Excavating AmerikA

Publié le vendredi 6 janvier 2012 dans Critiques de GN

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Texte: Eirik Fatland
Photos: Britta Bergersen
Traduction et présentation pour l’excellent blog Incarna : Stéphane Rigoni (aidé de Jean-François Cabirol)
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Quelques AmerikAins. (photo: Britta Bergersen)

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Cet article d’Eirik Fatland est paru dans le recueil « Larp, the Universe and Everything » (2009). Il évoque le souvenir d’un GN particulièrement ambitieux et séduisant, AmerikA, qui fut organisé en 2000 en Norvège. Le thème, la préparation des joueurs (qui ont suivi des ateliers de théâtre avant la partie), les prétentions artistiques et sociales mais aussi le simple fait qu’un tel GN soit possible (il fut joué dans un espace public au cœur d’Oslo) mettent en lumière les différences de maturité et d’acceptation du GN entre la France et la Scandinavie. Et c’était il y a déjà une décennie ! Même s’il a failli sur quelques points selon l’auteur de l’article, les voies explorées par un tel projet et plus largement la tradition scandinave du GN pourraient inspirer favorablement le jeu de rôles grandeur nature en France.
Remarque: Vous rencontrerez fréquemment le mot diégétique dans l’article. C’est un mot important qu’on retrouve dans beaucoup d’écrits scandinaves sur le GN. Est diégétique ce qui fait partie de l’univers du récit. Un exemple très simple. Si un personnage joue du piano, la musique est diégétique. En revanche, le même morceau passé en fond pour créer une musique d’ambiance à la manière d’une musique de film serait non-diégétique.
Et avant de vous laisser à votre lecture, je tiens à remercier chaleureusement Eirik Fatland pour avoir immédiatement accepté que je traduise son article. Merci également, et tout aussi chaleureusement, à Britta Bergersen de nous laisser reproduire ses photos d’AmerikA. Eirik Fatland a consacré un très intéressant article au travail de photographe en GN de Britta Bergersen. Il est lisible en anglais ici. Et merci à Jeff pour le coup de main final sur la traduction.
(Le traducteur)
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Au centre d’Oslo, un temps, il exista un lieu appelé AmerikA. On l’écrivait ainsi : avec un « k » à la place du « c » et le A final en lettre capitale. L’auriez-vous écrit à la main, vous auriez encerclé ce dernier A, à la manière d’un graffiti. Ce n’était ni un continent, ni un pays, mais un lieu plus petit, juste un endroit. Là, un grand et magique tas d’ordures vint à l’ existence, pulsant de lumière et de vie, attirant les fous, les déchus, les visionnaires incompréhensibles. Ayant poussé d’un sol d’asphalte, il exista brièvement mais intensément, une seule semaine à l’automne 2000, avant que de disparaître – bien plus soudainement qu’il était apparu. Un visiteur l’appela « le truc le plus génial dans l’art norvégien depuis Munch ». Et c’était un GN.

Par bien des aspects, ce fut le plus gros GN jamais tenu en Norvège. Il fallut presque une centaine d’organisateurs et de volontaires, rassemblés en une multitude de réseaux, comités et sous-comités, pour tout mettre en place. Le travail de production est équivalent à ce qu’aurait nécessité un GN suédois à 1000 joueurs ou un rassemblement britannique, un fest, de 3000 joueurs. Des dizaines de sociétés, d’institutions et d’organisations l’ont soutenu de leurs services et parrainages. AmerikA fut joué par des centaines de personnes, attentivement suivis par des milliers et observés par des dizaines de milliers. Son économie, modeste, reposait sur les dons matériels et le volontariat plutôt que sur l’argent. Mais s’il avait fallu payer les services reçus, le budget d’AmerikA se serait probablement compté en millions d’euros.
AmerikA est peut-être aussi le plus oublié des GNs norvégiens. Une recherche Google ne laisse apparaître que de rares mentions dans des sites de GNistes. C’est le sort de beaucoup de GNs. Comme des châteaux de sable, ils atteignent leur plus proche état de complétude l’instant avant que la marée ne les efface. Cependant, habituellement, les grands GNs, les uniques, les ambitieux, ont la récompense d’une vie plus longue. Parmi les vieux de la vieille, on parle encore des GNs des années 90. On invoque toujours les fantômes de Kybergenesis , de Knappnålshuvudet ou du GN The Bronze Age (1996). Nos GNs favoris survivent sous la forme de galeries de photos en ligne, de publications Knudepunkt 1 et de conversations nostalgiques. Mais pas AmerikA. Pourtant, pour garder une trace d’AmerikA, on a utilisé plus de pellicules photographiques et de millions de pixels numériques et enregistré plus de films que pour n’importe quel autre GN norvégien. Malgré tout, la documentation reste difficile à trouver que ce soit en ligne ou sur papier.
A l’archéologue amateur en quête de GNs perdus que je suis, la relative obscurité d’AmerikA pose deux intéressantes questions. D’abord, si AmerikA a été occulté à cause des erreurs commises, pourrait-il y avoir cependant quelque chose à apprendre de ces mêmes erreurs ? Et cependant l’hypothèse des « erreurs » ne sonne pas juste. Par le passé, des GNs spectaculairement ambitieux ont été amplement débattus même pour parler de leur échec. Mineva, un GN suédois d’inspiration steampunk, dont la promotion fut faite mais qui ne vit jamais le jour, est toujours considéré par certains comme un GN canonique. Non, la disparition d’AmerikA des conversations GNistiques doit avoir quelque autre explication, et notre seconde question est encore plus intrigante: qu’est-ce qui a causé cette relative obscurité ?
Je n’écris pas complètement d’un point de vue extérieur. J’ai rejoint sur le tard le réseau Weltschmerz, le groupe informel qui a organisé AmerikA puis Europa, son successeur à plus petite échelle. J’étais un des principaux organisateurs d’Europa, mais un simple joueur et une des nombreuses mains aidantes sur AmerikA avec peut-être, quand même, un accès privilégié aux principaux organisateurs et aux discussions internes à AmerikA.

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Au calme tout en haut de la montagne d’ordures. (photo: Britta Bergersen)

Origines
En dépit de ses traits uniques et non-orthodoxes, AmerikA n’est pas né du vide. Le GN norvégien typique des années 90 c’était 5 jours de jeu ininterrompu dans un monde d’heroic-fantasy. Ces premiers GNs – lourdement dotés en épées et en sorcellerie – étaient affectés d’un sérieux problème: ils géraient mal le décès des personnages-joueurs. A la mort d’un personnage, un nouveau était attribué au joueur, et à mesure qu’on avançait dans les 5 jours que durait le GN, il devenait de plus en plus ardu de savoir qui était qui. Les auteurs de GNs norvégiens ont alors limité les occasions de mourir en réduisant la part des combats et les formes de magie les plus fatales. Cette dynamique, conjuguée aux préférences des joueurs, a progressivement amené à plus s’attacher à la personnalité et à l’environnement culturel, social et politique des personnages.
A partir de la moitié des années 90, quelques-unes de ces simulations culturelles – en particulier à Oslo – ont commencé à proposer des commentaires sur la société contemporaine ou sur l’histoire récente. Les GNs Sunrise High (qui se passait dans un lycée) et P13 (un thriller sur une prise d’otages) pastichaient la pop culture mais étaient aussi des explorations de la société américaine assombrie par les guerres du Vietnam et de Corée. Kybergenesis, qui transposait en GN le roman dystopique « 1984 » d’Orwell, était l’étude sans fard d’un pouvoir totalitaire. Dans le même temps, les GNs de la série « Social Femocracy » (sous-titrée « Un rêve de maîtresse de maternelle ») furent décrits comme des utopies ou des dystopies selon les joueurs que vous interrogiez. Les GNs historique 1944 et 1942-Noen å stole på ? (le dernier également organisé en 2000 et un prétendant au titre de « plus grand GN norvégien ») attirèrent l’attention sur les réalités de l’histoire de la Norvège pendant la Seconde Guerre Mondiale, soulignant mais aussi nuançant la version officielle d’une résistance nationale unanime.
 

