performance s’en ressent. Il peut aussi se tenir à l’écart, ce qui prive les autres joueurs de sa présence. Jouer en continu est une gageure.

L’espace

 espace-gn.jpg

L’espace entre souvent en conflit avec le temps ou l’action au cours d’un GN. Les joueurs déambulent sur des espaces parfois assez grands. Bien entendu, certains lieux sont parfois réservés à une catégorie de personnages. Cependant, l’espace restant est une sorte d’espace public. Les joueurs, en plus de devoir partager cet espace, doivent déterminer où se passe l’action. Cela contraint les organisateurs à favoriser l’une des deux logiques suivantes, qui comportent toutes deux des inconvénients :

1) On part du principe que si le joueur n’est pas au bon endroit au bon moment, c’est tant pis pour lui. Ainsi certains événementiels ont lieu quoi qu’il arrive. Si certaines personnes devaient y assister pour résoudre certaines intrigues, c’est tant pis pour eux. J’ai participé à des jeux dans lesquels certains événementiels ont eu lieu sans qu’aucun joueur ne soit au courant.

2) On part du principe que l’ensemble des joueurs doivent assister à une scène, pour la simple raison qu’elle en jette, et que les organisateurs en ont bavé pour la mettre au point, ou qu’elle est importante pour comprendre l’évolution du scénario. Et on se retrouve alors à assister à un spectacle, en compagnie de 50 autres joueurs. Inversement, on peut également interdire une zone de jeu, parce qu’une scène à laquelle on ne devrait pas assister va s’y dérouler (on m’a parfois invité à faire 500 mètres et à me boucher les oreilles pour ne pas assister à une scène…).

Dans l’absolu, être contraint ne me choque pas. Ce qui me perturbe, c’est qu’un jeu libre soit entrecoupé de certaines obligations ou de certaines interdictions.

 

Mentionnons enfin le phénomène du “badaud” : dans un espace ouvert et public, la tentation est forte, pour le joueur, de s’approcher de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un événement. Il est ainsi fréquent d’assister à des attroupements de joueurs curieux dès que quelque chose se passe et brise leur routine de jeu. C’est la curiosité du joueur qui prend le pas sur les questions de roleplay, de fidélité à ses objectifs, etc.

 

Conclusion

Pour conclure sur le temps et l’espace en GN, on peut dire qu’ils sont assez déstructurés. Or l’espace et le temps sont les premières choses à contrôler lorsque l’on veut raconter une histoire (unité de temps, unité de lieu, unité d’action). On peut donc dire que les histoires en GN reposent sur des bases fragiles, et que n’importe quel organisateur fantasmant sur son scénario risque d’être assez désappointé par la tournure que prennent les choses une fois le jeu lancé. Multipliez ce risque par le nombre de joueurs, cela provoque chez moi régulièrement l’impression que je suis en train de jouer à un MMORPG… Ce n’est peut être pas le type d’aventure que je souhaite vivre en GN.

Dans ces conditions, les joueurs cherchent le jeu, mais ne le trouvent pas toujours. Bref, une fois que le jeu a débuté, les joueurs font à peu près ce qu’ils veulent, quand ils veulent, où ils veulent, et comme ils veulent. Une autre façon de voir les choses, c’est de dire que dans ces conditions, ils font ce qu’ils peuvent, quand ils peuvent, où ils peuvent et comme ils peuvent…

 

L’effet conjugué de ces conventions sur le l’action, le temps et l’espace, a souvent miné certaines expériences de jeu :

– Je résous une intrigue trop vite. Comme toutes les autres, elle est amorcée dans ma fiche, mais les circonstances font qu’elle ne me résiste pas cinq minutes durant le jeu. Ce n’est pas trop gênant si c’est une intrigue mineure. En revanche il arrive que ce soit une intrigue majeure, censée me résister un minimum.

– À l’inverse, je résous une intrigue trop lentement. Les conditions ne sont pas réunies pour me permettre de m’en acquitter à un moment plus opportun du scénario.

– Je suis entouré de gens qui parasitent mon jeu et minent l’intensité de ma scène. Nous avons tous joué des scènes sentimentales, tandis que les joueurs à notre droite sont occupés à se battre, et que les joueurs à notre gauche sont hors jeu et parlent du dernier match du psg. Bien entendu, cela s’applique à l’intensité de n’importe quelle scène, et non pas simplement aux scènes sentimentales.

