Critique – Un souper au Fouquet’s

Publié le vendredi 25 février 2011 dans Critiques de GN

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Un Souper au Fouquet’s est un jeu organisé par  l’association des Amis de Miss Rachel, en collaboration avec l’association Murders Online, venue en renfort notamment pour gérer l’aspect logistique. Deux sessions de ce jeu ont déjà eu lieu, toutes deux au château de Denonville dans l’Eure-et-Loir, le 17 juillet 2010 pour la prem ière et le 20 novembre 2010 pour la seconde. Une troisième édition du jeu est normalement prévue pour 2011, bien que la date ne soit pas encore annoncée.

 

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L’association des Amis de Miss Rachel organise des jeux depuis 2002, et s’est spécialisée dans un genre tout à fait particulier puisqu’elle organise essentiellement des événements se déroulant dans l’Angleterre Victorienne (Greenaway’s feelings, L’Australien, Tempête dans une tasse de thé, Spirits of Hannington Wick). Elle s’autorise cependant quelques écarts, ce que vient nous confirmer Un souper au Fouquet’s, celui-ci prenant place à la cour du jeune Louis XIV, en 1659, lors d’une réception donnée par Nicolas Fouquet dans son château nouvellement construit de Vaux le Vicomte.

  

Les amateurs d’histoire à cheval sur l’historicité pourront cependant passer leur chemin, puisque l’équipe d’organisateurs l’annonce d’emblée, ce jeu s’inspire principalement des romans d’Alexandre Dumas, et comme lui ils ont préféré violer l’histoire dans le but de lui faire de beaux enfants. Ainsi si la majorité des personnages a une existence historique, les libertés prises sur les rôles et sur la chronologie sont telles qu’il ne reste parfois que le nom et le titre pour reconnaître celui ou celle qui a inspiré le personnage du jeu. L’ambiance insufflée au jeu est volontairement chamarrée et haute en couleurs, et suscite une multiplicité d’intrigues diverses, aspect essentiel de ce jeu à mon avis, sur lequel je vais me concentrer dans la suite de cet article.

 

Cette volonté d’organiser un jeu inspiré de Dumas, où se mêlent panache, bravoure et romantisme, est ce qui a rassemblé les cinq scénaristes d’origine, venus d’horizons divers et au degré d’expérience varié en terme d’organisation de jeu de rôles grandeur nature. Cependant si la volonté d’écrire un jeu « de cape et d’épée » et « romanesque » est commune, il faut bien admettre que chacun des organisateurs a sa propre vision de ce que cela implique et qu’elles sont parfois très différentes. Le mélange des genres est donc de mise, tant dans ses meilleurs aspects comme la richesse et la variété des intrigues que dans ses pendants plus regrettables, comme le manque de cohérence de certains personnages que l’on essaie de rattacher à des thèmes trop différents.

 

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La méthode d’écriture désormais classique pour de nombreux scénaristes, consistant à écrire des intrigues indépendamment des personnages, puis à les attribuer de façon équilibrée aux différents rôles selon leur intérêt respectif se discerne aisément à travers la lecture des fiches. Cette méthode aux avantages indiscutables permet de faire en sorte de ne laisser aucun rôle sur le carreau, puisque chacun se voit attribuer un nombre équivalent d’intrigues en terme d’intérêt, et surtout elle permet à des scénaristes aux idées très différentes de mettre en commun leur travail afin d’accroître la richesse du jeu. On comprend donc aisément l’intérêt de cette méthode de travail pour un jeu comme Un Souper au Fouquet’s, et on peut dire que le résultat est au rendez-vous. Les fiches foisonnent d’intrigues variées, bien pensées, entraînant de nombreuses interactions. La quantité d’intrigues permet de contrebalancer le fait que certaines ne se déclencheront pas en jeu sur les premières éditions, pour des raisons diverses, ce qui semble être en bonne voie d’être corrigé pour les sessions suivantes. Chaque personnage a de multiples connexions avec les autres, et on sent la volonté des organisateurs de faire en sorte que les joueurs n’aient pas le temps de s’ennuyer ni même de souffler.

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Ainsi de nombreux événementiels viennent s’ajouter aux intrigues déjà présentes dans les fiches, et ponctuent le jeu avec un rythme soutenu, créant un bouillonnement constant dans le château où il se passe sans cesse quelque chose. Chaque joueur participera, qui au salon littéraire, qui à la représentation d’une pièce de théâtre, qui à une démonstration d’alchimie, etc. Les organisateurs et PNJ s’efforcent d’avertir les joueurs à chaque fois, pour être certains que personne ne risque de manquer quelque chose, ce qui a parfois pour effet de réunir l’ensemble des joueurs (une petite cinquantaine), là où seuls quelques uns se sentent réellement concernés. L’agencement des lieux permet heureusement d’isoler chaque événement pour ne pas parasiter des scènes qui n’auraient rien à voir, avec certes plus ou moins de réussite selon les cas, mais l’effort est louable et porte souvent ses fruits.

