Du GN immersif

Publié le lundi 27 août 2012 dans Articles,Dossier

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Cet article est la première partie d’une conférence qui a été donnée pour la première fois aux RéGNiales de Nantes le 24 mars 2012.

Le sujet de cette conférence est né d’une étrange constatation : un grand nombre de GN aujourd’hui en France communiquent autour de l’immersion. Le terme semble parler à tout le monde, pourtant il me semble que le phénomène mériterait d’être étudié.

Il se trouve en fait que l’immersion préoccupe tous les théoriciens du GN (et même du jeu de rôle) et que ceux-ci ont beaucoup écrit sur le sujet. On se souvient d’ailleurs des deux articles de Vincent Choupaut publiés il y a quelque temps sur ce blog.

L’immersion a même pris tellement de place dans la conception du GN que certains joueurs et organisateurs s’en revendiquent absolument. Certains nordiques ont d’ailleurs inventé le terme d’ « immersionnisme » qui représente pour eux un courant spécifique dans la pratique du GN.

L’immersion semble un élément tellement important quand on fait et parle du GN aujourd’hui, qu’il ne semble pas inutile de revenir encore dessus. Pour comprendre un peu mieux ce phénomène, nous allons commencer par les bases, c’est-à-dire définir ce qu’est l’immersion, on va se rendre compte d’ailleurs que la définition n’est pas si simple à établir, et suite à cette définition nous allons réfléchir à la façon dont les organisateurs de GN parlent d’immersion et se demander s’il ne faudrait pas en parler différemment.

immersion-scenario-gn.png

L’immersion, c’est quoi ?

Les définitions ne faisant jamais de mal, voici quelques unes des définitions de l’immersion. N’en déplaise à leurs détracteurs ces définitions viennent surtout de chez les nordiques qui ont le mérite d’écrire leurs réflexions plutôt que de se contenter d’en parler avec leurs potes autour d’une bière.

Mais commençons avec un américain. Selon Ron Edwards, « l’immersion est le sentiment d’être possédé par le personnage » (2001). Petter Bøckman écrit, lui, qu’« un immersionniste n’essaye pas simplement de jouer d’une manière qui serait crédible. Il essaye de faire ce qui arriverait réellement, en essayant de se mettre dans la peau de son rôle. Bien sûr, il est impossible de ressentir parfaitement ce qu’une autre personne ressent, mais c’est ce que l’immersionniste recherche ». Nos amis du Manifeste de Turku, dont on a déjà parlé ici, écrivent que « les immersionnistes ont pour but de devenir leurs personnages, de tout vivre à travers le personnage ».

Avec ces quelques définitions, on voit bien que l’immersion est traditionnellement liée au personnage. Un joueur va considérer qu’un jeu de rôle grandeur nature est immersif s’il est parvenu à vivre à fond son personnage. On peut d’ailleurs noter la particularité du « GN blues », où l’on voit fleurir sur Facebook des commentaires de joueurs qui sont encore dans leur personnage. Plus les statuts « GN blues » durent longtemps, plus le GN était immersif.

À partir de cette définition de l’immersion, de (très) nombreux auteurs de GN se sont dits que l’immersion était le Saint Graal et qu’il fallait l’atteindre pour faire un bon GN.

L’immersion est à la mode

C’est sans doute pour cela qu’on a pu lire de plus en plus de présentations de jeux qui mettent en avant l’immersion. Pour que ce soit plus parlant, voici quelques exemples pris au hasard de jeux qui ont publié une preview sur electro-GN et qui ont mis en avant l’immersion (les citations proviennent directement des Preview, souvent en réponse à la question « S’il fallait parler de votre jeu dans une critique electro-GN, quel angle faudrait-il aborder ? ») :

–       Azkaban, Rôle (GN carcéral) : « Notre objectif est de vous faire vivre des émotions aussi fortes et variées que possible, auxquelles les joueurs doivent être préparés et réceptifs. L’immersion est notre maître mot : là aussi, nous attendons que chacun joue le jeu, et nous punirons le hors-jeu par un baiser de Détraqueur. »

–       Jour de la Venue (Brume), Clepsydre (GN médiéval fantastique) : « Pour développer, nous nous attachons à bannir le hors-jeu, y compris pour les organisateurs et PNJ, à créer une ambiance forte, des Havreterres hautes en couleurs, de l’aventure, des scènes riches en émotions, des personnages intéressants et contrastés, du suspense, et de la pression. ». « De l’immersion, de l’ambiance, du role-play dans un univers qui ne ressemble à aucun autre, et qui ne dévoile pas ses mystères au premier coup d’œil »

