Le GN : par qui, comment et pourquoi ? Les résultats d’une enquête Internet

Publié le mercredi 1 mai 2013 dans Articles

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En avril et en mai 2007, un questionnaire anonyme en ligne était proposé aux GNistes avec pour thème leur représentation du Moyen Âge. L’occasion était belle de poser quelques autres questions relatives au GN, destinées surtout à dresser le profil du répondant. À partir des réponses obtenues, issues presque à parts égales de Belgique, de France et du Québec, il est possible d’esquisser le tableau du GN francophone et de prospecter un peu plus loin.

Le présent article était initialement paru sur www.larp.eu en 2008 et a été publié dans le GN Mag 24 dans une version courte.

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Un peu de recul

Les quelques 500 aimables répondants ne représentent bien sûr pas l’ensemble des rôlistes. Si on peut estimer avoir au moins touché 10% des actifs de Belgique francophone et sans doute autant des Québecois, les résultats français réduisent nettement cette proportion. Finalement, ce sont les Suisses qui sont les plus mal représentés : 14 réponses seulement, certainement à cause de la mauvaise pénétration de l’enquête sur le Net suisse.

Le biais le plus important qui commande de considérer les réponses avec recul est le média de l’enquête. En utilisant Internet et en recrutant des répondants par mails et surtout par forums d’associations, nous n’avons touché que des internautes, mais surtout des passionnés qui fréquentent en dehors du jeu ces lieux d’échanges. Si l’accès à Internet est aujourd’hui très largement acquis pour la tranche d’âge concernée (16-40), le rapport au loisir, lui, peut sûrement influencer la manière de répondre. Ainsi, la forte proportion de pratiquants ayant déjà participé à l’organisation d’un GN est sans doute à relativiser ainsi que le souci de l’aspect pratique de l’organisation, mais aussi le niveau d’éducation, étonnamment élevé. Quoi qu’il en soit, les résultats de cet échantillon constituent les indices crédibles d’une réalité qu’une enquête plus vaste et plus systématique pourrait éclairer d’un jour plus cru.

Une présence féminine homogène

En Belgique et au Québec, un participant sur cinq est de sexe féminin. Cette proportion est légèrement plus faible en France où les femmes représenteraient un peu moins d’un joueur sur six.

Des vétérans en Europe, des jeunes au Québec

Un des résultats les plus saillants du questionnaire est la différence d’âge qui sépare le Québecois du Belge et du Français. En effet, il s’avère d’une part que la moyenne d’âge des répondants est relativement élevée sur le Vieux continent : 27 ans pour la France et presque 30 pour la Belgique (25 pour la Suisse, ce qui correspond aussi à la moyenne toutes nationalités confondues). En revanche, de l’autre côté de l’Atlantique, les rôlistes francophones ont en moyenne un peu plus de 20 ans. Si pour les premiers, le nombre de répondants dont l’âge était inférieur à 18 ans est marginal, il est en revanche bien plus élevé pour les Québecois qui comptent près d’un rôliste sur quatre en dessous de cet âge juridiquement charnière (la majorité est fixée à 18 ans dans les trois pays concernés).

Tranches d'âge par pays

Cette forte différence d’âge est à mettre en rapport avec la longévité de la carrière rôliste des répondants car, d’un côté, six Québecois sur dix déclarent faire du GN depuis quatre ans, pour trois sur dix en Belgique et en France. En revanche, quatre belges sur dix et trois Français sur dix ont répondu qu’ils pratiquaient depuis plus de dix ans. De ces éléments, on peut être tenté de déduire que le GN québécois a connu un développement plus récent que le GN français ou belge. Il apparaît en tout cas que les rôlistes de ces deux derniers pays pratiquent pour une bonne partie d’entre eux ce loisir sur la longueur. D’une certaine manière, les pratiquants de la première heure ont vieilli avec leur activité et lui restent fidèles plusieurs années.

