Histo mais pas sexiste

Publié le lundi 8 juillet 2019 dans Actualités du GN,Slide

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Il y a quelques mois, je recevais un background d’une chouette murder 1920. Alors que j’en lisais les 10 pages goulûment, je remarquais un certain nombre d’éléments qui me froissèrent un peu. Mon personnage était une jeune fille de bonne famille et la plupart de ses quêtes visaient à satisfaire son fiancé. J’en ai parlé à l’organisateur qui m’a dit “oui mais à cette époque là ça se passait comme ça, le background est histo”. J’ai pris soin de lui lister tous les éléments sexistes et, plutôt ouvert d’esprit, il m’a répondu que si j’avais des éléments pour l’aider à rédiger un prochain jeu en évitant ce genre d’erreur, il était preneur. L’idée de fournir un guide pour éviter les écueils du sexisme en jeu, à destination des orga de G.N. et de J.D.R. était née.

On s’y est mise à plusieurs joueuses, les idées et les morceaux de texte fusaient. Ça n’était pas la première fois qu’on traitait le sujet, il suffisait d’assembler les morceaux des articles ou des textes que nous avions déjà commencé à rédiger. J’ai commencé par recueillir quelques témoignages poignants de joueuses ayant vu leur jeu gâché par le sexisme. Anne a pris le temps d’expliquer l’absurdité de l’argument “historique” et à quel point c’était déplacé de reproduire en jeu une oppression que nous vivions tous les jours. J’ai ensuite essayé de définir ce qu’était un jeu sexiste en m’inspirant du test de Bechdel et de lister toutes les idées que nous avions testées ou vues tester pour éviter aux joueuses de vivre éternellement ce genre de situation. Cora et Armelle ont ajouté des idées à nos chapitres ; Muriel, Annie et Éléonore ont fait un important travail de correction et de questionnement du fond. Enfin, Saki a dessiné des illustrations superbes de femmes historiques célèbres de plusieurs origines ethniques, des femmes qui ont fait bouger les choses à leur époque de manière admirable !

Et nous voilà prêtes, fières de vous présenter notre travail collectif. Nous n’avons pas la prétention de dire que ce guide est exhaustif et nous serons ravies si vous trouvez d’autres moyens pour améliorer les jeux dans ce sens. Nous souhaitons juste qu’il soit largement diffusé, et qu’il aide à faire bouger les choses. Parce qu’aujourd’hui, nier qu’il y a du sexisme, même involontaire, dans notre hobby favori, revient soit à être aveugle, soit à être d’une mauvaise foi évidente. Le constat est là, voilà des idées pour agir. Bonne lecture !

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Nadia

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4 réactions à Histo mais pas sexiste

  1. Bravo à toute l’équipe qui a œuvré à ce guide !

    Non seulement c’est inédit à ma connaissance en français, mais en plus c’est fait avec talent : c’est rapide à lire, clair, superbement illustré et directement applicable avec 1/ des lignes directrices à suivre et 2/ des conseils pratiques.

    Mille fois merci

  2. Merci pour ce petit guide et ses pistes !

    Je vais en profiter pour essayer mettre par écrit là ou en est ma réflexion sur le sujet et partager quelques outils que j’utilise. (je ne parle cependant que de JDR, n’étant pas trop GNiste)

    – Concernant les PNJs :

    Un des problèmes inhérent au sexisme est la sur-représentation des hommes et la sur sexualisation des femmes (si on précise qu’un personnage est féminin, il doit y avoir une raison). Dans la langue et donc dans nos habitudes cognitives (ou en tout cas dans celles de beaucoup de monde) le masculin est signe de neutralité de genre. Du coup, lorsqu’un MJ improvise des PNJs pendant la partie, le premier réflexe est toujours de créer un personnage masculin. Quand le genre n’est pas important, c’est à dire dans toutes les situations non sexistes, on tend à imaginer un homme d’abord. Imaginez un passant lambda dans la rue, ce sera beaucoup plus souvent un homme qu’une femme. Ce biais est à mon avis une des principales causes de la sur représentation des hommes dans les JDRs. A partir de ce constat, je me suis demandé comment y remédier. Voilà quelques solutions que j’ai mises en pratique et que j’ai trouvé plutôt efficaces :
    -> Ca devrait être une évidence : la moitié de l’humanité est féminine. Donc la moitié des personnages d’une histoire DOIVENT être des femmes. Je pense vraiment qu’il faut être proactif là dessus. Je pense que non-genrer les personnages permet de diminuer leur sur-sexualisation, mais pas de régler le problème de la sous représentation des femmes (et de leur sur sexualisation). En mettant (beaucoup) plus de personnages féminins dans le jeu, on banalise leur présence (c’est fou d’avoir besoin d’en arriver là), on a plus de possibilité de voir des femmes au premier plan (et sortant des rares clichés), et on les dé-sexualise.