–       Les chroniques de Trax (Star Wars), ReNainSsance (un GN SF Pulp) : « L’immersion semble être le maître mot de nos GN, le but est que les joueurs se disent qu’ils sont sur une planète lointaine et qu’ils doivent laisser gagner le wookie. Le soin apporté aux décors n’est pas la seule raison de l’immersion, mais également la qualité des costumes et de l’interprétation des personnes. Nous fournissons un background détaillé pour que chaque joueur connaisse suffisamment l’univers et puisse s’en imprégner, nous essayons d’intégrer au maximum les backgrounds des personnages au contexte et le plus souvent possible au scénario. »

–       Celtika, Celtika (un GN celtique) : « Avant tout, c’est l’immersion du joueur dans le jeu que nous recherchons, de flouter la réalité. On ne vend pas du combat à l’épée non stop ou des boules de feu. On recherche une tranche de vie, palpitante et fourrée d’intrigues certes, mais réaliste avec les moyens du GN… »

–       Tempus Fugit, Joyeux Chaotiks (un GN Renaissance uchronique) : « Notre volonté est de plonger le joueur dans un univers immersif dont il ressortira avec l’impression d’avoir vécu une expérience de qualité. Mais ce n’est pas à sens unique et le joueur devra aussi être le moteur de ses envies, avoir une capacité d’implication personnelle, une logique de jeu intelligente et un roleplay pertinent et de tous les instants. »

Tous ces jeux ont donc un point commun : ce sont des jeux immersifs. Pourtant à première vue, il me semble que le joueur qui cherche de l’immersion dans le GN ne sera pas forcément attiré à la fois par un carcéral et par un médiéval-fantastique. Ou l’amateur de GN celtique ne sera pas forcément attiré par un Star Wars.

Plus que ça, il me semble aussi que l’immersion que je vais aller chercher, en tant que joueur, dans un Star Wars, ne sera pas forcément du même type que dans un GN Renaissance. Du coup, qu’est-ce que ça veut dire tout ça ? Au fond c’est quoi un GN immersif ? Est-ce que le terme peut vraiment servir à différencier ce GN d’un autre et m’aider à savoir si je dois m’y inscrire ?

Nouvelle définition ?

Reprenons un exemple déjà donné par Vincent à propos de l’immersion, qui me semble parlant. Imaginons un groupe d’organisateurs qui ferait la présentation de GN suivante :

« Le concept de ce GN est de jouer des naufragés échoués sur une île déserte. Les personnages forment donc un petit groupe qui essaie de survivre sur l’île, en attendant d’être secouru. On voudrait que ce jeu soit super immersif, que les joueurs soient à fond et vivent quelque chose de très fort. »

Fort bien… mais dans la tête de mon organisateur, qu’est-ce que ça veut dire ?

– On va jouer sur une vraie plage en plein cagnard ?

– On va avoir des épreuves de survie type Koh Lanta : devoir faire du feu, se construire un abri, chasser pour trouver sa nourriture, etc. ?

– Avec les autres naufragés on va devoir s’instituer en micro société en organisant son fonctionnement ?

– On va vraiment passer par toutes les phases psychologiques par lesquelles peut passer un naufragé : espoir, folie, peur, résignation, etc. ?

– On va se retrouver face à des aventures fantastiques du type de la série Lost avec des supers effets flippants et on va y croire ?

– Il n’y aura pas de règles et je vais devoir tout expérimenter comme un vrai naufragé ?

Tout de suite, nous voyons bien qu’il y aurait plein d’orientations au jeu qui seraient tout autant immersives, et pas forcément compatibles entre elles. Pourtant, tous ces exemples sont immersifs, sans aucun doute. Mais est-ce que chaque cas plaira à n’importe qui ? Probablement pas. Du coup est-il judicieux de se contenter de parler d’immersion ? Se concentrer sur les moyens d’obtenir l’immersion ne serait-il pas préférable au fait de se concentrer sur l’immersion en elle-même ?