Le réseau Weltschmerz
C’est autour de joueurs et d’organisateurs de quelques-uns de ces GNs que se cristallisa le réseau Weltschmerz. Les premières réunions et brainstormings eurent lieu en 1998. Le nom du réseau n’est qu’en apparence une de ces auto-contradictions qui caractérisent le projet. Weltschmerz (une sensation de désespoir, de renoncement au monde) était précisément l’inverse de ce que le réseau Weltchmerz cherchait à atteindre. Et ce n’était pas de l’ironie. Au contraire, il fallait comprendre littéralement les composantes du nom (les mots « monde » et « douleur » en allemand). L’idée était justement de révéler les « douleurs du monde », avec l’espoir de le changer plutôt que de s’en retirer.
Le réseau avait été fondé sur la foi que les GNs pouvaient être utilisés non seulement comme commentaires politiques mais aussi comme outils politiques, des sortes de mondes terrains de jeu conçus pour modifier le monde réel. Cette croyance se justifiait par le fait que des joueurs étaient sortis de certains GNs politiques, en particulier Kybergenesis, avec une vision sur le monde et des opinions politiques radicalement révisées. 2  En outre, les GNs étaient des aimants à média : une centaines de joueurs en costumes dans les bois attiraient bien plus l’attention de la presse qu’une centaine de manifestants brandissant des pancartes en ville.
Un second courant se trouva également à son aise au sein du réseau Weltschmerz. Un courant qui voyait le GN pas seulement comme une forme d’art, mais comme une forme supérieure à l’art traditionnel parce que plus démocratique, plus inclusive, plus puissante tant au niveau de l’expérience individuelle que des transformations collectives qu’elle pouvait amener. A cette époque, ces deux tendances étaient faciles à unifier. L’art à thème politique et les débats sur la pertinence politique de l’art étaient à nouveau des thèmes de premier plan dans les milieux artistiques. Ces sujets parlaient aux GNistes du réseau Weltschmerz. Par ailleurs, de nombreux artistes et mouvements artistiques avaient cherché à rendre l’art plus interactif. On pense au théâtre environnemental 3 et participatif, au net.art 4 ainsi qu’aux installations interactives des années 90. Ce n’était donc pas sans raison que les Welteschmerzers considéraient le GN comme l’aboutissement de ce voyage : une forme artistique qui était intrinsèquement interactive et participative.
Un avertissement important cependant : le réseau Weltschmerz n’a jamais formalisé d’idéologie. Il n’y a même jamais eu de consensus sur ce que pouvait être cette idéologie. Mais un faisceau de déclarations idéologiques est perceptible à travers les slogans qui entouraient le projet: « L’âge de l’ironie est terminé »,  « Rien n’est vrai sauf si ça passe à la télévision »,  « Notre monde, servi cru » et « Fuck l’art passif ! ». Certainement y avait -il des membres du réseau Weltschmerz qui participait au projet tout en ne souscrivant à aucune de ces déclarations. Weltschlmerz était une large ombrelle, une bénédiction mais aussi une malédiction qui, nous le verrons, vint hanter AmerikA.
 

Du réseau à l’équipe de production
L’organisation fut à l’image de l’idéologie. Il y avait les prémisses d’un crédo – en des réseaux informels et des modes d’organisations flexibles –qui ne furent jamais rassemblés en un tout cohérent mais furent plutôt interprétés diversement selon les membres. Parmi les créateurs du réseau, il y avait trois anciens de la scène Osloite – Hanne Grasmo, Attila Steen-Hansen et Erlend Eidsem – qui finirent par endosser les fonctions de metteur en scène, de producteur et de scénographe en chef d’AmerikA, transitant de « membre du réseau » à ces positions hiérarchiques. Cependant une organisation privilégiant les réseaux resta visible par exemple dans le haut degré d’autonomie, plutôt inhabituel, dont jouirent les diverses subdivisions de la hiérarchie. On leur permit de prendre des décisions importantes dans leurs domaines, que ce soit la dramaturgie ou l’organisation physique de la décharge, et ultérieurement de recruter des organisateurs et des volontaires à travers leurs propres réseaux respectifs.
Si la plupart des Weltschmerzers étaient des GNistes, quelques-uns cependant n’avait qu’un lien lointain avec le GN et venaient plutôt des milieux artistiques ou politiques, voire les deux à la fois. Les membres du réseau se rencontraient sur internet ou à l’occasion de séances de brainstorming où l’on discutait librement des futurs projets.
C’est à l’occasion des premières séances de brainstorming que sont nés d’une part le concept d’une série de « GN-continents », chacun se concentrant sur des « problèmes mondiaux » en se servant d’un continent comme métaphore et d’autre part l’idée de placer une décharge au centre d’Oslo. Quand vint le moment de mettre ces idées en pratique, on les combina et le « bidonville » devint AmerikA.

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La Forteresse des machines à laver abritait les SevenS, des femmes entièrement vêtues de noir qui ne communiquaient qu’en chansons. Bâtiment en arrière-plan: sièges des syndicats travaillistes. (photo: Britta Bergersen)

Concept
« Ordures 1:
Déchets. Rats. Sang. Saletés. Loques. Vestiges. Poussières.
Rouille. Puanteur. Fumées. Dégueulis. Brisé. Endommagé. Enterré. Caché. Oublié.
Ordures 2:
Commercialité déchiquetable. »
– extrait du site internet d’AmerikA
Le fil directeur d’AmerikA, tel qu’il fut présenté avant le jeu, était le suivant : on avait jeté par erreur un billet de loterie gagnant. Les médias avait suivi sa trace à travers le réseau de récupération des ordures jusqu’au tas de déchets nommé AmerikA, agrégat de tonnes et de tonnes d’ordures et refuge de quelques douzaines de sans-abris. Soudainement projeté en pleine lumière, AmerikA se voyait envahi par toutes sortes de chasseurs de trésors à la recherche du ticket de loterie.
Pendant le GN, certains joueraient les résidents « sans-abris », qui s’étaient établis sur le tas d’ordure, tandis que d’autres joueraient des personnages à plein temps secondaires (des visiteurs fréquents du lieu) et enfin un dernier groupe devait jouer les envahisseurs : les chasseurs de trésors, les touristes amateurs de bidonvilles, leurs guides et leurs contacts, et d’autres encore. Le genre annoncé était « réalisme magique » parce que même si AmerikA était poussiéreux, sale et miséreux il y avait aussi beaucoup de magie et un certain degré d’abstraction. Ainsi, les organisateurs refusèrent de spécifier en quel pays se trouvait AmerikA, même si diégétiquement il était placé en plein centre d’Oslo.
 

