Retour sur les GNiales 2015: La Musique en GN

Publié le lundi 30 novembre 2015 dans Articles

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Cette année, aux GNiales 2015, j’ai eu l’occasion d’assister à plusieurs conférences, et notamment celle de Nicolas Rezaï, GNiste et compositeur, sur le thème de “La Musique en GN : Une évidence pas si évidente”. Je vais donc tenter de vous la retranscrire.

Il est assez simple de constater que la musique en GN est très souvent présente, et qu’elle est utilisée de beaucoup de manières différentes, de façon plus ou moins intuitive de la part des organisateurs, et entendue, consciemment ou non, par les joueurs. Nicolas a donc tenté de catégoriser l’utilisation de la musique, en s’appuyant sur son expérience propre, mais aussi sur des situations qu’il envisageait sans les avoir lui-même observées.

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Du pré-GN au débriefing : l’utilisation de la musique aux différents stades du jeu

Durant l’écriture, en écoutant une playlist

Écouter du Chopin, du Liszt, en écrivant un jeu va l’influencer sans forcément ressortir durant celui-ci ; l’émotion peut ainsi influencer (de manière consciente ou non) le jeu.

Par exemple, pour le jeu « Sarabande », qui fait se rencontrer plusieurs artistes dans un Montmartre intemporel et fantasmé,  la bande originale du film “Amélie Poulain” a fortement influencé le jeu, non pas pour son côté “artistique”, mais simplement parce que dans l’imaginaire collectif, ces musiques évoquent fortement Montmartre, et donc son propre folklore.

Musique pour accompagner la fiche de jeu

Pour le jeu “Un été 36”, un jeu faisant la part belle aux sentiments, la fiche de personnage comprenait des instructions de lecture de musique pour permettre au joueur de rentrer dans l’ambiance du jeu ou la psychologie du personnage.

C’est un procédé (malheureusement) pas assez utilisé car cette technique permet de se préparer d’une façon différente et, ainsi, de passer par la musique pour retranscrire des subtilités d’émotions, complétant ainsi la fiche.

Musique pour accompagner le début et la fin du jeu / scène

On peut inclure la musique dans son GN comme une façon élégante de remplacer les célèbres déclarations “Début de jeu” ou “Fin de jeu”. On se rapproche alors d’un type de scénographie plus classique, avec un générique de début et de fin.

Sur le jeu “Roméo & Juliette”, un GN se déroulant sur le tournage d’un film, chaque acte est ouvert ou fermé en musique. Cela permet de faire la mise en place en silence et de rentrer dans la fiction de façon plus progressive, sans cassure nette. C’est également une manière de sortir du jeu progressivement, sans que tous les joueurs soient forcément synchronisés.

Musique diégétique

La musique diégétique est la musique que les personnages (et pas seulement les joueurs) entendent, comme la musique d’un bal ou un poste de radio en jeu. Les joueurs, en tant que personnages, peuvent interagir avec la musique et jouer avec.

On peut aussi penser à intégrer des musiciens dans le jeu, ce qui pose alors la question du “qui ?”. On peut alors engager des professionnels ou des bénévoles, ou se servir des compétences des joueurs (ce qui entraîne des questions de casting au moment de la conception du jeu, et qui peut compromettre des éditions futures, fautes de compétences chez les joueurs).

Musique d’ambiance « hors-jeu »

La musique peut être utilisée pour souligner l’action, mais elle n’existera pas dans l’espace de jeu, de la même manière que la musique d’un film.

L’utilisation dans ce contexte demande une grande maîtrise des scènes (et de la scénographie) pour pouvoir correctement les souligner. Parfois la musique peut avoir un impact plus important que l’image.

On peut aussi la mettre en place pour souligner une ambiance de lieu, plutôt qu’une scène, mais on peut alors se poser la question de la méprise entre musique diégétique (en jeu) et extra-diégétique (hors-jeu). La mise en place d’espaces  de jeu dédiés pour certaines scènes permettant une meilleure maîtrise de la scénographie, comme une blackbox, peuvent également être envisagés.