Le paysage social

Il est fréquent d’entendre que le GN favorise la mixité sociale. Les résultats de l’enquête tendent à relativiser cette conception des choses et présentent à nouveau des différences entre les deux côtés de l’Atlantique. La mixité semble la plus accomplie au Québec. Si, et c’est cohérent au vu de la moyenne d’âge, la moitié des répondants sont encore aux études (un sur cinq en Belgique, un sur trois en France), on compte parmi ceux qui travaillent un ouvrier sur cinq. C’est aussi au Québec qu’on trouve le plus grand nombre de professions libérales : également un répondant sur cinq. En Belgique et en France, par contre, la diversité sociale est moins grande. En Belgique, près de sept travailleurs sur dix sont employés, près de deux sur dix pratiquent des professions libérales. La situation est un peu différente en France où le statut d’employé est pareillement répandu, mais où on compte moins de professions libérales et plus de cadres, un répondant sur dix pour ces deux catégories. Les ouvriers sont rares dans ces deux pays : approximativement un répondant sur cinq. Concernant les demandeurs d’emplois, leur proportion est généralement d’un gros tiers inférieure au taux de chômage des pays concernés.

Le niveau d’études présente en moyenne un haut niveau d’éducation : deux tiers des répondants déclarent avoir fait ou faire des études supérieures. En France, une réponse sur sept indique un niveau post-universitaire, deux fois plus qu’en Belgique et trois fois plus qu’au Québec. En raison de la basse moyenne d’âge, on ne sera pas surpris de découvrir qu’un tiers des Québecois ont déclaré un niveau d’études secondaire. C’est finalement en Belgique, en pondérant avec la moyenne d’âge relativement plus élevée, que le niveau d’études est le moins haut : près d’un rôliste sur quatre déclare ne pas avoir fait d’études supérieures. Cependant, dans les trois pays concernés, ces chiffres sont très largement au-dessus des moyennes nationales.

Il faut bien sûr considérer ces données avec recul. On peut supposer, par exemple, que les chômeurs auraient eu tendance à indiquer les professions qu’ils pratiquent ou pour lesquelles ils ont été formés plutôt que leur statut de demandeur d’emploi. D’autre part, le média Internet étant plus présent dans les catégories sociales révélées, il faudrait pondérer ces résultats sur base des statistiques. De plus, le fait même de répondre à un questionnaire en ligne est sans doute une démarche moins incongrue pour ceux qui ont un rapport plus quotidien avec l’écrit. Enfin, la démarche favorise aussi ceux qui ont accès à Internet au travail et donc les employés, a priori plus scolarisés. Malgré ces réserves, le niveau d’études reste particulièrement haut. On peut supposer que les pratiquants du jeu de rôles grandeur nature sont globalement fortement éduqués et n’appartiennent pas aux catégories sociales les plus défavorisées.

Faut-il en déduire que le GN est un loisir réservé au mieux nantis ? Ce serait un raccourci qui ferait l’impasse sur le fait que malgré leur présence minoritaire, les personnes issues de milieux moins favorisés sont loin d’être marginalement représentés. Penser que c’est l’activité du GN qui, par nature, produirait son public serait également erroné. Comme on le verra plus bas, ce loisir fonctionne notamment par sa dimension sociale. D’une certaine manière, on peut poser comme hypothèse, à vérifier mais plausible, que le public ne se reproduit pas uniquement sous l’influence de la nature du jeu, mais bien par lui-même, par homogamie sociale. Rien ne s’oppose à ce que le GN se développe aussi dans d’autres milieux[1].

Quelle pratique du GN ?

En France et en Belgique, la moitié des répondants participent à un GN entre deux et quatre fois par an. Trois Belges et deux Français sur dix disent en faire plus de quatre fois par an. Les Français sont ceux qui jouent le moins intensément : un quart d’entre eux font du GN une fois par an, voire moins. Par contre, c’est chez eux que l’on rencontre la plus forte proportion de personnes qui déclarent avoir déjà participé (de près ou de loin) à l’organisation d’un GN : six personnes sur dix. C’est le cas de la moitié des Belges. En France et en Belgique, l’origine de la pratique du GN est le jeu de rôles sur table. Huit Belges et neuf Français sur dix ont déclaré qu’ils sont venus au GN par lui. Pour un Belge et un Français sur dix, c’est la reconstitution qui est à l’origine de la découverte de ce loisir.