AmerikA et Amérique
Même si des drapeaux américains déformés et des images de la Statue de la Liberté ornaient certains des documents promotionnels, le nom ne faisait pas référence qu’aux seuls États-Unis. C’était plutôt une référence aux Amériques – du nord, du sud et du centre – et à certains aspects qu’elles représentent pour les Européens. AmerikA parlait avant tout de liberté (thème très présent chez les personnages résidents), du capitalisme exploiteur (figuré par les principaux antagonistes), du capitalisme bâtisseur et du rêve américain (suggéré par l’économie simulée en jeu), et plus que tout parlait du consumérisme et du fossé qui sépare les riches et les pauvres, directement traduits par l’exposition publique des déchets, excréments cachés du consumérisme.
Mais ces aspects « américains » étaient des sources d’inspiration, plutôt qu’un « message ». AmerikA n’avait pas un Message. Il n’y a jamais eu une réponse simple à la question « Au final, AmerikA c’était quoi ? » Ce qu’il y a eu c’est pléthore de déclarations se chevauchant, parfois contradictoires, alternativement énoncées explicitement par les organisateurs ou implicitement à travers leur travail. AmerikA rendait visible la pauvreté et la séparation entre riches et pauvres mais ce n’était pas un GN hardcore où les joueurs partageraient physiquement l’existence des habitants des pires bidonvilles de la planète. On peut facilement accuser AmerikA de rendre la pauvreté romantique. Nombre de ses personnages principaux étaient des bannis volontaires, dignes dans leurs guenilles et bien nourris – à la différence probable de ceux qui n’ont pas choisis la pauvreté. Mais leur dignité, leur romantisme, leur éloignement à moitié choisi d’une société respectable n’apparaissait pas à l’observateur de passage. Aux yeux des habitants d’Oslo, les citoyens d’AmerikA étaient présentés comme les rejetés pitoyables, les monstres de seconde zone, mis en pleine lumière. Était-ce alors un conte moral sur l’humanité intrinsèque des plus pauvres, sur le romantisme de la vie à découvrir sous une surface souillée ? Est-ce que ce conte était destiné aux joueurs ou à ceux qui les regardaient ?
De même, l’intrigue du ticket de loterie peut être vue comme une histoire sur la poursuite du bonheur, symbolisée par la richesse gagnée au jeu. Mais n’était-ce pas aussi une critique de cette narration, une dénonciation de la quête futile des richesses matérielles ? Qui étaient les plus heureux : les chasseurs de trésor désespérés qui ne trouvèrent pas le ticket, les hobos qui ne le cherchèrent même pas, ou les yuppies tellement blasés de leur propre richesse qu’il leur fallait pénétrer dans un bidonville pour quelques effluves d’excitation ?
Et qu’est-ce qui nous fit choisir Youngstorget comme site du jeu? Des bureaux de partis politiques et les bâtiments des principaux syndicats du pays entourent Youngstorget, qui est appelé en norvégien le « maktens torg », le marché du pouvoir. Était-ce pour se moquer d’eux ou pour s’identifier à eux que des tonnes de détritus avaient été placées à leurs pieds et transformées en GN ?
On ne peut pas répondre à ces questions pour la simple raison que la réponse dépend de l’organisateur que vous interrogez et au final le GN était une combinaison des idées de chacun d’entre eux.
Et surtout, comme nous le verrons, les intentions des organisateurs ne se sont pas nécessairement retrouvés dans le GN tel qu’il s’est déroulé. Une fois confié aux joueurs, AmerikA a suivi sa propre trajectoire.
 

Les personnages
Il n’est pas facile de calculer le nombre de « joueurs » d’AmerikA. Entre trente et cinquante participants se sont préparés pendant des mois à jouer la communauté qui vivrait au cœur du tas d’ordures. La préparation incluait trois week-ends complets d’exercices dramatiques (pour un seul week-end de GN). D’autres personnages à plein temps (personne ne sait combien) furent ajoutés à mesure que le GN approchait. Et durant le GN, s’ajoutèrent les personnages éphémères, ceux des joueurs recrutés dans la rue, qui arpentèrent le site pour quelques heures de jeu. Enfin, il y eut les spectateurs : des personnes qui restèrent en dehors d’AmerikA à observer, scruter, certains restant comme collés sur place le week-end entier.
A l’image de cette structure en peaux d’oignons des divers degrés de participation, on trouve une structure semblable pour les personnages. Au cœur d’AmerikA, on trouvait les bergboer 5, les citoyens du tas d’ordures. Ils partageaient peu de traits en commun hormis leur état de bannis semi-volontaires. Une vieille prostituée, un roi de la picole, un prêcheur fou, une femme-qui-était-un-chat, un pédophile non-abusif : cette liste n’est qu’un échantillon des personnages qui habitaient AmerikA, qui l’appelaient leur « maison »

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“Herr P”, le plus vieux des bergboer et le premier à s’établir sur le tas d’ordures. (photo: Britta Bergersen)

En dehors de ce groupe, mais également personnages à plein temps, les envahisseurs et les personnages secondaires comme la Real Life Company (RLC), une corporation spécialisée en « slumming » (visite de bidonville) et tourisme extrême, les gangs Crazy Dogs et The Rats, les sept femmes qui vivaient dans une forteresse de machines à laver et qui ne communiquaient que par des chansons, ainsi que des groupes qui prétendaient appartenir à une des catégories précédentes mais qui poursuivaient en fait leurs propres buts sinistres.

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La femme-qui-était-un-chat.(photo: Britta Bergersen)

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Un personnage avec un organisateur habillé en éboueur. (photo: Britta Bergersen)

Ensuite, il y avait les personnages temporaires : chasseurs de trésors, gamins expulsés en quêtes d’une maison, l’ex-femme du roi de la picole, un DJ qui travaillait pour la Real Life Company. Des personnages qui entraient quelques heures et n’avaient que de lointaines connections avec la société d’AmerikA.
A un degré encore moindre d’engagement : les touristes emmenés dans AmerikA pendant des durées encore plus brèves pour des visites, des fêtes techno-trash, qui exhibaient des appareils photos et des équipements électroniques onéreux. Touristes à la fois dans le jeu et dans la vie réelle.
Enfin, les spectateurs. AmerikA était entouré d’une barrière mais l’esplanade à l’extrémité nord de Youngstorget offrait aux passants un excellent panorama sur le GN. Certains sont restés presque toute la durée d’AmerikA à suivre les agissements de centaines de personnages – un genre de théâtre-réalité avant que ne perce la télé-réalité. Personne n’a pensé à interviewer un de ces spectateurs, à se représenter ce qu’était leur expérience, mais on raconte l’histoire suivante : tard dans la nuit, un inconnu est allé à la rencontre des organisateurs aux portes du GN et s’est exclamé: « Je suis tellement épuisé… Je suis resté là à regarder pendant quinze heures… Maintenant il faut que je dorme quelques heures. Mais le premier truc que je ferai demain matin, ce sera de revenir ! »
Mon propre regard sur AmerikA a été à travers le personnage que je jouais, Aronsen, le dealer de produits pourris. Notre boutique, à moi et mes assistants, était un vieil autobus, dont une moitié était à l’intérieur du mur d’enceinte qui entourait AmerikA et l’autre moitié au-dehors. Côté intérieur, nous achetions aux citoyens d’AmerikA des objets que nous trouvions intéressants et les revendions aux chalands à l’extérieur. A l’acheteur on ne disait pas seulement le prix de l’objet, mais aussi son histoire. « _ Ce briquet peut vous sembler vieux et anodin, mais en réalité, il fut utilisé par un jeune homme pour allumer la cigarette d’une jeune femme qu’il venait tout juste de rencontrer et qui, plus tard, devint sa femme. Quant à cette vieille machine à écrire… » Les histoires d’Aronsen étaient toutes vraies et quand il achetait un objet leur prix était déterminé par la valeur des histoires nichées en eux.
 