– L’une de mes intrigues ne s’active pas durant le jeu, parce que je ne rencontre pas les bonnes personnes, ou parce que celles-ci ne s’impliquent pas.

– Les gens avec qui je suis censé jouer sont introuvables, ou constamment indisponibles, ou bien crevés et complètement sortis de leurs rôles.

– Un joueur vient se greffer à mon groupe… parce qu’il s’ennuie.

etc.

 

Mes observations des caractéristiques d’un GN me montrent donc un certain nombre d’éléments qui viennent nuire à l’histoire que je cherche à raconter. Est-ce inéluctable ? Quelles sont les caractéristiques indispensables, et quelles sont celles qui relèvent de la convention ? C’est à ces questions que je m’attacherai dans la suite de cet article.

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Matthieu NICOLAS

C'est tout jeune, en fouillant dans les affaires de mon frère et en découvrant ses bouquins de l'Œil Noir, que je suis devenu rôliste. Il n'aura fallu que quelques compagnons de route et un repaire (la seule boutique de jeu digne de ce nom de mon patelin) pour élargir la pratique : dés, wargames, hexagones, figurines... ont fini par occuper une part gigantesque de mon temps libre. Ajoutez à ça une pratique assidue des jeux vidéo, et vous n'obtenez pas le gars le plus populaire du lycée. Qu'importe ! J'ai découvert le GN vers 15 ans grâce à des types sans peur et sans reproches. J'enchaîne les expériences en la matière depuis une vingtaine d'années, alternant périodes creuses et fastes, jeux malins et jeux crétins, à la recherche d'un Graal que j'espère ne jamais trouver. J'aime interroger la pratique, chahuter les habitudes.

14 réactions à Jeu et narration – Deuxième partie

  1. Suis je le seul a avoir l’impression que cet article décrit surtout les travers et problématiques des gros gn classiques (surtout med fan) ?

    Il y a beaucoup d’explications sur des situations et des fonctionnement que je retrouve surtout dans les gn de plus de 100 personnes, pas dans les petits style huis clos.

    Les réflexions sur l’action partagée et les exemples donnés sont d’ailleurs très explicites à ce sujet.

    Bref, j’ai l’impression que cette théorisation ne couvre qu’une partie de l’activité et des pratiques gnistes.
    Avez vous le même sentiment ?

  2. l’article parle des limites du “jeu libre” entre autres choses. Effectivement sans doute plus visibles dans un gros format car plus long et plus de joueurs. Mais un “petit format” ne fera pas
    forcément disparaitre ces écueils. On peut aussi y retrouver certaines de ces situations même si c’est plus rare.

  3. Il y a un point que je ne comprend pas très, l’auteur part du principe que, comme les joueur reçoivent une fiche avec des infos sur le perso et sur les intrigues, ” Ça s’éloigne évidemment du récit
    dans lequel on commence par nous présenter une situation de base ainsi qu’un personnage.”

    En quoi çela s’éloigne de la structure d’un récit ? Est ce que la présentation d’une situation de base et d’un personnage est caractéristique d’un récit ?

  4. Ce que Mat indique dans ce paragraphe sur l’action tronquée, c’est que le récit commence en réalité dans la fiche de personnage, et que ce n’est donc pas l’intégralité du récit qui est joué pendant
    le jeu mais seulement une partie.

  5. Tout comme dans la plupart des oeuvres littéraires et des pièces de théatre.
    D’ailleurs, certains auteurs fournissent même aux lecteurs/ spectateurs un résumé du background des personages principaux de l’oeuvre jouée/lue.

  6. J’avoue ne pas voir du tout à quoi tu fais référence. Tu as des exemples de ce dont tu parles ?

  7. Le terme récit est déja assez inaproprié car cela induit de raconter, narrer quelquechose qui s’est déja passé.

    Il m’arrive d’assister à des pièces de théatre ou de lire des romans ou l’on décrit au public/lecteurs les personnages et leurs historique avant le début de la narration.

    Je ne vois pas en quoi le gn aurait un statut particulier sous prétexte que les personnage sont décrits aux personnes qui les interprètent.

    Que cela soit dans une pièce de théatre, dans un roman ou dans un gn, il est fréquent que les intrigues prennnent leurs sources avant le chapitre premier. (Qui correspond à l’entrée en jeu du
    gn)
    Dire que le “récit” est mis en place avant le jeu c’est logique mais tout comme de dire le récit est mis en place avant le T0 de la narration d’un roman ou du déroulement d’une pièce.