Au Québec, les choses sont différentes. D’une part, les Québécois jouent plus fréquemment : près des trois quarts d’entre eux font plus de quatre GN par an. D’autre part, ils sont moins nombreux à organiser : un gros tiers d’entre eux. Notons que le jeune âge des Québécois n’est pas l’élément explicatif de l’intensité. Les proportions restent globalement similaires entre les âges des Belges et des Français : les plus jeunes ne jouent pas forcément plus souvent que leurs aînés. La différence la plus spectaculaire concerne la voie empruntée pour arriver au GN. Six Québécois sur dix ont fait du jeu de rôles plateau avant. Mais, surtout, ils sont un tiers à pratiquer les reconstitutions (sans doute les activités costumées propres au Québec). Un Québécois sur cinq a découvert le GN indépendamment de ces deux loisirs (ce qui est le cas de deux Belges sur treize et d’un Français sur douze).

Pourquoi fait-on du GN ?

Une des questions ouvertes du formulaire proposait d’expliquer en quelques mots les motivations de la pratique du GN. Comme pour les autres questions ouvertes relatives au Moyen Âge, les rôlistes se sont largement prêtés à l’exercice et ont décrit leurs motivations avec leurs mots et leurs concepts. Les résultats présentés ici découlent donc d’une interprétation des réponses. Les catégories proposées pour en rendre compte sont arbitraires, intuitives et poreuses. Mais si un questionnaire à choix multiples aurait permis une hiérarchie et des statistiques « dures », il aurait invité les répondants à faire le tri parmi les idées de ceux qui l’auraient conçu et non sur base de leur propre ressenti et à l’aide de leur vocabulaire. Pour lire les centaines de réponses, nous avons choisi de compter les occurrences qui se recoupent (à nos yeux) et d’établir leur fréquence. Une même réponse peut donc se retrouver parmi plusieurs catégories : une personne peut parler du GN en termes et de sport et de convivialité. Neuf catégories de motivations ont été établies sur base des réponses.

Le ludisme regroupe les réponses qui évoquent le fait de jouer ou les éléments qui s’y rattachent. Ce sont celles relatives à l’interprétation d’un personnage, à la simulation, à l’immersion dans un univers, à l’imaginaire, au fait de prolonger le jeu de rôles sur table, au fait de vivre une aventure ou de pouvoir agir en toute liberté. Le ludisme englobe aussi le fait d’aimer porter un costume ou d’apprécier ceux des autres. Deux tiers des répondants ont apporté des réponses classées dans cette catégorie.

L’évasion regroupe toutes les réponses qui évoquent le fait de sortir du quotidien, de s’évader, de voyager, de se déstresser. Le GN est ici considéré par rapport à la vie de tous les jours et présente des avantages par réaction à elle. D’une certaine manière, sous cet angle, on joue non pour le jeu mais contre le quotidien, pour parer son stress (le GN délasse) ou pour s’extraire de son cadre (on fait du GN pour être dans la nature). Une réponse sur deux évoque l’évasion.

La convivialité regroupe les réponses relatives au plaisir d’être à plusieurs : soit pour rencontrer de nouvelles personnes, soit pour être avec ses amis, ou encore pour « l’ambiance » qui y règne. Quatre réponses sur dix justifient l’intérêt du GN par la convivialité.

Le sport désigne les réponses qui évoquent le GN comme un moyen de se défouler, de faire du combat, qui le décrivent explicitement comme un sport. Un répondant sur cinq pratique le GN, notamment, pour sa dimension sportive. Un répondant sur dix désigne spécifiquement sa dimension de « combat ».