La musique peut également être utilisée comme système en soi pour modifier l’ambiance du jeu et faire avancer le scénario, par des mécanismes d’indices ou d’indications de jeu (conscients ou non). On s’oriente alors vers un usage proche de celui de la méta-technique : la musique n’a plus seulement vocation d’ “illustration” à destination du joueur mais a pour but de l’influencer.

Musique en tant que méta-technique

On peut utiliser la musique pour modifier la perception d’une scène par le joueur, mais aussi, plus globalement, pour lui donner un certain nombres d’indications, comme un élément de jeu parmi d’autres.

Par exemple, utiliser un conditionnement “soft” en associant, en atelier, une musique et une certaine émotion. Cela doit créer, à force de répétition, un automatisme du joueur qui doit pouvoir ressortir en jeu quand la musique est alors jouée de façon diégétique ou extra-diégétique.

Musique comme élément central d’un jeu

Certains jeux, comme “Un été 36” par exemple, sont construits totalement autour de chansons. Il y a des chansons de groupes qui participent, notamment, à l’ambiance. Mais elles peuvent aussi être utilisées en tant que méta-techniques et il y a ainsi des chansons dédiées à des joueurs pour déclencher des interactions et donner des indications de jeu.

On peut alors lire, fredonner, etc. Pas besoin d’une interprétation impeccable, mais cela demande néanmoins de la préparation de la part des joueurs en amont.

La question de l’atelier pré-GN est alors forcément posée. Sur “AfroAsiatik”, des ateliers ont été mis en place la veille pour créer de la confiance au sein du groupe (sans faire de performance artistique), mais aussi en répétant certaines scènes pour être plus à l’aise le lendemain, lors de la “représentation” en jeu, sans mettre personne en porte-à-faux.

Musique en débriefing

Comme en réponse à l’usage de la musique en fin de scène, elle peut servir à faire une transition entre le cercle magique du jeu et le “retour à la réalité”. Elle peut être autant nécessaire à l’organisateur qu’aux joueurs.

Sur “Carmen Chabardès”, qui a une ambiance lourde sur une longue durée, le débriefing est fait avec une musique moderne, pas forcément très gaie mais qui représente une cassure avec l’ambiance précédente des neuf heures de jeu.

Sur un tout autre registre, pour demander aux joueurs d’aider à ranger, des organisateurs ont passé la musique de “Tetris”.

Et après ?

Si le GN utilise beaucoup la musique, il est cependant assez rare que les auteurs aient recours à des musiques originales pour leur GN, de la même manière qu’ils produisent certains contenus artistiques (créations graphiques, décors, vidéo, etc.). Ceci pose alors des problèmes de gestion des droits d’auteur, notamment vis-à-vis de la SACEM (même si le risque est virtuellement inexistant), mais aussi de la parfaite adéquation de la musique avec le jeu.

Il serait peut-être alors intéressant de traiter la musique au même niveau que l’ensemble des autres éléments du jeu, et d’intégrer les problématiques qui lui sont liées le plus tôt possible.

Aussi, de la même manière que les autres media utilisent un mélange de musiques originales et de musiques pré-existantes, les GNs pourrait faire appel à des compositeurs, au sein de leurs équipes d’organisation, ou à des extérieurs (de la même manière qu’on fait appel à une équipe cuisine ou des couturiers).

Quoi qu’il en soit, je ne peux que vous inviter à considérer cette possibilité lorsque vous concevrez votre prochain jeu et, si d’aventure, vous avez déjà sauté le pas ou que vous le sautez prochainement, n’hésitez surtout pas à partager votre expérience.

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Rémi San

Rémi est un membre (plutôt inactif) de l'association eXpérience, mais se réveille parfois pour organiser ou écrire un truc ou deux. Il a un faible pour les jeux qui cherchent à explorer de nouvelles pistes et aime à découvrir de nouvelles théories sur le GN.