    Et la présentation de la situation de base et du personnage se fait quoi qu’il arrive à l’entrée en jeu du gn .

  8. Je pense que nous employons le mot récit pour deux choses différentes, car dans l’immense majorité des romans ou pièces de théâtre qui me viennent en tête, c’est bien l’ensemble du récit qui est
    raconté et celui-ci ne commence pas avant le début. L’élément perturbateur initial, le moment où l’intrigue se noue est quasi systématiquement dans la narration.

    Il existe bien sûr des exceptions à cela, des auteurs qui déstructurent volontairement le récit, mais raconter l’intégralité de l’histoire est bien la norme admise en matière de littérature, de
    théâtre ou de cinéma, et c’est ce que l’on voit le plus fréquemment.

    A l’inverse, la norme en GN semble être davantage de couper le récit en deux, avec une première partie racontée en amont (dans les fiches de personnages) et une seconde partie jouée. Mais là encore
    il existe bien sûr des exceptions.

  9. Raconter l’ensemble du récit ? Tu veux dire que chaque romans ou pièce commence par la naissance du personnage, ou alors de ses aieux, ou alors commence par les origines de l’univers ?)

    Tout élément biographique comporte en soi un “récit”, que ce soit en live, dans une pièce ou dans un roman. Et rare son les histoires où les personnages ne font référence à des éléments passés
    avant le commencement du premier chapitre/du premier acte.

    Tout n’est qu’une question de découpage, le récit n’est pas une chose monolithique. Tout personnage a toujours un “récit” le concernant avant le début de l’histoire.

    Pour ce qui est de couper le récit en deux, je ne vois pas de quoi tu veux parler. Je n’ai jamais expérimenté cela en gn.

  10. Ok, je comprends mieux ce que tu veux dire et vois à ton dernier commentaire que l’incompréhension vient clairement d’une différence de définition. Dans ce paragraphe, quand Matthieu parle de
    récit, il emploie ce terme de façon beaucoup plus restrictive que ce que tu suggères, en se fondant sur le travail de différents narratologues, qui indiquent que le récit est le passage d’un état
    initial stable à un état final stable en passant par une série de perturbations.

    Je te renvoie ainsi à cette citation de J. Hillis Miller dans la première partie de cet article : « Une narration a un état initial, un changement de cet état, et un aperçu de ce que ce changement
    occasionne (outcome). On peut appeler ce processus les événements de la narration. »

    Ainsi les éléments de contexte dont tu parles, qui sont antérieurs au début de l’histoire, permettent généralement de donner des informations pour qualifier les personnages ou renseigner le lecteur
    sur des éléments qu’ils a besoin de connaître, mais ils ne constituent pas habituellement les intrigues du récit qui se développent quant à elles intégralement au cours de la narration.

    L’observation de Matthieu sur les GN qu’il a joués est que ce développement des intrigues commence souvent avant le début du jeu et non au cours du jeu, tronquant ainsi l’action en deux. Mais
    encore une fois il ne s’agit pas d’une règle absolue systématique, bien d’une tendance perçue.

  11. Ok c’est bien plus clair comme ça, l’incompréhension vient du fait que j’ai rarement joué à un live qui n’avait pas un état initial stable en début du jeu. Sans doute une différences dans les
    pratiques internationales.

  12. Tu listes surtout des écueils possibles. Très bien, on est d’accord, mais en en faisant parfois des généralités, tu biaises tes comparaisons et tes conclusions.

    “Bref, en GN, le récit, et donc les intrigues, sont mises en place avant le jeu, au lieu d’apparaître durant le jeu.”

    Euh… pourquoi une telle généralisation ? C’est juste totalement faux. La situation initiale peut n’être qu’un prétexte (stable ou instable) et les nœuds n’apparaître qu’en cours de jeu. C’est
    même extrêmement courant.

    “Dans un jeu vidéo, une quête est définie par un ensemble ordonné de phases (…) En GN, seules quelques unes de ces phases ont lieu, souvent les dernières.”

    En GN, on a surtout des personnages “vivants” qui n’ont pas à suivre un tracé de phases et d’objectifs figés, mais la possibilité à chaque instant de réagir aux événements en se dotant
    d’intentions, et en les faisant constamment évoluer. La pertinence de la comparaison s’arrête un peu à cette impossibilité du jeu vidéo.