Une magie de la poussière
La capacité surnaturelle d’Aronsen à percevoir l’histoire des objets était un exemple du « réalisme magique » d’AmerikA : il n’y avait ni sorciers, ni vampires, ni sorts qui faisaient « flash! » ou « bang! » Aucune règle n’était nécessaire pour simuler cette magie. Elle était inscrite dans les personnages et s’exprimait par l’interprétation dramatique et l’improvisation. La magie d’AmerikA se manifestait dans de petits détails, des bizarreries de la nature, des anecdotes. Elle était triviale et cependant symbolique.
La référence la plus proche d’AmerikA on la trouverait peut-être dans les films d’Emir Kusturica. Dans Le temps des gitans en particulier, ni le talent mystique de télékinésie du personnage principal, ni les visitations fantomatiques de sa mère, ne le sauvent d’une vie de crime, de tragédie et de pauvreté. Et pourtant elles illuminent son histoire, lui octroient quelque signification et une sensation d’enchantement. Ainsi étaient les vies des amerikAins: tragiques, pauvres, parfois criminelles mais aussi étrangement signifiantes.

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Projection nocturne d’art photographique. Le prêcheur fou, un des habitants d’AmerikA, avait érigé la croix que l’on voit dans le fond. (photo: Britta Bergersen)

La création des personnages
Les auteurs du GN consacrèrent beaucoup de temps à faire émerger puis à raffiner les concepts des personnages logés au cœur de l’oignon. Ces idées étaient parfois écrites, parfois communiquées verbalement, parfois encore développées par des discussions entre joueurs et auteurs. La création se poursuivit lors d’ateliers d’expression dramatique où chaque personnage se voyait associé à un animal et les joueurs amenés – au moyen d’exercices de théâtre – à faire évoluer le personnage de cet état bestial à l’humain, en empruntant personnalité et langage corporel à l’animal tutélaire.
Chez les bergboer, chaque personnage était unique, personnel et seuls les joueurs en avaient une vision complète. L’individualité et la subjectivité des personnages rendent le travail de documentation difficile, à la différence des GNs « arthaus » 6 finnois et suédois, riches en textes très travaillés . Mais le pur plaisir exploratoire qu’on éprouvait à rencontrer, interagir et comprendre la galerie de personnages d’AmerikA témoigne que ce GN était une réussite authentiquement extraordinaire dans le domaine du role-play et de l’écriture GNistique.
Cependant, à mesure qu’on s’éloignait du cœur de l’oignon, les personnages devenaient de plus en plus minces et génériques. Les gangs Crazy Dogs et The Rats étaient des groupes uniques et bien définis mais les personnages qui les constituaient étaient construits autour d’un archétype commun et devaient être dégrossis par les joueurs. La Real Life Company était définie par des fonctions plutôt que par des personnalité : « Cuisinier », « Guide », « Directeur ». Ces joueurs furent aidés à développer leurs personnages mais jamais, et de loin, autant que les bergboer. Certains groupes, celui des sorcières par exemple, semblait n’avoir été introduit que pour accroitre le nombre des joueurs. Si jamais c’est vrai, c’est peut-être la seule facilité, étonnamment étrangère à l’esprit d’AmerikA, à laquelle a cédé le GN. Cas extrême, les touristes étaient des « touristes », en jeu et hors jeu, sans doute l’archétype le plus simple jamais inventé.
Je me dois d’ajouter que cette structure en oignon n’était ni le fruit d’une coïncidence ni du fait d’une mauvaise conception. C’était la décision consciente des organisateurs de concentrer leur effort de création sur les personnages centraux au détriment des autres, en pensant qu’un excellent role-play des bergboer porterait le GN tant pour les autres joueurs que pour les spectateurs.
Bien que cette hypothèse ait pu être juste, les joueurs s’attendaient pour leur part à une égalité de traitement. D’ailleurs dans leurs retours post-GN, des joueurs non-bergboer se sont plaint d’avoir été négligés ou que leur dramaturgie était plus pauvre.
 

Dramaturgie
Dans tout GN, il y a deux dramaturgies : celle que les auteurs voulaient, la fabula, et l’interaction réelle observée entre les joueurs, le GN réel. Lors d’AmerikA, elles ont divergé à un degré inhabituel. Voici comment, je pense, le GN allait se dérouler dans l’esprit des organisateurs : une foule de chasseurs de trésor devait se jeter sur AmerikA. Ils auraient rencontré les personnages principaux et interagi avec eux. Ceux-ci les auraient soutenus ou se seraient opposés à leurs efforts mais, dans tous les cas, cela aurait généré de scènes de role-play de bonne qualité. Vu qu’il existait plusieurs faux tickets de loterie et qu’au moins un des groupes prétendant être la Commission de la loterie avait des buts autres et sinistres, l’intrigue aurait connu des revirements et des renversements jusqu’à la découverte finale du vrai ticket, marquant la fin du GN. Dans l’intervalle, les intrigues mineures auraient rajouté de la couleur à cette narration. Par exemple, les « The Rats » auraient essayé de s’établir sur le territoire des « Crazy Dogs », les bergboer auraient été distrayant par leur simple personnalité, et la Real Life Company et ses invités auraient tout regardé des coulisses.
Dans le GN réellement joué, le ticket de loterie n’était qu’une histoire parmi plusieurs histoires mineures, qui n’intéressait vraiment que les chasseurs de trésors. Le conflit central du GN réel fut entre les « citoyens » – membres de gangs et bergboer – et la Real Life Company (RLC). L’attitude des citoyens envers la RLC n’avait pas été définie clairement avant le GN mais les joueurs l’interprétèrent naturellement comme hostile. Et à mesure que la Real Life Company organisait des visites du bidonville et se tenait perchée sur le toit du café, se moquant des pauvres mottes en contre-bas, l’hostilité s’accrut.

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Un moment de méditation silencieuse dans le Temple des télévisions abandonnées. Le texte sur le réfrigérateur fait référence à Dieu ainsi qu’à la plus célèbre marque de pizzas de Norvège.