Nous sommes un peu coincés. Est-ce que les définitions que l’on a présentées tout à l’heure ne sont pas trop restrictives ? Ça tombe bien, un héros du GN nordique (encore eux !) a écrit un article fort intéressant sur l’immersion, qui a trois niveaux selon lui. Vincent vous avait déjà encouragé à lire cet article précédemment, je vous le conseille aussi : http://ptgptb.fr/theorie-des-niveaux-d-immersion-multiples/

Ce qu’Harviainen nous dit, dans sa théorie des niveaux d’immersion multiples en GN, c’est qu’il n’existe pas un type d’immersion, mais trois, et ce dans tous les GN :

–       l’immersion dans le personnage

–       l’immersion dans l’univers de jeu

–       l’immersion narrative

En gardant mon exemple de GN Naufragés, je vois déjà que je peux donner différentes orientations à mon GN, qui vont toucher plus particulièrement l’une ou l’autre de ces immersions :

=> Si je veux que ce soit l’immersion dans le personnage qui prime, je vais écrire une backstory riche, avec de longues fiches de personnages qui vont détailler des personnalités complexes et suffisamment fournies pour que le joueur sache intuitivement comment son personnage réagirait en cas de naufrage et n’ait plus qu’à se laisser porter.

=> Si mon moteur en tant qu’orga, c’est plutôt l’immersion dans l’univers du jeu, alors je vais développer l’environnement de mon île : Où se trouve la nourriture que mes joueurs vont devoir trouver, développer la tribu indigène que vont rencontrer mes joueurs, etc.

=> Si je souhaite surtout raconter l’histoire de ces naufragés qui vont vivre différentes épreuves avant d’être finalement sauvés, je vais élaborer une succession d’événements qui vont générer la/les fin(s) que je souhaite voir advenir.

On voit déjà que l’immersion est un peu plus complexe qu’il n’y paraît. Ça se corse encore plus quand Harviainen parle des joueurs et établit une typologie où l’on voit bien que tous les joueurs ne sont pas attirés à égalité par tous les types d’immersion.

Nous n’allons pas revenir précisément sur cette typologie ici (allez lire l’article !), mais voici quelques exemples de situations de jeu où l’on voit bien que différentes approches de jeu (aussi immersives l’une que l’autre) peuvent rentrer en conflit et poser des problèmes si tous les joueurs ne sont pas sur la même longueur d’onde et en accord avec l’immersion proposée par le jeu.

gn-cthulhu-immersif.png

Dans un scénario de jeu années 1920 qui va se transformer en Chtulhu au milieu de la nuit, je peux réagir tel que j’imagine que mon personnage réagirait devant l’apparition du surnaturel, par exemple en le rejetant totalement, ou en restant prostré seul dans une pièce pendant des heures, mais en tout cas sans chercher à me raccrocher au scénario ou à une nouvelle ambiance recherchée. Mon immersion consiste alors à me plonger dans mon personnage et à le vivre quels que soient les événements extérieurs.

À l’extrême opposé, je peux aussi utiliser l’apparition du surnaturel comme nouvel élément pour avancer dans le jeu. Je peux chercher à me plonger dans cette nouvelle ambiance en suivant l’évolution de l’histoire, quitte à mettre de côté d’éventuels états d’âme de mon personnage sur lesquels je ne vais pas m’attarder. Mon immersion nécessite, dans ce cas, que je puisse adapter mon personnage à de nouvelles situations pour mieux profiter de l’ambiance et du scénario.

cowboy-gn-immersif.png

Autre exemple, mon personnage est un cow-boy qui doit venger le meurtre de ses parents. Je peux réfléchir à toutes mes actions en fonction de cette histoire de vengeance, et chercher à vivre les scènes les plus intéressantes et les plus fortes de cette histoire. Je vais adapter les actions de mon personnage et la logique de l’univers à ce qui me semble être le scénario le plus fort. Si je mets la main sur le meurtrier au début du jeu, je préférerai par exemple lui laisser sciemment l’occasion de s’échapper, pour me maudire ensuite de ne pas avoir fait attention, et tenter à nouveau de le retrouver. Dans la scène finale, je choisirai éventuellement de tuer un innocent d’une balle perdue afin que mon personnage ait des remords et regrette de s’être laissé aller à un bain de sang. Là, je chercherai à provoquer les scènes qui créeront pour moi l’immersion la plus forte.

