Critique de GN – Lords of the ring

Publié le jeudi 28 août 2014 dans Critiques de GN,Slide

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Lords of the Ring

Le 5ème Eléphant – Shub Niggubarth & al.

Retour d’expérience – Gilles Riou

Lords of the Ring est une murder-catch écrite par Shub Niggubarth. Centrée sur l’univers du catch – des combats scriptés et scénarisés pour en faire des spectacles et du divertissement- cette soirée enquête a été jouée par une dizaine de joueurs le 14 juin 2014 à Chambéry. Elle a été précédée de trois heures d’un vrai cours d’initiation, donné par un professeur de catch (école AYA Catch).

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Impressions

Faire du catch ! Quelle idée ?! C’était bien la première fois en GN que je préparais des combats dont tous les résultats ou presque étaient scriptés. Je n’ai jamais eu autant mangé physiquement en GN et paradoxalement jamais de façon aussi sécurisée et aussi agréable !

Apprendre à catcher, à faire de jolies choses, à donner du spectacle, voilà pourtant un point commun radical entre le catch et le GN. Comment ces deux univers et surtout les méthodes qui les inspirent ne s’étaient-ils pas croisés plus tôt ?

J’ai aimé la fraîcheur de cette murder : l’innovation du catch, l’engouement des participants, la qualité de l’atelier pré-GN qui m’a fait plaisir tout autant que le GN lui-même, le goût de la bière d’après-GN parce que pendant c’est interdit, on fait du catch, c’est sérieux, là ça joue ! J’ai aussi aimé le lieu, les vidéos non-stop en projections quasi-instantanées et surtout de pouvoir enfin en faire des tonnes… Vraiment des tonnes, parce que beaucoup, ce n’est vraiment pas assez !

gn catch éléphant 2

J’en retiens en tant que joueur que le GN comme le catch demandent de prendre du temps, de savoir faire monter la sauce. On tire sa force d’avoir réglé à l’avance l’issue du combat pour précisément pouvoir se concentrer sur la prestation. Et contrairement au combat avec des armes, le fait de pouvoir saisir, frapper ou encore projeter dès l’issue du premier cours de catch, n’exige pas de longues heures de préparation chorégraphiée d’escrime médiévale pour que ça ressemble à quelque chose.

Oui, l’économie de mouvements, la lenteur et l’exagération du geste sont la clef comportementale de ce que nous venons chercher dans le GN, qu’on se le dise !

Me vient l’envie de faire des GN avec du catch, beaucoup de catch… et très peu d’armes.

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Analyse (plus ou moins fine)

Parlons ensuite du jeu en lui-même. Force fut de constater que le plaisir de catcher l’a très largement emporté sur toute autre considération superfétatoire telle que… résoudre un meurtre par exemple. Au-delà du seul plaisir de catcher, quelques points me semblent nous avoir détourné de ce plan…

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La salle et la technique tout d’abord.

La salle de catch est un élément central du jeu. Ce n’est pas juste un espace de jeu ; c’est un espace structurant par nature. Dès lors la technique va y jouer à plein. Fumigènes, sonorisation, vidéo-projection, micros et bien sûr le ring… tout y participe mais il n’est pour autant pas facile de tout réunir. Force est de constater que sur cette édition, on en a eu beaucoup ! Mais alors vraiment beaucoup !

Le jeu tient dans une unité de temps de lieu et d’action, importante pour éviter la dispersion trop forte du petit nombre de joueurs. Cependant, l’absence de coulisses/vestiaires ou plutôt de lieux formalisés comme tels limite les tenues d’intrigues/ de mécaniques de jeu hors-matches.

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Je pense qu’à défaut d’un stadium miniature complet, de petits éléments mobiles permettent de pallier ces manques : kakémono « sponsors », zones d’interviews marquées au sol, briefing avant-jeu pour repérer ensemble les déplacements de zone en zone autour des matches etc.