(photo: Britta Bergersen)

L’incident près du temple des télévisions
Le tournant eut lieu le vendredi soir, quand la RLC promena dans AmerikA une équipe (réelle) de télévision avec une star 7 (réelle) de la télé en guise de rite d’initiation (joué) pour la star capricieuse (dans le jeu et dans la vraie vie). Le comportement arrogant de l’équipe de télévision (qui n’était pas joué mais fut interprété comme tel) provoqua les citoyens de plusieurs manière jusqu’à aboutir à une situation quasi-violente lorsque l’équipe de télévision tenta d’entrer dans le Temple des télévisions abandonnées, un lieu saint pour la plupart des bergboer, et se retrouva entourée par une foule furieuse et menaçante. Je considère l’attitude menaçante de cette foule comme l’une des scènes de role-play les plus réalistes que j’ai vues en GN. La foule était intimidante en jeu et hors-jeu, furieuse à la fois en tant que personnages et en tant que joueurs. Lors de cet incident, la frontière qui sépare role-play et comportement réel  fut particulièrement poreuse. Pour sa part, l’équipe de télévision, sans aucun doute, se considérait comme extérieure au jeu. Finalement, l’équipe et sa vedette, choisirent de s’en aller plutôt que de combattre, et le reportage qu’ils diffusèrent ultérieurement finit sur la scène du temple.
 

Le siège du café de la Real Life Company
L’ « incident de l’équipe de télé » fuit suivi de plusieurs autres accrochages et d’une tension constante. L’apogée survint le samedi quand, de la terrasse de leur café, la RLC essaya – en vain – d’apaiser les tensions en tenant un discours aux bergboer. Mi-discours, le café fut violemment envahi par plus d’une vingtaine de citoyens et la RLC a passé le reste du GN retranchée sur la terrasse, en état de siège, réduite à la figure symbolique de l’Ennemi : ceux qui nous avait rejeté ou ceux dont on voulait s’isoler.
Rétrospectivement, il semble évident que la présence de la Real Life Company sur le sol de la société de bannis d’AmerikA devait conduire à un conflit. Mais ce n’était pas l’intention des organisateurs. D’un point de vue dramaturgique, sa fonction était de permettre à des personnages temporaires de rentrer dans le GN . Quant à sa fonction symbolique, c’était de personnifier le contraste entre les riches et les pauvres, les possédants et les dépossédés, les producteurs de déchets et les récupérateurs de déchets. Si ce contraste a débouché sur un conflit, c’est, au moins en partie, à cause d’un de ces petits malentendus qui peuvent avoir de grandes conséquences durant un GN.

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AmerikAins faisant sonner le tambour de guerre sur un vieux tuyau. (photo: Britta Bergersen)

A quel point un contrat irréel est-il réel ?
AmerikA avait une propriétaire : le personnage du « Trash Baron », le Baron des ordures. Elle possédait le terrain sur lequel était bâti AmerikA, dirigeait le commerce de détritus et accordait aux bergboer la permission de s’établir en échange d’un petit loyer et de quelques menus services. Le Baron était le personnage en jeu au statut le plus élevé et on nous avait expliqué que quand le Baron disait « Sautez! », nous sautions. L’intention des organisateurs était que la RLC soit placée sous la protection du Trash Baron et pour le communiquer ils organisèrent un mini-GN au cours duquel la RLC et le Trash Baron s’accordèrent sur les termes de la protection. Un accord fut effectivement trouvé pendant ce jeu et la RLC promit de soumettre à signature un contrat formel au Baron. Cependant aucun contrat ne fut produit dans le temps qui sépara le mini-GN d’AmerikA. Les joueurs de la RLC considérèrent que c’était un événement hors-jeu, que le contrat avait été envoyé, lu et signé sans qu’il soit nécessaire de le jouer. La cour du Baron interpréta l’affaire comme étant en jeu, qu’il n’existait aucun contrat. En conséquence, quand l’étau a commencé à se refermer, la RLC s’est retrouvée privée de la protection du Baron.
Cela soulève la question suivante: les choses se seraient-elles passées différemment si le malentendu avait été évité ? J’en doute. L’incident de l’équipe de télévision était à la marge entre le en-jeu et le hors-jeu, entre personnages et joueurs. Très probablement l’équipe de télévision se voyait comme des observateurs extérieurs, et le comportement interprété comme arrogant et provocateur par les personnages n’était que l’attitude normale de professionnels filmant des personnes qu’ils voyaient comme des acteurs.
Une frontière fut franchie quand les joueurs, considérant que l’équipe de télévision était en jeu, ont exprimé leur hostilité à leur encontre à travers un role-play très physique et réaliste. Sans désobéir à aucune règle formelle du GN, ils avaient affirmé leur droit de décider ce qui était diégétique, un pouvoir traditionnellement dans les mains des auteurs et des meneurs de jeu. De même, les personnages ne désobéirent pas aux ordres du Baron, puisque aucun ordre n’avait été donné, mais c’est sans ambiguïté qu’ils revendiquèrent AmerikA comme leur territoire. Ce fut la traversée du Rubicon d’AmerikA. Au delà de ce point, il n’y avait plus de retour en arrière possible. Je soupçonne que même si le Trash Baron avait annoncé que la RLC était sous sa protection, elle n’aurait pas arrêté la rébellion et qu’elle en serait même devenue une cible.
 

Jouer dans l’espace public
L’aspect le plus innovant revendiqué par AmerikA était que le site de jeu était situé dans l’espace public, ce qui exigeait des participants qu’ils soient à la fois GNistes et acteurs, qu’ils jouent pour eux-mêmes et pour les observateurs. Pour quelles conséquences ?
Mon expérience intime est que ce fut extrêmement exigeant. Dés l’instant où j’ai quitté l’épave de bus, qui était la maison de mon personnage, j’ai senti peser sur moi tous ces regards observateurs. Je ressentais que chaque mouvement que je faisais avait de l’importance (et nécessitait d’être bien exécuté). Je me voyais d’un point de vue extérieur. Ce n’était pas le trac de la scène mais plutôt l’épuisement causé par la réalisation d’une tâche difficile et exigeante conjuguée à une attention constante au rendu du role-play tel qu’il pouvait être perçu de l’extérieur, un effort qui brisait l’immersion.
Plus dur encore que de faire du role-play avec les autres joueurs sous le regard du public, ce fut de faire du role-play avec les clients du Magasin d’Antiquité d’Aronsen. Nous avons trouvé fatigant et au final impossible d’interpréter en role-play nos personnages de fous borderline face à un public qui ne faisait même pas semblant de croire à notre jeu. Par exemple, un éclat de colère, interprété en role-play, pouvait recevoir comme réponse des rires polis de la part d’une cliente pour qui cet éclat était juste une scène amusante et qui ne reconnaissait pas qu’elle venait de se faire insulter par un boutiquier en colère. Le comportement des acheteurs était une négation constante du nôtre. Finalement, nous avons renoncé et fermé la boutique côté extérieur.
 

Acteurs, GNistes et ceux entre les deux
Mon expérience a-t-elle été partagée par tous ? Certainement pas. Beaucoup de joueurs ont ressenti la pression du public, et ont dû, pour gérer cette pression, faire fréquemment des breaks hors-jeu, une pratique habituellement complètement interdite dans les GNs norvégiens. Mais, tandis que certains joueurs, qui en d’autres circonstances étaient de bons joueurs, se retiraient dans l’ombre, d’autres, pas plus expérimentés, furent boostés par cette exposition et excellèrent quand il s’agit de faire du role-play en public. Pour un troisième groupe, la majorité peut-être, faire du role-play en public fut vécu comme fatigant mais pertinent et ce groupe alterna par précaution le jeu en public, le jeu privé et des breaks hors-jeu.
Au final, la somme de ces moments ne constitue pas une expérience de jeu idéale, mais plutôt une succession de petits épisodes où le jeu fut intéressant, séparés par des interruptions hors-jeu. Pour moi, les meilleurs moments ont été des moments de rencontre privé sous les tentes ou dans les cabanes des autres bergboer. Pour un ami plus extraverti, qui jouait Peder P, l’épave bègue qui assistait Aronsen, le point culminant fut un dîner romantique aux chandelles, joué à la vue de tous sur l’espace central d’AmerikA, sur une table faite de déchets, assis sur des vieux sièges de toilettes, au cours duquel son personnage timide et inepte vécut un rendez-vous timide, inepte et hautement attachant avec une femme qu’il appelait « un ange ». Un magnifique moment privé, qui fut vu par des milliers de personnes.