Le divertissement est une notion retenue en tant que telle (la distraction, « passer un bon moment », …) indépendamment du ludisme et de l’évasion, car elle réfère au simple fait de jouir de l’activité dans son ensemble. Un répondant sur six considère que le GN est un divertissement.

La créativité regroupe ce qui évoque le GN comme une raison de la pratique d’activités connexes créatives, manuelles ou organisationnelles. Elle concerne une réponse sur sept.

Les vertus compte les réponses qui disent que le GN permet le développement de soi, l’apprentissage de certaines choses rendues possibles par la simulation, essentiellement en termes de traits de personnalité ou d’exploration des rapports humains. Une réponse sur huit évoque cette dimension.

L’histoire désigne quant à elle toutes les réponses qui indiquent que faire du GN répond à un intérêt pour le passé en général, et le Moyen Âge en particulier. Cet intérêt concerne un rôliste sur huit. À ce sujet, il faut souligner que le questionnaire était orienté sur le Moyen Âge, ne fut-ce que par l’intitulé, et que certains ont peut-être avancé cet intérêt sous l’influence de ce contexte.

Le fantastique englobe toutes les références aux univers médiévaux-fantastiques, au merveilleux, au fantastique, à l’onirisme, etc. Le fantastique est évoqué par un répondant sur neuf.

La dimension ludique, le plaisir social et la rupture avec le quotidien sont les trois grandes portes d’entrée vers le jeu de rôles grandeur nature. Mais ces résultats sont-ils constants suivant les sexes, les pays et les âges ? Globalement, la réponse est oui. On peut cependant relever quelques éléments qui détonent.

Entre les filles et les garçons, on note que les premières sont plus dissertes que les seconds dans leurs réponses. En termes absolus, elles trouvent au GN plus de qualités qu’eux. Ainsi, les filles manifestent autant d’intérêt que les garçons pour les dimensions ludique, divertissante et historique du GN et un peu moins au sujet du sport (pas loin d’un tiers d’écart). On relève des différences légères au sujet de l’évasion (six filles sur dix la désignent, pour cinq garçons), de la créativité (25% de différence entre les deux sexes en faveur des filles) et du fantastique (moins d’un garçon sur dix, pour plus d’une fille sur six). Les écarts sont surtout remarquables au sujet de la convivialité : quatre garçons sur dix évoque cette dimension pour près de six filles sur dix. Enfin, les vertus sont soulignées par deux filles sur dix, deux fois plus que chez les garçons.

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Concernant les origines nationales, les Français trouvent un peu plus d’attrait ludique au GN que leurs homologues. Ils se distinguent aussi par leur enthousiasme moindre à l’égard de la dimension sportive : un Français sur dix pour près d’un Belge et d’un Québécois sur quatre. Par contre, la créativité s’y détache, les Français sont deux fois plus nombreux que les autres à évoquer cette dimension. Au Québec, la convivialité est nettement moins soulignée qu’ailleurs : trois Québécois sur dix l’évoquent pour près d’un Belge et un Français sur deux. Mais ils sont plus d’un sur cinq à aimer la dimension historique, moyenâgeuse du GN (ce qui fait écho à leur pratique de la reconstitution). Quant au Belge, il se situe généralement près des moyennes, outre un intérêt plus marqué pour le sport (un belge sur quatre), qu’il partage avec les Québécois, il cherche un peu plus que les autres l’évasion et le divertissement.

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Concernant les âges, on doit garder à l’esprit que les Québécois sont majoritaires parmi les jeunes et, forcément, minoritaires parmi les plus âgés. Les différences importantes que marque l’âge peuvent donc être culturelles bien que la référence aux moyennes nationales indique qu’elles sont aussi générationnelles. Le sport et la créativité sont les catégories qui évoluent le plus avec l’âge, la première décroît fortement : avant vingt-six ans, cet aspect convainc près de trois GNistes sur dix ; après, moins d’un sur huit. À l’inverse, la dimension créative s’accroît nettement au fil des années.