À l’inverse, je peux aussi essayer de me plonger dans mon personnage et dans l’ambiance de l’univers, pour agir de la façon la plus logique possible par rapport à ces deux éléments, et je ne tiendrai pas compte des évolutions possibles de l’histoire. Dans ce cas-là, je tuerai tout de suite le meurtrier de mes parents si je mets la main sur lui au début du jeu, car j’aurai besoin d’être en accord avec mon personnage et l’univers pour être immergé.

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Mon personnage est un banquier sans scrupules à l’époque victorienne. Dans ma fiche est décrit en détails mon plan pour gagner plus d’argent en ruinant la famille chez qui je suis invité. Au cours du jeu j’apprends que le fils de la famille est en fait mon enfant naturel et il essaye de me convaincre que ces gens sont gentils et que je ne dois pas les ruiner. Je peux m’immerger dans ce personnage de salaud que j’ai élaboré à partir de mon back, en le nourrissant des aspects de la société victorienne. C’est l’univers du jeu qui va déterminer ma réaction, dans le cas présent mon fils a beau essayer de me convaincre, je vais trouver plus intense pour mon personnage de rester un salaud et de ruiner tout le monde. Cependant une caractérisation de personnage amenant plus d’ambivalence dans le personnage ou encore un univers avec des codes moins stricts peuvent me faire changer de point de vue.

Avec une approche différente de l’immersion je peux aussi jouer un salaud et me concentrer sur ce jeu, peu importe ce que je pourrai découvrir en jeu. Qu’on soit dans une société victorienne, en Chine médiévale, ou en 2012, ma façon de m’immerger se concentre sur la personnalité du personnage et l’environnement a assez peu d’importance.

D’un autre point de vue, je peux aussi me servir de l’univers (société victorienne) et de la narration (« mon dieu, je découvre que j’ai un fils et il est amoureux de la fille que je vais ruiner, je ne peux pas faire ça ! ») pour établir les réactions de mon personnage. De ce point de vue je peux très bien juger que face à cette situation nouvelle, mon personnage va avoir un cas de conscience et refuser de ruiner tout le monde.

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Je joue un sportif de haut niveau dans une compétition. Il se dope. Pour être vraiment immergé dans le jeu, je me dis que le plus intéressant serait que je m’arrange pour qu’on découvre que je me dope, en résulteront de nombreuses scènes qui apporteront une tension dramatique à l’histoire que je vis.

Si mon approche immersive est différente, je peux aussi avoir tendance à évaluer, en fonction de l’univers (c’est-à-dire la compétition sportive) et de la narration la façon dont mon personnage réagirait. Je peux tomber du même avis que précédemment, ou au contraire trouver plus logique que mon personnage fasse tout son possible pour cacher qu’il se dope, ce qui va générer, pour lui, des scènes intéressantes.

Si mon trip immersif, c’est plutôt de jouer le personnage, avec ce sportif qui se dope, je vais faire en sorte qu’il reste une star, même s’il passe par des moments difficiles. Je vais vivre ce personnage à fond avec la peur que son secret soit découvert, avec toute la pression de la compétition, sans vraiment accorder d’importance au reste (univers et narration).

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Mon personnage est un geek loser au bal de promo du lycée, il est amoureux de Kelly la pom pom girl qui n’en a rien à foutre de lui. Kelly est accompagnée au bal par Jason qui a trop bu et qui devient violent avec elle. En fonction de l’immersion que je vais privilégier, je ne vais pas agir de la même façon :

– Je vais juger que même si je vais très probablement me faire latter par Jason, pour que l’histoire soit forte, il faut que j’aille m’interposer. Mon perso va se faire péter la gueule, mais ça va générer pleins de scènes intéressantes dans l’histoire : Kelly va me soigner et peut-être m’embrasser, les potes de Jason vont peut-être venir me menacer plus tard dans le jeu en guise de représailles, tout un potentiel de scènes fortes à vivre.

– Je vais réagir de la façon la plus logique pour mon personnage en fonction de l’univers du jeu (c’est le bal de promo du lycée et je suis invisible pour la plupart des personnages) et de l’histoire (je suis amoureux de Kelly, j’ai enfin l’occasion de briller à ses yeux), je peux donc décider qu’il est logique pour mon personnage de s’interposer, parce que ce sera enfin l’occasion pour lui de briller. Je peux aussi décider de mettre en place un plan machiavélique avec mes potes geek pour ridiculiser Jason, mais en tout cas, l’éventuelle peur de se battre de mon personnage ne va pas intervenir dans ma décision.