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Un diner romantique façon AmerikA. (photo: Britta Bergersen)

AmerikA a confirmé que faire du jeu de rôles grandeur nature devant un public peut être une expérience signifiante tant pour les joueurs que pour les spectateurs. Mais notre expérience a aussi démontré à l’inverse que les motivations et les talents requis pour prendre plaisir et réussir dans ce type de jeu en public ne sont pas les même que ceux requis pour prendre plaisir et réussir dans un GN ordinaire. Dans les années qui ont suivi AmerikA, j’ai plusieurs fois été témoin d’acteurs de théâtre faisant leur premier GN et s’en retirant, épuisé, après quelques heures de role-play intense. Le défi, pour eux, est semblable au nôtre, mais inversé. Si on peut conclure quelque chose de tout cela, c’est que le « role-play » et le « jeu d’acteur » sont des modes de comportement distincts et ne sont pas des sous-classes l’un de l’autre.

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Un joueur/personnage se reposant hors des feux de la rampe. (photo: Britta Bergersen)

Qu’est-ce qui amène certains joueurs à adopter un style de role-play « scénique » et d’autres non ? Ces talents peuvent-ils être appris ? Peut-on concevoir des GNs de façon qu’ils soient agréables à la fois pour les spectateurs et les joueurs, ou doit-il toujours y avoir un compromis ? Hélas, AmerikA ne nous donne pas assez d’information pour apporter une réponse claire à ces questions, hormis que ce sujet reste problématique.
 

Des retours tous azimuts
Un bidonville surréaliste en plein centre d’Oslo: à coup sûr un piège à média ? Oui et non. A dire le moins, la couverture médiatique fut décevante. Peu de journaliste ont pris l’évènement au sérieux. Ceux qui furent envoyés ont traité le sujet superficiellement et la seule couverture significative consacrée au GN vint de l’émission déjà mentionnée «  Nytt på nytt », une émission télé satirique plutôt médiocre.

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AmerikA vu de la terrasse qui domine Yougstorget (cliquez sur l’image pour l’afficher en grand) (photo: Britta Bergersen)

Le plan média méticuleusement préparé, fondé sur un échange entre exclusivité et couverture de qualité, se désagrégea avant que le GN ne commence. Quelques journalistes mirent la main sur trois volontaires qui avaient pris part aux travaux de construction. Ils obtinrent d’eux quelques rapides déclarations ainsi que des photos et ils éventèrent l’évènement. Ce qui lui ôta tout intérêt pour le reste des médias. Et au  final, la trace laissée par AmerikA dans les registres et la presse n’est pas à la hauteur de celle – bien réelle – qu’il a laissé sur la cité d’Oslo.
Mais qu’en est-il des joueurs ? Une explication à l’obscurité relative d’AmerikA pourrait être qu’il n’était pas particulièrement agréable à jouer. Comme toujours, les retours de joueurs sont inégaux. Quelques participants ont rapporté avoir vécu une expérience très intense. Cependant, la plupart des retours, les rares par écrit, et les nombreux que j’ai entendus, étaient mitigés. Même si les organisateurs ont été salués pour leurs efforts, les paroles « meilleurs »,  « GN », « de tous les temps » – très souvent prononcées même après des GNs médiocres – sont ostensiblement absentes des retours sur AmerikA. Si les bergboer étaient en général satisfaits – pas toujours enthousiastes d’ailleurs – ce n’était pas un sentiment partagé par plusieurs des enveloppes externes de l’oignon.
Le conflit contre la Real Life Company était important pour les bergboer, mais a dégradé la qualité du GN pour les joueurs de de la RLC, qui ont passé la majeure partie du temps à observer le jeu, retranchés sur le toit de leur café, rendus incapables d’accomplir les activités qu’ils avaient envisagées avant le GN. Après que le GN eut commencé, les joueurs qui avaient reçu des personnages temporaires ont réalisé qu’ils n’étaient ni importants ni particulièrement les bienvenus et se sont peut-être sentis injustement traités. On s’est plaint également, et ça ne venait pas que d’un seul groupe, que les intrigues laissaient les joueurs avec trop – ou à l’inverse pas assez – à faire.
Beaucoup de personnages d’AmerikA étaient profonds, complexes et bien définis, mais la dramaturgie et les structures sociales reproduisaient de vieux clichés de GN, bâtis sur des conflits simples (« le Groupe A et le Groupe B sont des ennemis éternels ») et des enquêtes classiques (« quelqu’un a trouvé le ticket de loterie/l’anneau de pouvoir/la babiole magique, mais qui ? Tout le monde n’est pas qui il prétend être »). Ces intrigues finissaient souvent par se concentrer sur quelques personnages ou groupes, laissant l’impression d’un grave déséquilibre dans la répartition du jeu. Sur le plan esthétique ce fut, pour citer un artiste qui franchit l’enceinte d’AmerikA et se joignit au jeu, « le truc le plus génial dans l’art norvégien depuis Munch ». Mais, en tant que GN, en tant qu’expérience de role-play, il ne fut pas particulièrement mémorable.
Le projet politique d’AmerikA fut aussi raillé dans un post moralisateur sur le forum du site laiv.org :
« Combien d’entre nous sont allés à Prague ? Combien sont restés pour nettoyer les déchets ? Combien de couverts en plastique a-t-on utilisé pendant le GN ? Combien de personnes continuent à boire du Coca Cola ? Combien ont vu les ordures dont ils sont eux-mêmes constitués ?
Ces chiffres nous diraient à quel point c’était bien. Et à ce que j’ai vu jusqu’à maintenant, nous n’avons pas fait un seul pas en avant ».
Cette critique, adressée aux autres joueurs autant qu’aux organisateurs, est instructive. Elle montre à quel point le consensus est mince. Des joueurs ont critiqué AmerikA et se sont critiqués entre eux car leurs attentes – que tout opposaient – avaient été déçues. Ce n’était pas un assez bon GN ou ce n’était pas un assez bon spectacle. Il n’a pas tenu ses promesses d’une construction novatrice des personnages ou, à l’inverse, il était trop novateur et difficile à jouer. Il n’y avait pas assez d’  « intrigues » ou il n’aurait dû y avoir aucune « intrigue ». Il était trop politisé, il n’était pas assez politisé. Chaque participant, chaque organisateur, avait construit son propre fantasme d’AmerikA. La communication pré-GN était bien écrite mais ambiguë, si bien qu’il était facile pour les joueurs de projeter leurs attentes personnelles sur le jeu. Au final, l’accomplissement de n’importe lequel de ces rêves se serait fait au détriment des autres.
 