    Je me suis rapidement rendu compte que même en ayant identifié le problème et en m’étant fixé pour objectif de le résoudre, il ne suffisait pas de ma bonne volonté pour y arriver. J’ai donc mis en place 2 méthodes que j’utilise conjointement : Quand je crée un PNJ lambda à la volée (le fameux passant dans la rue), je détermine son genre au hasard (paire une femme, impaire un homme, indéterminé quand les dés sont ambigües). Je ne jette pas les dés exprès pour, je me contente de jeter un discret coup d’œil aux dés déjà visibles autour de moi. Mais ce tirage au hasard s’est révélé efficace et rafraichissant. Cette méthode est cependant insuffisante car la création de PNJ lambda étant spontanée, on (moi en tout cas :p) ne réfléchi pas toujours avant de parler et donc de genrer le PNJ. Dans la mesure ou, par définition, cette méthode est à utiliser parce que le genre du PNJ n’est pas directement important, on oublie souvent d’y recourir. La deuxième méthode que j’utilise est donc le fait d’avoir un ratio de 60% de PNJs féminins lorsque je crée mon scenar. Leur genre est toujours déterminé au hasard, mais avec une plus forte proportion de personnages féminins. Cette sur représentation théorique (mes PJs me font rarement l’honneur de rencontrer tous les PNJs que j’ai préparé :p) permet de diminuer l’impacte de la sous représentation des PNJs féminins improvisés.

    Depuis que je fais cela, j’ai énormément (quasi systématiquement) de remarques de mes camarades joueurs (en tous genres) qui trouvent mes scenarios “féministes”. Au début, ces remarques m’embêtaient : j’espérais que l’évolution ne serait pas aussi forte (j’espérais partir de moins loin dans le sexisme), et en tant que MJ je pense que mes PJs ne doivent pas avoir conscience de mes outils … Mais après la surprise, j’ai l’impression que tout le monde ressort de la partie plus content, et donc que ça marche plutôt pas mal.

    – Concernant les PJs :

    Je n’aurai jamais imaginé dire ça il y a quelques années, mais aujourd’hui, je tend à empêcher mes amis de jouer des personnages d’un autre genre que le leur. Je ne l’interdit pas formellement, mais j’explique que je n’aime pas du tout le chose, et en général mes explications convainquent. En fait, je me trompe peu-être, mais je pense que le genre dans le JDR (enfin, dans ceux auxquels je joue en tout cas :p) est secondaire, voir tertiaire, voir pas du tout important/intéressant. Je fais jouer des enquêtes, des chasses aux dragons, des conflits de pouvoirs entre vampires multi centenaires … Pas des parties sur l’introspection profonde ou sur les relations sexuelles héroïques. Ces concept peuvent intervenir dans les parties, je n’ai rien contre, mais elles ne seront jamais centrales (elles seront d’ailleurs la plupart du temps traitées par des ellipses).
    Bref, à partir du moment ou on est d’accord sur l’aspect très secondaire du genre du PJ, je pense que le joueur n’interprétera pas son genre (au mieux) ou l’interprètera sur la base de clichés (par nature sexistes …). Du coup, autant passer à autre chose directement. Bien entendu, il n’est pas question de mettre un joueur mal à l’aise en l’obligeant à faire quoi que ce soit, donc si le joueur y tient, je n’y vois pas de problème, mais quand un joueur veut jouer une femme, je lui donne mon point de vue avant de le laisser faire (dans le cas inverse en général, j’évoque moins la question, car je pense que beaucoup de joueuses de mon entourage qui choisissent de jouer des hommes le font pour qu’on ne les fasse pas chier avec des remarques sexistes).

    Dans cette même optique, mes personnages préconstruits ne sont jamais genrés. Ce permet de sortir des clichés, mais ça permet aussi aux joueurs de s’approprier leur personnages en le nommant. Double effet bonus. Et je dirai même triple effet bonus, parce que cela permet de mettre en avant que les personnages on aussi la possibilité d’avoir des relations d’amitié forte en plus de leurs relation amoureuses (beaucoup trop souvent mis en avant aux dépends des premières souvent mises au second plan).

    Désolé pour cet énorme pavé pas forcément très lisible. Je vous avouerai que c’était surtout pour moi une occasion de mettre par écrit des truc que j’avais seulement dans ma tête pour l’instant. 😉

  3. Trop stylé! merci à vous!

  4. Super initiative ! Et comme l’a dit KT*, c’est transposable aux autres formes de JDR.

    *au passage : merci à toi pour les astuces pour éviter une partie mono-genrée ! J’ai parfois eu le réflexe d’essayer de renverser les clichés (en assignant aux personnages masculins les rôles souvent féminins et inversement : la capitaine, le guérisseur etc.), mais c’était un pis aller qui ne me satisfaisait pas complètement.

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