Critique de GN : La Bifle

Publié le lundi 18 décembre 2017 dans Critiques de GN

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Je n’imaginais pas un jour écrire une critique sur un jeu s’appelant “La Bifle”, mais grâce à Yannis, je peux dire que je suis allé au-delà de mon imagination. La Bifle est un GN pour 6 joueurs et un orga écrit comme un défi par Yannis (vous pouvez retrouver la preview ici sur ElectroGN).

Le sujet

Oui, la bifle (qui est une gifle donnée avec la bite, il est important de clarifier les choses) est le sujet central du GN. On parle durant tout le jeu de bifles, et on a parfois du mal à garder notre sérieux. Des ateliers sont pourtant prévus en amont pour éviter de craquer durant le GN.

En fait, même si le sujet de la bifle est au cœur du GN, il n’est qu’un prétexte aux discussions qui pourraient tourner autour d’autres sujets, sans que le GN ne change dans sa construction. Le choix de la bifle comme thème central ressemble finalement à un délire de la part de l’auteur, et l’univers construit autour également. Pourtant ce GN est loin d’être juste une blague construite autour d’une remarque sur Facebook.

Le design

Très difficile de parler du design sans en dire trop. Et c’est dommage, car toute la force de ce jeu repose pour moi sur son design. En tant que joueur, on passe par différentes phases, souvent déstabilisantes, qui nous obligent à revoir sans cesse notre façon d’appréhender l’expérience. Ce n’est pas un GN pépère où on se repose sur ses acquis, car nous n’en avons aucun lorsque celui-ci débute. Il faut constamment improviser pour avancer, et constamment se remettre en cause. En cela, prendre le prétexte d’une réunion de dépendants est plutôt bien vu, car c’est un peu la position que pourrait avoir (du moins j’imagine) une personne qui doit lutter contre une addiction.

Le déroulé du GN nous met constamment en position de faiblesse quant à notre rapport aux autres. Nous découvrons nos personnages quand nous lisons les lettres qu’ils ont écrites pour la réunion (réunion de bifleurs et biflés anonymes). Avant que notre tour arrive, il est nécessaire de meubler sans pour autant trop parler de nous (puisque nous ne savons pas encore qui nous sommes et que l’orga ne nous laisse pas de marge de manœuvre pour “inventer” des éléments qu’on ne connaît pas sur notre personnage). Ce qui nous oblige à nous concentrer sur la personne qui vient de parler et sur ce qui vient d’être dit. Nous apprenons alors, petit à petit, à comprendre le monde qui nous entoure, et à nous comporter en fonction de ce que nous venons d’apprendre. Les postures et la façon de parler des joueurs changent après la lecture de leur lettre. Ce qui ajoute une couche à l’instabilité générale et rajoute au doute quant à la manière de réagir et d’appréhender ce nouveau comportement, ou cette nouvelle information.

L’auteur joue constamment avec ses joueurs, car on peut y voir à chaque fois plusieurs lectures, qui nous laissent penser qu’il y a autre chose derrière. La Bifle fait partie de ces GN dont on ne peut pas dire grand-chose au risque de rendre l’expérience moins intéressante.

Un jeu difficile à vendre

Je me demande du coup pourquoi ce choix de thème ? À la lecture de sa preview, on comprend que c’était l’idée centrale de l’auteur, et que la mécanique s’est construite dans un second temps. Pourtant, c’est cette mécanique que je trouve la plus intéressante. Un thème différent aurait donné un aspect beaucoup plus dramatique, qui n’aurait pas été pour me déplaire. Est-ce parce qu’il ne voulait pas aller dans un pathos larmoyant qu’il a conservé ce thème, rendant l’expérience plus légère ?

Au vu des personnages, et au vu du reste du jeu, j’ai un peu l’impression que Yannis a mis ensemble différents éléments qui fonctionnent, mais qui n’arrivent pas au résultat qu’il attendait : un GN sérieux. Celui-ci est drôle par son thème mais assez dramatique par son design, ce qui crée un entre-deux étrange qui peut perdre un peu les joueurs. Si c’était le but de Yannis, alors c’est réussi. Il les prend à contre pied pour leur offrir une expérience particulière que je n’ai vécue, pour ma part, qu’une seule fois et qui m’avait particulièrement marquée.

Sauf que Yannis va encore plus loin. Je ne peux malheureusement pas en dire plus, mais j’ai bien aimé ce flou qui m’a permis de me questionner sur mon interprétation au-delà du jeu lui-même.

Conclusion

Comme a pu l’être Love is All (critique ici), ou le GN Pompette, Yannis s’amuse une fois de plus avec l’idée même du GN et ses limites. La Bifle ne plaira sans doute pas à tout le monde, car il nécessite d’avoir une vraie confiance en l’organisateur et en sa bienveillance, et d’arriver à parler de pratiques sexuelles particulières, mais c’est un GN qui vaut le coup pour le design que l’auteur propose.

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Jérôme FOURAGE

Auteur et organisateur compulsif de GN, Jarim aime se lancer des défis, comme organiser et écrire un jeu par mois pendant un mois. Ce qu'il aime dans le GN, c'est raconter des histoires, qu'elles soient drôles ou émouvantes...

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