« Comment en est-on arrivé là? »
L’idée initiale d’un mega-GN tenu en plein centre d’Oslo, qui aurait eu des vertus transformatrices par ses qualités artistiques et politiques, était irréalisable avec les ressources limitées accessibles aux fondateurs du réseau Weltschmerz. A mesure que le projet avançait, et qu’ils rencontraient des obstacles de plus en plus difficiles à dépasser, les initiateurs durent céder des parts de leur vision pour avoir une chance de la réaliser.
Quand les ressources humaines ont manqué, on a embarqué de plus en plus de monde et on leur a donné l’autorité de prendre toutes les décisions dans leur domaine. La dramaturgie bancale d’AmerikA
a sans doute pour origine que les auteurs des personnages ne s’accordaient pas sur ce qu’était un « bon personnage » et une « bonne intrigue ». N’importe laquelle de ces dramaturgies idéales auraient fonctionné, mais pas le méli-mélo final de dramaturgies et de styles individuels.
Les plus grands sacrifices ont été consentis pour sécuriser le financement du GN. Aux éventuels partenaires commerciaux, AmerikA fut vendu comme un grand spectacle, alors que les groupes politiques furent assurés de sa pertinence en tant que protestation contre le consumérisme et les inégalités et on rassura les artistes qui œuvraient comme scénographes sur la pureté artistique du projet. Quant au large groupe des joueurs d’Oslo, il leur fut vendu comme une gigantesque promotion du jeu de rôles grandeur nature. C’est ainsi que furent trouvés les joueurs-payeurs et les volontaires, et les deux catégories étaient nécessaires pour équilibrer les comptes, mais ce fut fait en atténuant les aspects artistiques et politiques du projet. Ainsi pour s’adapter au large groupe de GNistes qui soutenaient AmerikA, on retira de la stratégie médiatique toute mention à l’art et à la politique. Mais comme me l’avoua un organisateur quelques semaines avant le GN : « On se prostitue pour toute personne qui peut nous apporter de l’aide, si minime soit-elle ».
Les choses en seraient allées différemment si AmerikA avait obtenu ne serait-ce qu’une seule grosse subvention ou le soutien d’un seul gros sponsor assez tôt dans le projet. Ça aurait au moins libéré les organisateurs principaux de la corvée de collecter des fonds. Ils auraient été libres alors de se concentrer sur la préparation effective du GN. Mais les principaux bailleurs de fonds de l’art et de la culture norvégienne ont repoussé les demandes envoyées par AmerikA et le budget final a dû être assemblé à partir d’un nombre vertigineux d’autres sources.
 

Juger le tas de déchets
Après les chapitres précédents, il est tentant de conclure qu’AmerikA fut un échec, au mieux un GN médiocre. Cependant la mesure d’une pièce de théâtre n’est pas le plaisir ressenti par les acteurs à la jouer. Est-il alors juste de juger un spectacle comme AmerikA en discutant de la qualité des « personnages » et des « intrigues », en se fondant sur l’étalon de « l’expérience du joueur » ?
Lorsque j’ai résumé les retours, j’ai laissé de côté un groupe : les observateurs. Qu’ont-ils retiré du GN ? Comme nous ne connaissons pas leurs noms ni le moyen de les contacter, nous ne pouvons pas le savoir. Mais qu’est-ce qui les a conduit à rester perchés sur le balcon un week-end entier, sous la pluie, dans le froid et l’obscurité, pour nous regarder jouer ? Sûrement qu’ils ne regardaient pas un échec.
AmerikA a essayé de réussir en tant que GN, manifestation politique et projet artistique et je pense qu’il a réussi admirablement au moins deux de ces objectifs. Comme GN, certainement il n’était pas sans défaut, mais les GNs innovants ne sont jamais parfaits. Le récit du projet (des organisateurs en lutte avec l’impossibilité de leurs ambitions) est similaire à ceux de Kybergenesis, Trenne Byar, Futuredrome et Dragonbane. Les deux premiers sont généralement considérés comme des jalons importants respectivement pour les GN arthaus norvégien et la fantasy suédoise. Seuls la période et le hasard les distinguent des deux derniers, qui ont laissé des témoignages plus nuancés.
AmerikA a peut-être été une expérience de jeu imparfaite mais il a aussi été, et beaucoup de joueurs le disent, une grande expérience : celle de vivre, trois jours durant, dans ce monde d’ordures, magique et palpitant. L’Art, la Découverte et l’Émerveillement à tous les coins, chaque personne que l’on rencontrait porteur d’histoires fascinantes. Aurait-on laissé tombé toute prétention au role-play, l’aurait-on annoncé comme un festival à la « Burning Man » au centre d’Oslo, est-ce qu’il aurait été mieux perçu pour autant ? Oui sans doute. Mais « Amerika le festival de trash art » n’aurait jamais eu lieu sans les ressources du milieu GNistique . Et sans le role-play, je pense que ça aurait été un événement plus terne.
En tant qu’œuvre d’art, en tant que spectacle esthétique aux significations multiples (offertes à l’observation et peut-être à l’interaction), je pense pouvoir affirmer que ce fut un succès, et que ce succès n’a été rendu possible que parce que c’était aussi un GN avec des ambitions politiques.
Quand je résume les retours des joueurs, il faut aussi garder à l’esprit que la plupart de ceux-ci n’ont jamais posté de critique, et que la plupart des retours étaient étrangement incomplets, oscillant entre éloges et critiques, discutant de détails mais ignorant le tout. Les conversations IRL m’ont laissé le même sentiment : qu’il manque quelque chose de central à notre évaluation d’AmerikA. Nous nous demandions si AmerikA avait été un bon ou un mauvais GN, et clairement il fut les deux à la fois, mais la question dont nous voulions vraiment discuter était en fait : « Quel était le sens à tout cela ? »
 