– Je suis immergé à fond dans mon perso de geek loser qui a peur d’affronter Jason le quaterback. Je suis cette ligne de conduite quoi qu’il arrive. Du coup, ça ne va pas me sembler très logique d’intervenir pour sauver Kelly, je vais peut-être plutôt attendre qu’elle aille pleurer dans un endroit discret pour aller lui parler et devenir son ami.

– J’ai bien campé mon rôle de geek loser à la teenage movie. Par rapport à ce mixte de la personnalité de ma fiche et du thème du jeu, je suis la ligne de conduite que j’ai depuis le début. Si j’ai plutôt campé un personnage de gaffeur par exemple, je peux me retrouver à surprendre Jason pendant qu’il frappe Kelly, ce qui pourrait lui faire diriger sa colère contre moi.

Conclusion

Tous ces exemples ont cherché à montrer que l’immersion qu’un joueur va rechercher dans un jeu peut être très différente de celle d’un autre ou de celle des orgas. Or, ne pas être sur la même longueur d’onde amène malheureusement de la déception.

À partir de ce constat, cela paraît assez inapproprié de communiquer sur un jeu en disant : «  ce qu’on cherche vraiment pour ce jeu, c’est l’immersion, on veut que ce soit l’immersion dont les joueurs se souviennent ». En fait quand on dit ça, on ne dit rien, et c’est bien dommage. Dans la suite de cet article, Vincent va explorer un peu plus les 3 types d’immersion et les moyens qu’un organisateur a à disposition pour les favoriser. À la lumière de cela on verra comment on peut parler d’immersion en disant vraiment quelque chose à ses joueurs.

Lire la suite de cet article.

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Lucie CHOUPAUT

Présidente de l'association eXperience, Lucie s'intéresse aux rapports entre GN et art. Ses goûts d'organisatrice et de joueuse la portent plus particulièrement vers des jeux expérimentaux d'ambiance contemporaine et réaliste.

12 réactions à Du GN immersif

  1. Merci pour cet article ! J’applaudis la démarche consistant à analyser la pratique du GN, pour montrer qu’elle est plus multiforme qu’on l’admet souvent. Concernant l’immersion, je souhaiterais
    ajouter qu’on peut également la voir par le prisme du GNS : – L’immersion narrative correspond au N. – L’immersion dans l’univers et dans le personnage correspondent au S. – Et il existe également
    l’immersion dans le challenge, qui correspond au G.

  2. Très bon article, merci pour ce panorama. Je partage en partie le constat, à savoir que l'”immersion” est un concept assez flou dans lequel on peut (on veut?) mettre beaucoup (trop?) de choses.

    Mon impression, c’est que cette multiplication des GN se voulant “immersifs” pourrait être comparée au virage radical du théâtre durant le 20ème siècle, sous l’impulsion des travaux de
    Stanislavski : les acteurs recherchent aujourd’hui pour l’essentiel la sincérité du jeu, pour que le spectateur puisse plus facilement s’identifier au personnage, partager ses émotions. Le
    parallèle peut être fait aussi avec l’actor’s studio qui a repris le concept pour le cinéma, où l’acteur doit “être” son personnage et non le “jouer”.

    Cette approche au théâtre peut se comparer au GN, même si ici les acteurs et les spectateurs se trouvent confondus. Pour les joueurs cherchant l'”immersion”, plus l’identification au personnage
    est forte, et plus le plaisir est grand, plus les émotions fortes. Ce n’est bien entendu pas le seul plaisir recherché par les joueurs, mais force est de constater que sa popularité est en forte
    augmentation… Au risque de négliger le reste ?

  3. J’aime beaucoup ce que vous faites…

     

    Bon, sans fioritures, je suis globalement assez convaincu par l’article mais je trouve qu’il n’évoque que la partie « facile » de l’immersionnisme.

     

    En effet, on parle ici de l’immersion telle qu’elle va être générée (gérée) par le joueur. Une succession d’exemples nous explique comment le joueur va pouvoir entrer en contact avec la substance
    de son personnage, du contexte ou de la narration. Soit. Mais du coup ne sommes-nous pas passés soigneusement à coté de ce qui préoccupe vraiment les orgas et les joueurs ?

