De l’Offre et de la demande en GN – comment reprendre l’initiative sur un mal subi ?

Publié le lundi 13 juin 2016 dans Articles

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Un post facebook maladroit que j’ai rédigé il y a quelque temps – écrit sous l’emprise d’une colère qui avait peu à voir avec le GN lui-même – a déchaîné des polémiques tout à fait étonnantes sur mon mur – pour en faire le post le plus commenté que j’aie jamais écrit.

Cet incident m’a éveillé à la problématique de la disproportion entre l’offre et la demande de GN et comment elle avait évoluée depuis mes débuts dans le GN il y a 23 ans. Ce post m’a également permis de découvrir l’excellent article de Baptiste « Offre et demande de GN – Comment gérer vos inscriptions et castings ». J’ai donc proposé à Electro-GN de publier un état de mes réflexions ici.

Une réaction disproportionnée et partagée…

 

Mon post a eu comme premier effet de générer un certain nombre d’affirmations fortes de joueurs et d’organisateurs expérimentés, dont je synthétise ici les trois principales :

            – « les organisateurs font comme ils veulent pour choisir leurs joueurs »

            – « les gens n’ont qu’à organiser s’ils veulent jouer »

            – « il y a plus d’opportunités pour des nouveaux joueurs qu’il n’y en a jamais eu »

D’un côté, certains donnaient l’impression de vouloir se justifier de leur attitude ou de leur vue du problème, ou de l’ériger en dogme. Mais en même temps que la discussion déchaînait les passions chez les anciens, je recevais plusieurs messages privés de joueurs jeunes ou peu actifs qui me remerciaient ou me félicitaient de ma démarche, parfois en indiquant qu’ils n’osaient pas prendre la parole dans la discussion…

C’est sans doute ces derniers qui m’ont poussé à ne pas laisser cette affaire au rang d’un énième événement inutile issu d’un réseau social mais d’examiner le sujet avec un peu plus d’attention pour livrer quelques-unes de mes réflexions à la communauté.

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Les critères d’acceptation des joueurs et de casting : ce que tout le monde dit

 

L’article précédent de Baptiste dressait déjà un beau tour d’horizon.

Il me paraît indéniable qu’il appartient aux organisateurs de choisir les joueurs qu’ils souhaitent pour participer à leurs jeux et les placer dans les rôles où ils souhaitent les voir. C’est pour moi une telle évidence qu’il m’a étonné que ce soit un point de tension majeur pour ce que je n’avais jamais dit, pensé ni même laissé entendre. Oui : le GN n’est ni une organisation commerciale, ni caritative. C’est actuellement un passe-temps organisé par une communauté de bénévoles et c’est bien la moindre des choses que ceux-ci soient en mesure de déterminer par eux-mêmes qui vient jouer !

Mais dans ce cas, pourquoi certains GN mettent-il en place des systèmes d’inscription qui semblent dénués de sens, ou même certains passent maintenant du temps à les expliciter à l’avance ? Soyons honnêtes : dans la situation actuelle, le dogme du « premier arrivé premier servi » revient à exercer une discrimination en faveur des gens disposant d’une bonne connexion internet ou qui sont par ailleurs oisifs (dans la mesure où il faut parfois s’inscrire en ligne en l’espace de quelques instants) ; le tirage au sort général privilégie la chance au détriment d’un casting intelligent ; et il est impossible de juger la motivation d’un joueur sur une feuille d’inscription (à moins peut-être de commencer à faire du GN sur entretiens – ce qui est presque le cas du projet CLONES – ou de créer un système de prix d’inscription variables…). Même si ces 3 méthodes peuvent avoir un sens sur une faible partie d’un casting en fin de course, chacune n’a que très peu de chances de procurer pleine satisfaction à qui que ce soit, joueurs ou organisateurs.