La salle enfin est liée au nombre de joueurs. Inutile de jouer dans un stadium de la WWE (World Wrestling Entertainment) si c’est à dix personnes. Le vide intersidéral risque de faire perdre toute âme à la partie.

L’un des points techniques entre la salle et le nombre tient à l’ambiance, à la présence du public. Un spectacle de catch doit être chauffé à blanc. Et le jeu du public a énormément d’impact sur le résultat. Je crois qu’il est pertinent d’adjoindre aux musiques un bruit de fond d’ambiance bien travaillé : applaudissements, rires, huées, clameur, grondement dans les gradins, “A mort l’arbitre” etc.

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Le nombre de joueurs ensuite.

Les matchs, ça dure trois minutes. Auxquelles on ajoute les présentations -deux minutes- et les préparations –pas loin de trente minutes-, les sorties interruptions et autres interviews – au moins 10 minutes. Deux matches par catcheur, c’est donc au bas mot une heure trente, bien remplie. À dix catcheurs, on ne fait presque que ça de la soirée. Surtout qu’après un match, il faut boire, « s’ensucrer », souffler. Si si, vraiment ! Du coup, pour espérer développer une intrigue qui ne ronge pas les matchs, je pense qu’il faut plus viser une vingtaine de PJ qu’une douzaine. Mais ça, ça dépend du calendrier et pas des organisateurs. Maudits congés !

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Deux ou trois trucs sur le temps de jeu

La partie a compté certains temps morts : repos après un match, discussions et palabres avec peu de roleplay et peu d’effets de jeu, difficultés à faire avancer « l’intrigue » pour des raisons analysées ci-après…

En y repensant, je crois qu’un découpage en scènes, avec des pauses hors-jeu entre chacune d’elles aurait donné un peu plus de corps à l’ensemble, sans dénaturer le jeu. Il s’y prête bien puisqu’on peut le rapprocher de séquences filmées qui partiront ensuite au montage…

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Le contexte et les règles pour finir.

J’avais regardé des matchs de catch à la télévision, pour m’imprégner de la chose. J’avais bien compris qu’un vague scénario hors-ring existait. Mais je n’avais jamais eu vent de meurtre. Du coup, quand c’est arrivé et compte tenu du niveau intellectuel de mon bonhomme, ce fut tout simplement trop gros à gérer pour moi. Une sorte d’incompatibilité d’humeur entre ces deux mondes. J’ai tiré par les cheveux une solution et en avant : « Show must go on, ok les potes ?! ».

Paradoxalement, les règles permettaient assez bien de travailler l’intrigue. Des compétences « vérité », des faiblesses « argent comptant » etc. pouvaient on ne peut plus aisément plier l’intrigue, le tout dans un système simple. Et pourtant non : personne ou presque n’en a fait usage. Probablement parce que le développement du jeu et de l’ambiance ne voulait pas voir l’irruption de métajeu, ni de près ni de loin.

À titre d’exemple de ce refus : nous avions des points de caractéristiques, censées nous permettre de nous mesurer en vue d’obtenir des contrats. Cette dimension « gamiste » a été purement et simplement ignorée. Deux explications : la première est que des catcheurs savent compter jusqu’à « seulement 2 !!! » et la seconde est que cette compétition « numérique » tranchait trop avec la compétition « analogique » qui se jouait pour savoir d’une part qui allait affronter qui, et d’autre part, quelles seraient les issues des matchs.

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Cette bataille tactique m’a réellement beaucoup plu : estimer combien de matches il était possible de planifier, définir des binômes les plus cohérents possibles avec les premiers matchs pour garantir le plus de spectacle possible, faire en fonction des Heels et des Faces (les “méchants” et les “gentils”), des origines, des anicroches entre personnages ; créer du suspense pour le public et non des moindres : tirer son épingle du jeu de perso tout en se faisant plaisir entre joueurs en fonction de nos envies d’en découdre sur le ring et de notre réelle fatigue physique.