     

    Ceux qui vendent de l’immersion dans les textes de présentation de leur GN, ceux qui vantent les mérites des GN immersifs dans des discours enflammés, ne parlent pas tant de la façon dont les
    joueurs vont se comporter durant le GN que de la façon dont le GN va immerger les joueurs.

     

    Gageons donc, qu’il y aura une seconde partie à cet article et qu’elle abordera le point vraiment critique : qu’est-ce qu’un GN immersif ?

  4. olivier_Espigoule

    Pour moi, en première impression, la série d’exemple ne parle pas d’immersion mais de liberté dans le role play. Et, il n’est pas question de remettre en cause cette liberté dont chaque joueur
    doit pouvoir disposer pour s’amuser (d’ailleurs, je vois pas ce qui pourrait le contraindre en dehors de scenarios trop contraints ou d’orgas adeptes du TaGeuleC’estMagique. Mais c’est une
    question de narration, pas d’immersion).

    D’ailleurs, dans liste des 3 types d’immersion, aucune ne me semble vraiment abordée par l’article.
    Si l’immersion du perso est donnée par les informations qu’on donne au perso, l’immersion dans l’univers de jeu par les décors, costumes, événements qui décrivent l’univers de jeu et l’immersion
    narrative par le scenario lui même, l’immersion est un élément créé par les orgas. Dans cet article, n’a été abordé que la manière d’interpreter son rôle correctement par le joueur.

    J’attendais de l’article une analyse plus developpée de l’interêt de l’immersion. Nombre d’assocs revendiquent l’immersion. Y en a t’il qui ne recherchent pas l’immersion ? Pour ma part,
    j’éviterais soigneusement un GN qui affirmerait “Nous écartons délibérement le concept d’immersion pour privélégier la narration” … j’aurais trop peur d’assister à une lecture publique !

    Pour moi, l’immersion c’est la piscine (remplie par les orgas) et le plongeur (le joueur).

    La piscine est constituée par le background et infos sur le perso pour l’immersion du perso, par les décors, l’ambiance, les évenements pour l’immersion dans l’univers et le scenario et les
    mecaniques de jeu pour l’immersion narrative. Manifestement, ça va faire l’objet d’un prochain article.

    Reste le plongeur. Son immersion va dépendre de son envie de plonger (la robe victorienne est elle le meilleur vétement de plongée ? 😉 ) et des efforts qu’il va faire. Mais aussi de sa
    sensibilité à la température du bain.

    En effet, pour certains, l’immersion va être coupée (ou gachée) par un costume de monstre digne de X-or, par une paire de basket au pied du baron de Machin, par une intervention “hors-jeu”, par
    un mécanisme de jeu trop simulationiste, ou par un scenario innaccessible … qui pour d’autres ne poseront pas de probléme. Celui dont l’immersion est gachée va se rapprocher de la surface de la
    piscine et peut finir par se retrouver dans l’air agressif de la vie quotidienne et du hors jeu.

    L’immersion individuelle dépend donc de la qualité de l’immersion générale. Si tout le monde a fait les efforts pour respecter les efforts immersifs des orgas, on réduit les risques de tomber sur
    un élement qui “coupe” l’immersion et, collectivement, on descend plus loin.

    Parmi les exemples de jeux qui revendiquaient l’immersion, il y avait le Tempus Fugit des Joyeux Chaotiks.

    Dans ce jeu, la piscine était grande et à bonne température. Les orgas avaient mis en place tout les outils d’immersion possibles (sauf quelques manques de background et scenaristiques pour
    certains). De leur coté, les joueurs ont joué le jeu (niveau de costume et de décor exceptionnels, efforts sur l’implication dans le jeu, …). Les ambitions immersives de ce jeu ont donc été
    remplies.

    Outre la durée du GN blues sur les réseaux sociaux, limitée aux abonnés intensifs aux dits réseaux sociaux, la qualité de l’immersion se ressent, à mon avis, sur la masse de “hors-jeu”. Moins le
    GN sera immersif, plus les joueurs se permettront de se placer en dehors du jeu. 

    Pour moi donc, l’immersion est un signe majeur de la qualité d’un GN. Ce qui expliquerait d’ailleurs qu’elle soit revendiquée par nombre de GN faisant leur promotion.

    Cette reflexion sur l’immersion gagnerait, à mon avis, à se pencher sur les cas de “non immersion”. Qu’est ce qui chez vous est “anti-immersif” ?