La théorie qui me paraît le mieux tenir la route est d’essayer de réaliser un casting en fonction des désidératas des inscriptions par les joueurs sur leurs fiches d’inscription. Ce qui pose deux problèmes importants : d’une part, les participants au jeu sont choisis un peu au hasard en fonction de l’adéquation entre un rôle disponible et des cases qu’ils ont cochées sur leur fiche (ce qui fait un peu penser au loto) ; d’autre part, cela revient à privilégier un joueur toujours dans le même type de rôle au détriment de la diversité et du challenge.

Les critères d’acceptation des joueurs et de casting : ce que tout le monde ne dit pas

Étonnamment, je n’ai pas vu une seule fois revenir l’idée de ce qui pour moi est le principal critère de casting valable : que les joueurs soient choisis en fonction de leurs capacités à incarner un rôle, de manière à obtenir la meilleures adéquation possible et que le GN se déroule de manière (au sens littéral). Pour ma part, quand j’organise un évènement, mon objectif principal est de voir des joueurs se plaire alors qu’ils se livrent à un spectacle interactif et ludique impressionnant, haut en couleurs, qui dépasse souvent mes attentes. C’est précisément à ça que je vise dans la manière dont un casting est fait.

Nous sommes actuellement rendus au point ou beaucoup de joueurs réguliers se connaissent déjà, ce qui rend cette problématique plus facile à mettre en place qu’elle ne l’a été dans le passé. S’il ne fait aucun doute que certains organisateurs procèdent déjà de la sorte, peu d’entre eux le mettent en avant sauf sur des GN sur invitations ou à très faible participation. Sans doute parce qu’il présente la limite de revenir faire jouer des « bons » joueurs au lieu de « moins bons » joueurs à une époque où les jugements de valeur et autres classifications sont très mal perçues.

A noter, il est très rare qu’un refus sur un GN ne soit pas motivé. Pourquoi ?

Si on est dans le cas de circonstances liées au hasard, il est facile de le justifier. Si c’est parce qu’on n’estime pas un joueur de faire partie des « bons », un retour sur le sujet permettrait de donner au joueur des objectifs d’amélioration pour la prochaine opportunité. De la même manière que les GN sont informellement évalués par les joueurs, il n’y a pas de raison pour lesquelles il n’y devrait pas y avoir d’évaluation plus ouverte des joueurs par leurs pairs, ou par les organisateurs : quand on ne sait pas ce pour quoi on n’a pas été trouvé à la hauteur, il est très difficile de s’améliorer. Cacher les choses revient à orienter la communauté vers un système de ragots et de on-dit, avec les paranoïas et incompréhensions qui s’ensuivent et qui ne font que disperser de l’énergie qui serait plus utile ailleurs. Rien n’est inéluctable et tout le monde peut faire des progrès, surtout quand c’est l’ensemble d’une communauté qui peut en bénéficier.

Le précédent article d’Electro-GN faisait très justement état de l’implication pour la communauté. Mais de quel type d’implication parle-t-on ?

Pour ma part, j’ai organisé de GN de 80 à 600 joueurs (certes il y a longtemps), incarné des PNJ sur environ 20 GN et j’ai passé plusieurs années à ouvrir deux bars dédiés en partie aux rassemblements Gnistiques. Malgré cette implication, je me retrouve en situation de m’inscrire 13 fois de suite sur des jeux de toutes tailles sans être pris. Je ne peux m’empêcher de me poser la question suivante : quand j’ai commencé le GN, si j’avais envoyé 13 fiches d’inscription sans être pris, en aurai-je jamais fait ? La réponse est bien évidemment négative…

D’autres précisent que les PNJ qui s’impliquent sur leurs jeux sont pris ailleurs… Mais dans ce cas, comment devient-on PNJ ? Jadis les associations me contactaient, et quand j’étais disponible j’allais aider comme PNJ. Sans mécanisme de demande, comment peut-on savoir qu’il manque des PNJ sur un jeu ? Et surtout comment est-ce qu’un nouveau venu peut se retrouver PNJ autrement que parce qu’un ami lui a proposé par chance ? Certes, aller incarner un PNJ peut donner des chances, mais le devenir nécessite d’être inclus dans un système dont j’ignore tout.