On pourra cependant regretter que cette profusion d’événements et de scènes d’ambiance prenne parfois le pas sur ce qui fait à mon avis le sel d’un jeu de rôles grandeur nature, à savoir de belles séquences avec une tension dramatique palpable et des enjeux forts pour les personnages. En effet c’est là selon moi une des limites de cette méthode d’écriture, qui parvient sans nul doute à occuper les joueurs pendant toute la durée du jeu, mais qui à force de vouloir multiplier intrigues et événements, tend à créer un effet de dispersion, se traduisant dans une fiche par la sensation d’avoir une « liste de courses à accomplir », et pendant le jeu par une succession de scènes à enjeux faibles qui risque de diluer la tension dramatique créée par quelques interactions fortes. 

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Évidemment des joueurs avertis sauront se concentrer sur l’essentiel en évitant les multiples événements qui ne les concerneront pas forcément, et en prenant leur temps sur chaque scène pour éviter de les bâcler avant de passer à la suivante. C’est donc bien là un travail de chaque joueur à accomplir pour profiter au mieux de cette ambiance tourbillonnante dans laquelle les organisateurs d’Un Souper au Fouquet’s vont le plonger le temps d’un week-end.

Un souper au Fouquet’s – Les Amis de Miss Rachel

Isab elle  Dem acon

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Photos par Hezlean

www.lesamisdemissrachel.org

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GNiste depuis le début des années 2000, cofondateur de l'association eXpérience, Vincent est présent sur Electro-GN depuis son lancement en 2011. Après une trentaine d'articles, il se consacre désormais davantage à la gestion quotidienne du site et à la planification des nouveaux articles. Convaincu qu'il y a encore énormément à découvrir sur le GN et ce qu'il permet, il espère que de nombreux GNistes continueront d'écrire et de partager leurs réflexions sur Electro-GN ou ailleurs.

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7 réactions à Critique – Un souper au Fouquet’s

  1. Pas une photo de monsieur, ni une de Rachid, quelle faute de gout !

  2. Belle analyse.
    Pour ma part, j’ai toujours pensé que plus il y avait de joueurs, plus le risque de dispersion est grand et qu’au final pour un jeu tendu à intensité dramatique, rien ne valait un bon huis
    clos.
    Cependant le Fouquet’s reste un très bon souvenir pour mon Porthos et ses affaires familiales.

  3. Classe cette critique.

    Je suis assez surpris par cette analyse de la méthode d’écriture. Est-elle réellement si répandue ?

  4. Pour répondre à Pascal, je dirais que sur un gros GN, oui, c’est assez répandu. Par contre, je ne fonctionne pas du tout pareil pour l’écriture d’un huis-clos en solo où je conçois le jeu dans une
    triple optique intrigue, perso et situation / event “trippant” et en faisant une sorte de partie de ping-pong à 3 en permanence. C’est d’ailleurs souvent des events dont je pars, quitte à bâtir
    l’intrigue ou le perso après.
    Sur le Fouquet, ce fut aussi le cas par moments mais gérer cette triple optique en scénarisant en groupe est très difficile. J’y arrive quand je suis seul avec moi-même mais mon petit cerveau
    cogite dure dans tous les sens (et ça oblige à faire vraiment des centaines de modifs en cours de route).
    En groupe, il arrive un moment où il faut se répartir les choses. Et à partir de ce moment-là, la partie du ping-pong devient moins globale et plus spécialisée. D’où une approche à mon sens plus
    linéaire où on privilégie l’équilibre.
    Et je rejoins Beus : j’arrive mieux à gérer l’intensité dramatique sur un petit format que sur un gros (en tant que scénariste).

  5. Pour répondre à Pascal. C’est une méthode que j’ai retrouvée souvent et qui a fait parler d’elle. Je crois qu’il y a plusieurs “démonstration” de cette méthode ou de méthodes approchantes aux
    GNiales. J’ai moi même rédigé un doc expliquant la méthode que je mettrai peut être sur electro-GN du coup.

  6. Très bon souvenir de ce GN,
    analyse très instructive merci

  7. Moi du coup, ça m’interesse bien cet article sur la fameuse méthode.
    Pour revenir sur ce jeu, j’en garde un excellent souvenir. Effectivement, c’était très tourbillonnant, foisonnant, délirant.
    Je m’y suis beaucoup amusé.

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