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7 réactions à Retour sur les GNiales 2015: La Musique en GN

  1. Excellent article 🙂
    Je rajouterais volontiers à cette liste l’utilisation de la musique pour fédérer les joueurs. Plusieurs jeux utilisent un hymne, et le fait de le chanter tous ensemble crée un sentiment d’union (exactement comme les hymnes dans la vraie vie ^^). Les paroles de ces chants peuvent également servir à véhiculer l’ambiance du jeu.

  2. Article proposant une synthèse très intéressante. Merci.

    Un aspect, plus conflictuel n’est pas traité : les droits d’auteur. Un GN est certes un évènement privé mais il a lieu la plupart du temps sous l’égide d’une association. Or, même dans un cadre non lucratif, une association se doit de déclarer à la SACEM. Dans ce cadre j’ai cru comprendre qu’une ébauche de lien aurait eu lieu entre fédé GN et Sacem. Sauf que je m’étais vaguement aperçu que cette initiative avait été diversement accueillie : selon quelques orgas/GNiste la meilleur stratégie étant de rester nous faire oublier dans notre coin pour éviter d’éventuels contrôles et la nécessité de déclarations et/ou d’autocensure dans le choix de certains titres. Qu’en est-il à ce jour ? Les choses ont-elles évolué ?

  3. Dans la mesure où, selon la SACEM, si tu invites des gens chez toi et si ce ne sont pas des gens de ta famille ou des amis très proches et réguliers, tu devrais déclarer la musique que tu passes, je crois qu’il y a une certaine habitude d’ignorer la SACEM et de se réfugier derrière l’événement “privé” pour passer sous le radar.

    Mais c’est une question très intéressante, et les droits d’auteur peuvent aussi s’appliquer aux oeuvres littéraires ou audiovisuelles dont s’inspirent un grand nombre de jeux (Harry Potter, TdF, etc.)

  4. @Cire : une petite remarque par rapport aux droits d’auteur, Nicolas qui a animé la table ronde est compositeur à la SACEM et il nous a expliqué que dans un cadre tel qu’un GN le montant de ce qu’il pouvait toucher en droit d’auteur était vraiment dérisoire. Selon lui, c’est une perte très minime. Je le laisserai te répondre un peu plus précisément s’il peut.

  5. Certes dérisoire pour l’auteur, on est bien d’accord. Mais pour une association qui se fait pincer par la SACEM et qui n’a rien déclaré, l’amende sera moins dérisoire. Dans mon questionnement je me positionne en orga de GN, pas en tant que musicien (malgré ma double casquette).

  6. @Cire, Nicolas nous a expliqué que pour que la SACEM te tombe dessus, il faut une dénonciation puis la délégation d’un mandataire de la SACEM pour constater l’infraction. Donc, avant qu’elle te tombe dessus, tu peux continuer tranquillement. Si tu veux absolument te mettre en règle, le process n’est pas des plus trivial de ce que j’ai compris, et ça te coûtera quelque chose de l’ordre d’une vingtaine d’euros. Aucune idée du montant de l’amende si l’infraction est constatée par contre.

  7. Exact. Peu de chance pour qu’un agent assermenté de la Sacem rapplique sur un petit huis-clos. Il faudrait vraiment ne pas avoir de chance ! Néanmoins, je crois que les organisateurs de gros GN, regroupant des centaines de joueurs, doivent faire gaffe. Pour ma part je fait parti de ceux qui croient qu’il vaut mieux ne pas trop attirer l’attention sur ce sujet (je ne suis donc pas très favorable aux contacts qui ont pu être pris entre Sacem et Fédé GN) mais pour plus de sécurité, je conseille aux organisateurs de grosses manifestations d’utiliser exclusivement des titres issus de musiques non déposées à la Sacem comme les Creative Commons. Certains en ont pris conscience et commencent à réellement faire attention à cet aspect plutôt méconnu.

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