  5. @Olivier-Espigoule : les différents exemples visent à montrer qu’en dehors des éléments tels que la qualité des costumes et l’absence de hors-jeu, les joueurs peuvent avoir une jauge d’immersion
    très différente les uns par rapport aux autres. Or cette jauge n’est pas négligeable. La considérer uniquement comme une liberté de role-play c’est jeter tout le monde dans le bain (ou la
    piscine) sans s’assurer que tous les joueurs sont sur la même longuer d’onde et que l’immersion de certains ne va pas gâcher l’immersion des autres. Selon moi c’est donc aux orgas de définir
    précisément ce vers quoi ils tendent et de communiquer clairement sur ce qu’ils cherchent à obtenir. Or, dire qu’on cherche à obtenir de
    l’immersion, ça reste un peu trop abstrait et bon nombre de joueurs risquent de se retrouver ensembles et de ne pas être du tout sur la même longueur d’onde.

     

    Pour ce qui est du côté orga et de la façon dont on obtient l’immersion en question, ce sera effectivement l’objet de la 2e partie de l’article.

  6. C’est bien de caractériser les types d’immersion, car ça donne des axes de travail pour les orgas qui voudraient justement favoriser l’immersion dans un de leurs GN. Par contre, ce qui me semble
    contestable c’est de séparer, voire opposer ces types immersions entre eux. Quand je dis que je recherche de l’immersion en tant que joueur, ça veut dire que je désire :

    – un personnage dans lequel je puisse me fondre le temps du GN, que je puisse ressentir et, en fin de compte, devenir.

    – un monde cohérent et détaillé que je puisse néanmoins appréhender pour le faire mien, afin que mon personnage en maîtrise les repères et puisse y évoluer naturellement.

    – une histoire forte et cohérente dans laquelle je serai impliqué, car plus qu’une tranche de vie “bâteau”, c’est quand même quelque chose de fort que je veux vivre.

    Et j’ajouterais même :

    – l’immersion matérielle, à savoir que le site, les décors et accessoires soient en phase avec le monde, notamment par un nettoyage/camouflage de ce qui est hors du jeu.

    – l’immersion ludique, à savoir que les règles soient là pour porter l’ambiance, sonc adaptées. Par exemple les règles seront très différentes entre un jeu héroïque et un jeu survivaliste.

    – l’immersion scénaristique, à savoir que les objectifs de chaque personnage ou les trames principales soient assimilables et naturelles pour tous les personnages sans faire appel au méta-jeu du
    genre “Cette intrigue me gonfle mais je vais quand même la jouer pour ne pas plomber le jeu de l’autre” ou “mon perso n’a aucune raison de s’intéresser à ce mystère mais je vais le faire car je
    ne sais pas si je ne vais pas m’ennuyer en fin de jeu”…

     

    Et en orga, c’est ce sur quoi j’essaye de travailler pour présenter un GN immersif d’une manière générale.

  7. Super, il était temps de mieux définir cette fameuse immersion.   Réfléchir en terme de mise en immersion (Avec ses différents
    types)  est très intéressant dans la conception d’un gn (bien plus que d’utiliser une grille de lecture gns)  J’attends avec impatience la seconde partie.

    Par contre, je pense que c’est une erreur de vouloir que les orgeats communiquent clairement sur ce qu’ils cherchent à
    obtenir.

    Car s’ils donnent le gn aux joueurs, ceux-ci en font ce qu’ils veulent  (idéalement dans le respect du cadre du jeu,
    sans freeplay), que ca plaise ou non à l’orga. Et le concept de la mort de l’auteur à vraiment son intérêt en gn (cad laisser la libre interprétation aux joueurs des
    évènements)

    Je trouve dommage de penser que les types d’immersions s’opposent (comme le dit si bien moz).Ils seraient plutôt
    complémentaires.                                                                          
    Il

    Il est vrai certaines tentatives d’immersions (surtout de la part des joueurs) peuvent être contreproductives. L’exemple du cowboy est
    parlant : si des joueurs se rendent compte qu’il pouvait tuer son antagoniste et qu’il ne l’a pas fait dans une optique de métajeu narrativiste, ça ruinera la suspension volontaire d’incrédulité.
    (Qui varie d’ailleurs beaucoup selon les joueurs)

    Peu importe le gn que vous ferez,  vous vous  retrouverez les 8 profils décrit  par J. Tuomas Harviainen. Et chaque profil aura des attentes différentes.