En écrivant ces lignes, je me rends compte que le catch est un jeu de lutte pour le cocotier : avant d’y grimper, il faut avoir distribué suffisamment de bananes aux autres afin qu’ils vous laissent faire… pour un temps limité quoi qu’il en soit. Globalement, personne ne tient sans que chacun des membres du groupe y trouve son compte. C’est un jeu où même les perdants peuvent gagner en faisant plus de spectacle que les gagnants. On pourrait presqu’en faire un jeu de plateau tiens !

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En guise de conclusion

Lords of the Ring fut une belle rencontre : une fraîcheur pleine de jolies choses, une alliance du jeu vraiment physique avec du jeu mental-social et peut être même une rencontre assez approfondie entre joueurs… Hé hé hé, n’allez pas vous imaginer des choses ! Simplement, il est en effet assez rare que des joueurs aient à se faire confiance franchement physiquement durant un GN. Comme on dit, dans une rencontre, la notion de risque et d’impact jouent. Alors merci Barthélémy, Elise, Lionel et Thomas et toutes les joueuses et joueurs pour ces belles –et viriles- rencontres !

Le GN sur le site de l’association : http://www.le-5eme-elephant.com/?Page=Catch

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Gilles RIOU

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6 réactions à Critique de GN – Lords of the ring

  1. Ca laisse rêveur.

  2. Merci Gilles.
    Je milite activement pour le contact physique dans les simulations de combat à mains nues.

  3. T’aurais du venir sur l’agora mon ptit hoog t’en aurais eu pour ton argent avec la compete de pancrace 🙂

  4. Merci pour la critique Gilles, et je suis globalement d’accord avec ton analyse.

    Ça a été la reprise de sport la plus fun et la plus violente de ma vie, je me souviendrai longtemps de nos démarches de petits vieux le lendemain et des courbatures au cou.

    Je rajouterai deux commentaires perso:

    Passion
    La passion de Barth pour le catch transparaissait vraiment dans l’organisation et les fiches. On m’avait déjà fait la remarque pour le hip-hop après Afroasiatik, et je n’avais pas trop compris à l’époque. Je suis fan donc j’ai du mal à avoir la perspective d’un béotien et en quoi ma motivation d’orga pouvait vraiment influencer le truc. Là j’ai vécu le côté joueur et noob: rien qu’à la lecture de la fiche j’ai ressenti tout l’amour et le sérieux avec lequel le sujet (pourtant déconne) allait être traité, les thèmes spécifiques à une petite ligue, pas forcément évidents quand on est habitué à la WWE. En voyant les ateliers, les vidéos en live etc j’étais conquis: on allait faire ça tranquillement, progressivement, mais bien, et en rendant un digne hommage à la culture évoquée dans le GN.

    Méta-métajeu
    La première heure j’ai vraiment eu du mal à gérer les 3 niveaux au lieu de mes 2 habituels:
    1) moi, le joueur crevé qui rentre d’une semaine de boulot à l’étranger, qui veut s’amuser et qui est terrorisé à l’idée de se faire mal ou faire mal aux autres lors des projections (hors-jeu)
    2) mon perso avec sa vraie vie en dehors du ring, sa vraie personnalité, ses failles, qui veut “gagner” la compèt’ pour aller aux USA en faisant le show (en jeu, hors ring)
    3) le “perso sur le ring” de mon perso (son gimmick), la personnalité que le public voit, qui veut gagner la compèt en battant ses adversaires de manière efficace et définitive (en jeu, sur ring)

    Ma fiche parlait principalement de 2) et c’était surtout à moi de créer 3), mais pour mon premier combat j’ai trop ignoré le côté show, trop absorbé par “1) réussir ses enchaînements sans blessure” et “3) faire le ménage chez les vieux catcheurs”. Résultat niveau “2)faire le show, jouer avec le public”, le spectacle était décevant.

