Sirena Varada

Publié le mardi 30 mai 2017 dans Critiques de GN

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NDLR : Cet article a été écrit en septembre 2015, oublié puis retrouvé récemment, nous le publions donc aujourd’hui.

Organisé près de Grenade par l’association espagnole Somnia, “La sirena varada” était un GN en anglais, inspiré de la pièce de théâtre du même nom (http://somnia-larp.wix.com/lasirenavarada). Il regroupait une trentaine de joueurs venus de toute l’Europe (il y avait même une américaine du Colorado !), venus incarner une communauté hors du temps et de la réalité. Plusieurs mécanismes étaient mis en œuvre pour créer une impression de folie et de désorientation, et c’est là-dessus que se concentrera ce court article.

1/ Un rythme relâché

La note d’intention l’annonce clairement : dans ce GN, on se couche tard, on se lève tard, et les personnages n’ont aucun objectif ni contrainte. Le jeu se déroule au bord de la piscine, dans le hammam, sous les étoiles ou encore à table, sans aucun stress ni horaire imposé. Plus que du slow-gaming, ce non-rythme contribue à la perte de la notion du temps, première étape dans la désorientation.

2/ Un temps à vitesse variable

Une règle du jeu (appelée “Temps fluide”) impose que le temps écoulé en jeu entre deux interactions successives soit approximatif (une heure, un mois ?). Les personnages sont incapables de mesurer le temps, et s’en moquent. Grâce à ce mécanisme, la désorientation temporelle est complète, et les portes de la folie sont prêtes à s’ouvrir.

 

3/ Une intensité sans conséquences

Les organisateurs demandent à ce que toutes les interactions soient intenses, dans un esprit sanguin et méditerranéen, mais sans réelle conséquence émotionnelle à long terme. On s’entre-déchire, on se pardonne, on s’aime puis se déteste, on se redécouvre sans cesse dans un esprit enfantin. On perd ses repères émotionnels, et tout devient possible. Le “temps fluide” mentionné ci-dessus rend cette approche plus facile et crédible.

4/ Une nouvelle réalité

Les personnages ont bâti une nouvelle réalité, hors du temps. La communauté, coupée du monde, a ses propres règles et fait totalement abstraction de la vie réelle, croyant ce qu’elle souhaite croire. Tout, absolument tout, peut être décidé par les personnages, par simple vote. Le site troglodyte étrange, sous un ciel bleu pur, contribue à ouvrir les esprits à tout et n’importe quoi. Et si on abolissait le chiffre 5 ? Et si rien n’existait vraiment en-dehors de la communauté ? Et si j’étais le dieu de l’amour ou de la mort ? Les personnages ont d’ailleurs tous un nouveau nom qui reflète leur nouvelle identité.

5/ Les archétypes de la folie

Chaque personnage correspond à un archétype en lien avec la folie, inspiré d’un personnage de la pièce de théâtre, qui colore ses relations avec les autres. Ainsi, les Sirènes entraînent les autres vers la folie, les Ancres tentent de sauver la communauté d’elle-même et les Navigateurs explorent les confins de la réalité.

6/ Une blackbox primale

Un espace diégétique est prévu pour que les membres de la communauté puissent explorer leurs pulsions les plus primaires et leurs aspects les plus sombres, sous forme de cauchemars. En jeu, cette blackbox particulière obéit à certaines règles, comme par exemple l’interdiction de parler.

7/ Une mort relative

Un personnage qui meurt peut continuer à interagir normalement avec les vivants, tant que ceux-ci le souhaitent. La folie a conquis même la mort.

Les graines d’horreur plantées par les personnages dans ce terreau fertile conduisent à une lente et terrible perte de repères. Après 48 heures de jeu, les pires horreurs côtoient des questionnements philosophiques fondamentaux et des films surréalistes dans un délire malsain. Naturellement, les joueurs ont à leur disposition des mots de sécurité et un espace suffisamment grand pour passer hors-jeu, afin de gérer à leur guise la distance avec les événements et les personnages.

En conclusion, la conception très épurée et originale de “La sirena varada” a donné naissance à une expérience fortement surréaliste et atypique. Un exemple à suivre, qui me fait penser que les frontières du GN sont encore loin d’avoir été atteintes !

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Hoog

J'adore le GN, et m'efforce de participer à son évolution en diffusant le plus largement possible les bonnes idées glanées ici ou là. En dehors de ça, ma vie est une joyeuse balade entre terrains de volley et mosh-pits !

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2 réactions à Sirena Varada

  1. Hey ! Si il y a des volontaires de notre belle région de Normandie pour aller vers l’infini et au delà (ou en deçà), je veux dire par là organiser autour de ce thème, je suis partante pour un “labo”, une murder, et pourquoi pas un gn moyen format à terme… N’hésitez pas à me contacter je trouve le pitch très séduisant, je m’en vais de ce pas découvrir le film ! Hoog, peux-tu nous parler de ton expérience personnelle de ce jeu ? A bientôt ? (Alex)Anne

  2. Bien sûr 🙂
    Que souhaites-tu savoir ?

    PS : La source d’inspiration est une pièce de théâtre, pas un film ^^

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