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Le GN au sens large

Sur base des résultats, on peut tenter de poser le cadre général du jeu de rôles grandeur nature. Le GN se vit comme une activité qui prend source bien en amont de l’instant de jeu qui le singularise. Il s’accomplit à travers un processus créatif qui génère des éléments pouvant vivre indépendamment de sa réalisation : costumes, scénarios, historiques de personnage, etc.  Le GN trouve aussi sa source, l’enquête le montre clairement, dans les aspirations que suscite la société et qui s’expriment généralement contre elle. Dynamisé pour beaucoup par l’envie de l’évasion, le GN y puise un sens et y trouve une fonction dont, paradoxalement, on parle peu, mais qui semble centrale. L’attrait pour l’histoire – en particulier le Moyen Âge – et pour le fantastique n’est certainement pas sans rapport avec cette dimension. Le GN est également perçu comme un haut lieu de sociabilité, on le pratique pour revoir ses amis.

L’activité proprement dite offre également plusieurs facettes qui n’existent pas uniquement par sa dimension ludique. Autour du jeu, les participants jouissent du moment convivial qu’ils vivent mais aussi du cadre de jeu, spécifiquement lorsque celui-ci est la « nature ». Ils apprécient aussi ce qu’on pourrait appeler l’esthétique du jeu : l’ambiance, les décors, les costumes et l’originalité du moment. Le jeu en lui-même concentre les avantages les plus nombreux : on vit une aventure, on interprète un personnage, on fait du sport, on entre en compétition, on résout des énigmes, on simule, on s’immerge et on s’oublie.

Enfin, le GN ne s’arrête pas à son accomplissement. Il se pratique aussi pour ce qu’il apporte en aval de l’instant ludique, pour ses gains. Outre les bénéfices directs de l’activité – le défoulement, le divertissement, le délassement –, certains cherchent aussi ce qui survivra au jeu. Ce sont les nouveaux amis auxquels on se sera lié et les découvertes issues des apprentissages que certains y trouvent ou y cherchent.

Bien sûr, c’est l’instant ludique du GN – celui que décrivent ses définitions courantes – qui constitue le noyau de l’activité. Le jeu est bien la clé de voûte du GN. Toutefois, il ne peut être réduit à lui car ce n’est pas du jeu que proviennent toutes ses qualités. Les négliger sous prétexte qu’elles seraient hors du jeu, et d’une certaine manière étrangères à lui, serait méconnaître des dimensions qui l’influencent et qui éclairent ce qui s’y passe. Bien sur, certaines facettes sont déjà exploitées. Aujourd’hui le GN a sans doute tout autant été traité sous l’angle de la créativité de ses accessoires (comment faire un arme, un costume, …) que sous celui de l’organisation de son jeu proprement dit (les règles, la fiction, la mise en scène, la dynamique sociale, etc.). Il n’est pas non plus rare d’entendre qu’une bonne intendance compte pour beaucoup dans le succès du jeu, de même que le climat, deux notions favorables à des dimensions qui ne sont pas spécifiquement ludiques.

Ainsi brossé, le tableau du GN n’est pas complet. Comme tout cadre, il est étroit et évoque des choses qu’il ne montre pas mais qu’on peut deviner. Il se veut la synthèse des résultats d’une enquête qui, bien que représentative, n’est pas exhaustive. D’autres répondants décriraient certainement de nouvelles motivations à leur pratique de ce loisir. De même, il n’est pas global, tous ne se retrouveraient pas dans chacun des traits décrits. Cette généralité est donc à la fois trop étroite et trop large. Elle ne peut être retenue comme le dénominateur commun des GNistes. Rôle que les définitions qui réduisent le GN à son moment ludique remplissent mieux. Cependant, certains aspects sont suffisamment partagés pour considérer qu’ils sont au cœur de ce qui fait que le GN plaît.