Héritage et prophétie
Avec huit années de recul, je peux essayer maintenant de répondre à cette question, et dans le même temps estimer si AmerikA fut une réussite en tant que projet politique.
« Combien d’entre nous sont partis pour Prague? » demandait le critique moralisateur, et il faisait référence aux manifestations anti-FMI et anti-Banque Mondiale qui se produisirent une semaine après AmerikA. Ces manifestations étaient l’extension européenne d’un mouvement anti-mondialisation qui avait touché l’occident lorsqu’un agrégat hétéroclite de syndicats, d’anarchistes et de militants pour l’environnement firent dérailler la réunion de l’OMC à Seattle. C’était à l’automne 1999. AmerikA était alors encore dans les cartons.
Et bien que peu d’amerikAins soient partis pour Prague, beaucoup ont rejoint le mouvement à l’automne 2000 et au printemps 2001 et sont devenus des membres fondateurs et des activistes acharnés des branches norvégiennes d’Attac, d’Indymedia 8 et d’Adbusters. A l’été 2001, pendant les manifestations contre la réunion des ministres de l’UE, je marchais avec quelques amis GNistes dans les rues de Göteborg : les boutiques étaient toutes fermées, des hélicoptères de la police volaient au-dessus de nos têtes, et nous nous sommes fait la réflexion que c’était comme un GN. Que c’était comme AmerikA.
Derrière ces éclats de protestations agressives il y avait un optimisme empli de colère. Les sujets d’opposition du mouvement anti-mondialisation n’étaient pas nouveaux. Ce qui l’était c’était le sentiment qu’il était temps de faire quelque chose à leur sujet. L’âge des guerres froides et des despotismes locaux étaient achevés, et il était maintenant temps de diriger son attention vers des sujets placés un peu plus haut dans l’échelle morale. Les punks de Seattle, les sans-terres brésiliens, les fermiers coréens livraient la même bataille optimiste et furieuse que les citoyens d’AmerikA se débarrassant de la Real Life Company. Ce n’était pas un combat pour l’argent, les ressources ou l’idéologie mais plutôt pour un mode de vie. C’était combattre pour le droit d’être pauvre et de se gouverner soi-même, même imparfaitement, plutôt que rejoindre la classe moyenne et être un esclave.
En ce sens, en préemptant  le mouvement mondial pour la justice qui n’arrivera complètement en Norvège que quelques mois plus tard, en partie avec l’aide de GNistes radicalisés, AmerikA se révéla prophétique et une prophétie auto-réalisatrice
Est-ce qu’AmerikA a influencé notre activisme ? Peut-être. Si le but d’AmerikA avait été de manipuler les joueurs pour qu’ils adoptent certaines opinions politiques, il aurait admirablement réussi. Mais, comme je l’ai déjà dit, la vision du GN et son contenu étaient tellement ambigus que prétendre qu’il y avait une volonté de manipulation est une hypothèse qui ne tient pas. Disons plutôt qu’AmerikA est devenu une discussion politique par d’autres moyens, un endroit où les thèmes militants, esthétiques et philosophiques des nouvelles politiques furent rassemblés puis digérés par les joueurs, chacun à travers le prisme de ses propres apports et conclusions. AmerikA c’est là où nous nous sommes rencontrés, où ces idées se sont rencontrées, et où elles ont quitté l’état d’abstraction pour s’incarner dans le monde réel.
On pourrait dire aussi qu’AmerikA était prophétique et une prophétie auto-réalisatrice pour une autre raison:  par sa proclamation, haut et fort, que le GN émergeait comme une forme d’art supérieure et participative. Lorsqu’en 2008 pendant la cérémonie des Emmy Awards 9 l’auteur de GN suédois devenu producteur de jeux pervasifs Martin Ericsson cria « Fuck le divertissement passif », il paraphrasait un slogan qui était apparu pour la première fois sur des posters d’AmerikA huit années plus tôt.
 

De l’optimisme furieux au pessimisme battu
Le mouvement anti-mondialisation ou pour « la justice mondiale » existe toujours. Mais il a perdu sa dynamique, son optimisme et sa foi en son inéluctabilité lorsque deux avions se sont écrasés à New-York en septembre 2001 et que le climat politique mondial a changé. La vision de l’Amérique qui se reflétait dans la Real Life Company, celle d’une technocratie bien-pensante, oppressante seulement dans sa croyance que le consumérisme et la villa résidentielle étaient le droit inaliénable et le devoir de toute l’humanité, a été remplacé par l’image d’un géant blessé, ivre de vengeance dans sa chute. Les années récentes ont montré que l’Europe des guerres civiles, du nettoyage ethnique, d’une bureaucratie déshumanisante – illustrée dans le GN Europa – était bien plus plausible que l’optimisme furieux d’AmerikA.
Je pense que c’est la raison pour laquelle nous ne parlons pas d’AmerikA. Chaque jour les nouvelles nous rappellent Europa (des réfugiés se noient dans le détroit de Gibraltar, des neo-nazis lancent des cocktails Molotov sur une salle de prières), ou 1942 (des tanks rentrent dans Tskhinvali, des bombardiers survolent Bagdad) ou la douzaine d’autres GNs,  sombres, brutaux et guerriers, qui ont été joués dans les années qui ont précédé et suivi AmerikA.
Mais quant à AmerikA: l’aperçu bref, imparfait et agressif qu’il a offert d’une Utopie autonomiste, d’un lieu où la dignité s’habillerait de guenilles et où la Real Life Company pourrait être battue; cette vision était si fragile et éphémère que nous ne pouvons pas y repenser sans que, plein d’embarras, nous nous sentions naïf.
Finalement, je propose qu’AmerikA mérite qu’on le garde en mémoire pour ceci : nous avons eu assez de tragédies et de dystopies, tant en GN que dans la vraie vie. Fuck l’art passif ! Il est temps de ressusciter la magie qui existe dans le réel.

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1 Réunion annuelle consacrée au GN organisée alternativement en Finlande, Suède, Norvège et au Danemark. Un recueil d’articles sur le GN est publié à cette occasion. (NdT)
2 On ne discutait pas trop à l’époque des problèmes éthiques posés par ce style d’écriture manipulatrice. A notre décharge, au moins les « visions sur le monde radicalement modifiées » n’étaient pas celles des organisateurs.
3 Théâtre environnemental (environmental theater) : définition large pour toute pièce non jouée sur une scène traditionnelle, que ce soit dans un lieu public, avec des interventions parmi les spectateurs, etc. (NdT)
4 Net.art: « désigne les créations interactives conçues par, pour et avec le réseau Internet, par opposition aux formes d’art plus traditionnelles transférées sur le réseau. »   Source: Wikipedia  (NdT)
5 Le mot norvégien « bergboer » se traduit mot à mot par « habitant des montagnes » et peut s’appliquer à quiconque vit sur ou dans une montagne. Il a des connotations folkloriques puisque les trolls sont réputés vivre à l’intérieur des montagnes. « Bergboer » est le singulier, « bergboere » le pluriel indéfini et « bergboerene » le pluriel défini. Dans l’article, j’ai utilisé « bergboer » comme forme plurielle.
6 Arthaus: terme inventé par Eirik Fatland pour désigner les GNs de style nordiques. Voir son article « Knutepunkt and Nordic Live Role-Playing : a crash course » pour plus de précisions. (NdT)
7 La star en question est la comédienne Anne-Kay Hærland, qui était alors la présentatrice de l’émission Nytt på nytt sur la NRK, la télé publique norvégienne.
8 Indymedia: « Indymedia (ou IMC pour Independant Media Center) est un média alternatif sous forme de réseau de collectifs indépendants dont l’objectif déclaré est d’assurer à tous la liberté de créer et de diffuser de l’information, en publication ouverte et avec modération a posteriori. » Source: Wikipedia (NdT)
9 Equivalent pour la télé américaine de ce que sont les Oscars pour le cinéma (NdT)

 

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Eirik Fatland

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5 réactions à Excavating AmerikA

  1. Je ne sais pas si c’est l’approche de ce GN que je trouve romantique à un niveau ultime, les photos très chouettes ou la traduction qui passes si bien, mais cela donne grave en vue de faire un
    voyage dans le passé pour découvrir ce monde merveilleux de déchets…

    Hervé

  2. Instructif ! Merci !

  3. comme Hervé. c’est bancal, irréfléchi, risqué, pas forcément “ludique”, improductif. j’adore. ça ouvre un débat (potentiellement trollesque) sur le potentiel expérimental et social du GN, par
    opposition à sa vocation naturelle de jeu/divertissement. 

  4. Merci pour avoir traduit cet article passionnant, qui ouvre une multitude de questionnements !

  5. merci pour la traduction de cet article, c’était vraiment fascinant, je ne pensais pas qu’un truc pareil avait pu voir le jour, et ce il y a 10 ans. ça donne vraiment envie

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