    Jouez le même gn 30 fois, vous aurez 30 incarnations du même personnage avec des interprétations radicalement différentes tout en
    restant normalement raccord avec le background.  Un intégriste jouera très différemment d’un acteur, mais les toutes les approches sont intéressantes en soi (sauf le
    power gamer monoclassé, c’est une cause perdue 😉 ) 

    L’idéal est donc de tenter de viser à remplir les trois niveaux d’immersion et ainsi de rejoindre les différentes
    attentes de vos joueurs.C’est ce que font les bonnes orga:  De bon back  pour l’immersion dans le personnage, un univers soigné et cohérent pour l’immersion dans l’univers et
    des intrigues et trames logiques et ouvertes pour faire la jonction entre les deux premier.

     

  8. olivier_Espigoule

    Tout à fait d’accord avec Moz et Tilleul, j’aurais aimé le dire aussi simplement : les différents types d’immersion ne s’opposent pas et pour que tous les joueurs s’y retrouvent, il faut que les
    3 types d’immersion (voir plus) soient optimisés.

    Quand à anticiper ce qu’attendent les joueurs .. ca peut aller dans une murder-party écrite pour 8 copains. Et encore. *
    Pour ma part, dans ces exemples, je pourrais adopter n’importe laquelle des options présentées. Ca dépendra surtout de mon humeur du moment, pas franchement de l’immersion. 

    *Bon OK, là j’abuse. Ce que je veux dire c’est que dans les exemples donnés, les options prises dépendent de choses si fines et si chaotiques que l’orga ne peut les maitriser.

  9. Salut,

    qu’on soit bien clair, cet article ne cherche à aucun moment à opposer les différents types d’immersion, ce n’est ni dit explicitement, ni sous-entendu.

    Ce que cet article cherche à dire, c’est que les joueurs ayant des approches différentes par rapport à l’immersion (les fameux 8 types de joueurs définis par Harviainen), ils ne seront pas
    forcément sur la même longueur d’onde si on se contente de leur dire que le jeu sera immersif (c’est ce que Tilleul indique comme une attitude qui peut être contre-productive).

    A mon avis travailler sur les 3 niveaux d’immersion en parallèle est une bonne chose en général, mais c’est loin de pallier ce problème. C’est plutôt en communiquant sur ce qu’on veut faire
    précisément que les joueurs sauront s’ils pourront trouver l’immersion qu’ils recherchent (ou s’adapter au jeu), sans se trouver complètement à contre-courant des autres joueurs.

  10. Mais comment communiquer ? Mettre un label “attention ce jeu sera concentré sur le développement de personnage/la découverte de l’univers/la narration “? Et les joueurs choisiront en fonction de
    ces labels et pas par rapport à l’univers, son thème et la réput de l’orga ?                                  
                                          Et même dans ce cas, rien ne dit que l’une des immersions ne
    prendra pas le dessus sur les autres du fait des joueurs et des pnj.  J’irai même plus loin en disant qu’en fonction du moment, du personnage et du lieu, le potentiel d’immersion peut être
    ressenti de manière radicalement différentes d’un joueurs à l’autre. 

    ps: il y a un moyen  de casser l’immersion de manière intéressante et très amusante si c’est bien fait, c’est en cassant le quatrième mur.
    http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/BreakingTheFourthWall.  

  11. je ne pense pas qu’on puisse envisager un label pour avertir les joueurs, en tout cas pas pour l’instant.

    La question est plutôt dans la prise de conscience des orgas. Il est utile de comprendre comment se constitue l’immersion pour ne pas s’arrêter à son propre goût. Certains organisateurs
    expérimentés peuvent choisir de créer un jeu très élaboré mettant en avant la reproduction fidèle d’une ambiance au détriement des personnages. le contraste entre un parti pris très fort et les
    autres types d’immersion traité simplement peut créer une déception (j’ai un exemple en tête qui m’avait déçu).

    L’équilibre dans l’immersion n’a rien à voir avec la taille du jeu à mon avis. C’est plutôt le nombre d’organisateurs qui apportent leur contribution et leurs goût qui fait la différence. Une
    équipe très homogène, dont les membres ont des goûts très proches en matière de jeu fera très probablement un jeu déséquilibré. Dans ce cas, il vaut mieux prévenir les joueurs de ce qu’on tente
    de faire et de préférence avec les bons mots…

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