Ces résultats pourraient alimenter de nombreuses réflexions. Difficile donc de tirer une conclusion unique. On peut cependant se risquer à un constat positif. Le GN fait parler un même langage à des joueurs séparés de milliers de kilomètres et issus de cultures différentes. Le public du GN n’est pas uniforme : quels que soient leur âge, leur sexe ou leur profession, les rôlistes ont répondu avec la même passion. Mais surtout, le GN se présente selon des aspects très variés et semble satisfaire des attentes qui auraient pu paraître difficiles à combiner. Amateurs de sport, d’immersion, d’histoire, de convivialité, tous se retrouvent dans ce loisir qu’on peut assurément qualifier de complet.

Gil Bartholeyns et Daniel Bonvoisin

Rédaction : Daniel Bonvoisin

L’enquête le GN et le Moyen Âge a été menée avec Gil Bartholeyns dans le cadre de la préparation d’un colloque consacré aux « fantasmagories du Moyen Âge ». Le présent article fait l’impasse sur cette question pourtant au cœur de l’enquête. Cet aspect est l’objet de l’article Le Moyen Âge sinon rien. Statut et usage du passé dans le jeu de rôles grandeur nature, Sénéfiance, Fantasmagories du Moyen Âge, dir. Elodie Burle-Errecade et Valérie Naudet, Presses Universitaires de Provence, 2009, version longue en ligne : www.modernitesmedievales.org/articles/BartholeynsBonvoisinJdRGN.htm

En guise de perspective possible sur la base de ces résultats, un article sera présenté (très prochainement) sur le site www.electro-gn.com concernant la confrontation des résultats de l’enquête au three way model qui propose trois manières de définir les styles de jeu du GN : immersionist, gamist et narrativist.


[1] À ce sujet, il semble intéressant d’évoquer le GN israélien. À l’occasion de la convention Mittelpunkt tenue en janvier 2008 en Allemagne, un organisateur israélien expliquait que la vague récente d’immigration russe a importé dans ce pays une forme de GN qui y était inhabituelle, plus axée sur le combat et le souci de la reconstitution du Moyen Âge. Or, le GN préexistait en Israël sous des formes plus proches de ce qui se pratique en France ou en Belgique. Selon cet organisateur, deux formes de GN cohabitent dorénavant en Israël, sans pour autant s’ignorer car elles s’influencent mutuellement. Cependant, à première vue, nous sommes bien dans une situation d’homogamie sociale, les populations et leurs loisirs (et les singularités de ceux-ci) se reproduisent à travers leur milieu social. En Israël, la population russe est parmi les plus défavorisées et pourtant, elle pratique du GN.

4 réactions à Le GN : par qui, comment et pourquoi ? Les résultats d’une enquête Internet

  1. Passionnant! J’aimerais bien en savoir plus sur les dimensions de l’ethnicité et de la religion.

  2. @Brigitte : Contrairement aux USA, les paramètres de distinction “ethnie” et “religion” ne sont généralement pas compatibles avec la culture française ou les études sociologiques. Politiquement correct ou tabou, pertinence non démontrée des regroupements arbitraires, idées préconçues entourant la logique de distinctions, éthique de l’enquête, lois, histoire des fichiers, etc.

  3. Merci pour cet article !

  4. Effectivement, le critère “ethnique” ou “religieux” est très difficile à faire émerger. D’abord parce qu’il faut s’interroger sur la pertinence de la question (qu’est-ce qu’on suppose comme intérêt à la réponse), ensuite ça biaise les réponses si le répondant sait que le critère est pris en compte.
    La seule manière d’établir une certaine objectivité est d’obtenir la langue maternelle, et de spéculer en conséquence.
    Maintenant, je crois que la “problématique” a un intérêt, puisqu’on peut facilement constater que le GN reste assez peu pratiqué par les populations issues de l’immigration, mais sans doute toute plus pour des facteurs d’intégration socio-économiques, de cloisonnement, qu’en raison d’aprioris culturels.

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