    Les autres persos étant aussi sur le même cocotier (faut assurer le spectacle, pas massacrer les gens!), ils m’ont recadré. Ce qui était très cool c’est que mon perso n’était pas très sûr de lui et cherchait de la validation chez les autres, donc tout a pu se faire en jeu, j’ai pu intégrer le recadrage et bien gérer les 3 niveaux pour les combats suivants en en faisant des tonnes dans le show.

    Et j’ai donc pleinement endossé l’autre “axe” de jeu: un rôle d’orga/chorégraphe/régleur de combat/scénariste hénaurme, répartit entre:
    1) le joueur qui veut que le GN soit cool/fun pour tout le monde/ait de la gueule/on s’amuse/une belle histoire (“steering” pour les spécialistes), un truc assez commun en GN
    2) le catcheur qui veut la même chose mais au niveau du show donné pour les caméras. Et fait tout ce travail de créativité (pour servir 3) donc) en restant dans son personnage 2).

    Bref, ça a été du beau travail de musculation pour le cerveau du GNiste aussi, et j’en redemande 🙂

    Merci encore à toutes les personnes qui ont permis la réalisation de ce truc!

  5. Ah oui dans la “lettre au père Noël” pour une éventuelle redif:
    – expliquer les 3 niveaux de jeu plus franchement dans les règles, comme ça les joueurs distraits, fatigués ou un peu mous du bulbe comme moi se prépareront mentalement avant 🙂
    – un ring avec des cordes (je comprends bien le danger intrinsèque, et si il faut rallonger l’atelier avant pour apprendre les consignes de sécurité adéquates, je suis pour, pareil pour augmenter le prix de la PAF)

    Et une dernière remarque, sur le côté “intrigues vs. catch”
    C’est le même “souci” que pour Afroasiatik (je fais une fixette mais Barth était co-orga donc je me permets):
    – en tant qu’orga, quand tu as un concept fort basé sur une originalité, tu as tendance à focaliser ton énergie sur ce qui va différencier ce jeu des précédents. Donc les éléments classiques genre intrigue-enquête, s’ils servent à mettre le GNiste lambda à l’aise, apparaîtront moins importants à tes yeux et donc moins d’énergie/temps y sera consacrés lors de la préparation du jeu
    – en tant que joueur tu es tellement fou de découvrir un nouveau domaine, arriver à faire des trucs incroyables dont tu ne te pensais pas capable et te concentrer sur ta performance, que c’est pas si grave si la belle mécanique des intrigues que tu aimes temps n’est pas au rendez-vous. Voire si il y en avait trop ça pourrait te gâcher ton plaisir.

    Voilà 🙂

  6. L’analyse est pleinement partagé de mon côté !

    Je ferais le parallèle avec le bloodywood où le metagame aussi passait à l’as.

    Ce fut bon, ce fut exquis, je me suis tellement senti vieux pendant quelques jours après le corps meurtri.

    Voulant toujours jouer le spectacle, j’ai remarqué que j’ai purement et simplement oublié les règles de chutes pour me vautrer n’importe comment pour que ce soit le plus impressionnant possible, le délicat équilibre entre mise en scène et utilisation des mouvements appris.

    Le contact en GN doit être étroitement surveillé. L’atelier pré-GN en petit comité me parait impératif pour instiller dans le crane du joueur l’importance des mouvements maîtrisés. Mettre ça dans un GN à 30 et +, c’est la partie de rugby assurée. J’ai rien contre le rugby, ça me ferait même plaisir de remettre mes crampons, mais les GNistes ne viennent pas pour subir des dérapages physiques qui seront l’équivalent des “mauvais compteurs de points de dégats”.

    Le côté vidéo live, j’ai eu le sentiment que c’était là à dispo, vierge d’intention, et que ce sont les joueurs qui ont décidé d’en faire un outil de communication et de spectacle, et ce fut bon, très bon.

    Et dernier point : que les commentateurs aient de vrais micros pour qu’on les entendent !!!

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