    “Deux grands types de jeu se dégagent. 1) Les jeux centrés sur une intrigue principale. 2) Les jeux sans centre de gravité :”

    Il manque une phrase qui explique qu’entre ces deux extrêmes caricaturaux, il y a une place pour une infinité de nuances qui pourront justement échapper aux écueils de ces extrémités. Je ne suis
    pas sûr que ce soit ce que tu ais voulu dire, mais un GN n’est pas soit l’un, soit l’autre.

    “Ces intrigues peuvent n’être pas résolues, résolues au bout de cinq minutes ou bien au bout de deux jours. Or une intrigue devrait avoir un moment approprié et privilégié pour être résolue. Il se
    peut que les joueurs impliqués trouvent ce moment, auquel cas ils se fabriqueront un joli souvenir. Le problème, c’est aussi que ce moment risque de ne jamais arriver, ou bien d’arriver dans un
    moment peu adapté.”

    Là encore, on entre dans la caricature si on prend cela comme une fatalité en GN. Il y a de multiples façons de palier à cela. La première est de concevoir des intrigues qui seront aussi
    intéressantes si elles sont résolues, ou si elles ne le sont pas, si elles sont résolues à un moment, ou à un tout autre… C’est aussi de concevoir des intrigues qui ont des résolutions multiples,
    progressives, qui ne sont pas des “tout ou rien”, mais des infinités d’états possibles, tous aussi intéressants les unes que les autres. C’est enfin de multiplier des intrigues de manière à ce que
    si une n’occupe pas suffisamment le temps et l’espace, d’autres s’y substituent constamment.
    Avec ce style de cahier des charges, d’une session à une autre, j’ai des joueurs qui ont vécu des intrigues très différentes dans leur déroulement, et qui sont pourtant tous ravis du “récit”
    produit.

    “Jouer en continu est une gageure.”

    Là encore, prendre ça pour une fatalité, conduit à la caricature, car tout dépend des timings, du rythme induit par le jeu, de la façon de les mettre en place. Si je ne croyais pas à la possibilité
    d’un jeu intense et prenant, j’arrêterais d’en jouer et d’en écrire.

    “Cela contraint les organisateurs à favoriser l’une des deux logiques suivantes, qui comportent toutes deux des inconvénients”

    Des inconvénients possibles, mais pas systématiques. Qu’une personne concernée ne soit pas là, n’a pas forcément d’incidence grave, soit la non-obtention de l’information n’a pas d’importance sur
    la multiplicité des intrigues, soit parce qu’il y a d’autres moyen de l’obtenir, soit parce que la scène lui sera rapporté par un autre… De l’autre coté, la contrainte est toujours problématique
    en ce qu’elle est contrainte à la masse d’armes, mais quand la présence tombe sous le sens pour le personnage, qu’elle devient hautement probable de l’initiative même du joueur, elle n’est plus une
    contrainte, il suffit de laisser faire les probabilités.
    Enfin, il y a une troisième possibilité qui est pour l’organisateur de réagir en temps réels, cherchant un bon compromis. Par exemple, l’orga envoie un PNJ qu’il ne fera repartir que lorsqu’il aura
    vu quelques personnes clefs (pas forcément toutes donc, celles qu’il faut), et avant que ça devienne lourd (pas de contrainte, pas d’obligation sur les joueurs, s’il ne les trouve pas après un
    certain temps tant pis). A de très fortes probabilités, on évite les inconvénients des deux cas.

    Dans ta conclusion, tu continues à lister des travers de mauvais jeux, auquel on pourrait rajouter encore un bon quintal, pour finir par “est-ce inéluctable ?” Euh… A l’évidence, les travers que
    tu décris ne sont pas les travers du GN mais de certains jeux qui n’ont su les éviter. Et ça, je n’ai pas besoin d’une comparaison avec le jeu vidéo pour le comprendre, et surtout pour le
    résoudre.
    On pourrait d’ailleurs lister aussi tous les travers de mauvais jeux vidéo,… Serait-ce inéluctable ? Probablement pas plus.

    Mais là où ta démonstration dans sa globalité m’échappe encore un peu, c’est que jouant à de nombreux jeux vidéos et GNs depuis longtemps, je n’ai pas souvenir d’un jeu vidéo où la narration m’ait
    porté aussi loin que ce que j’ai pu vivre parallèlement en GN. Dans la littérature, au cinéma, oui, mais en jeu vidéo… vraiment ?

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