La réalité actuelle est toute autre, comme seuls quelques-uns osent le dire en public (mais beaucoup en privé) : pour être pris sur des GN, il faut en organiser ! Cette affirmation peut paraître logique dans le cadre du problème actuel d’offre et de demande, mais dans le cadre présent elle inspire deux types de remarques.

            (1) Tout le monde ne peut pas organiser un GN.

– Tout le monde n’est pas « fait » pour être scénariste, logisticien ou autre. De facto, certains ont des capacités qui les mettent plus à l’aise dans d’autres rôles tout aussi importants (trouver des sites, travaux administratifs, négociations, … ). Ces rôles ne sont malheureusement que peu valorisés par la communauté.

– Tout le monde n’a pas le temps d’organiser des GN. Certains ont une vie personnelle ou professionnelle trop prenante. Dans un cadre commercial, cette relation serait régie par une équation mettant en jeu l’offre et de la demande, avec un équilibrage de la PAF au GN. Or, nous sommes dans un cadre associatif tout à fait paradoxal où on entend des organisateurs se plaindre régulièrement d’y être allés de leurs poches dans le budget d’un jeu, alors que les pré-inscriptions sont plusieurs fois plus importantes que le nombre de joueurs disponibles. Un paradoxe s’il en est un…

– Pour organiser un GN, sauf exception, il faut intégrer une équipe. Très rares sont ceux qui disposent de tous les prérequis pour organiser à eux seuls un jeu. Le problème est délicat : comment rejoindre une organisation quand on n’est proche d’aucune ? Il faut beaucoup de relations sociales, beaucoup de connaissances dans le milieu et de recherche de gens dotés des mêmes affinités pour y parvenir. Ces relations sont de gré à gré, et il n’existe pas de réelles structures permettant la mise en relation d’organisateurs pour lancer un projet.

            (2) Une place sur un GN est devenue une commodité marchandable

Étant donné que les GN ont un même prix d’inscription pour tout le monde, la loi de l’offre et de la demande s’applique différemment. Aujourd’hui, pour disposer de places un jeu, il faut souvent pouvoir promettre quelque chose en échange : des places sur son propre jeu, ou sa propre soirée ou autre par exemple.

Ce nouveau système prend plusieurs formes : j’ai parfois pu assister à des transactions directes (si tu m’invites ici je t’invite là), des transactions indirectes, des sous-entendus… Mais ce facteur n’est que très rarement mis en avant, comme s’il y avait une certaine honte sociale à l’avouer.

Ce qui est certain c’est que les quelques personnes à qui j’ai posé la question après cet incident en privé m’ont toutes répondu la même chose : « si tu veux jouer aujourd’hui, il faut organiser et inviter les orgas sur ton propre GN… ».

Étude d’un cas d’école : GRV Italia

 

J’ai pu être témoin d’une tentative organisationnelle très intéressante en Italie dans le cadre de l’association GRV Italia qui organise tous les étés un GN de masse suivis de plusieurs petits événements locaux pendant l’année. Débutant sa campagne il y a plus de 10 ans, l’association est devenue un temps la plus large d’Italie rassemblant jusqu’à 500 participants sur son événement principal.

Le point notable : en plus de la PAF dont les joueurs doivent s’acquitter pour une journée de jeu, chacun doit à l’association des journées de « travaux d’utilité publique » pour pouvoir jouer.

La liste des travaux associatifs potentiels est très importante : incarner un PNJ, organiser un événement, écrire du background, écrire des règles, concevoir des éléments logistiques, traduire des documents dans d’autres langues pour les joueurs internationaux, travailler sur le site web, etc. Elle permet de vraiment faire appel aux compétences diverses et variées de chacun des joueurs. Il y a un ratio de jours de travaux à effectuer par jour de jeu s’approchant de 2 ou 3 pour 1 (par exemple, pour jouer 3 jours il faut passer au moins une journée à être PNJ).

Ce système n’est pas exempt de nombreux problèmes, mais son intérêt dans le cadre de cet article est qu’il s’agit d’un système unifié et centralisé dans lequel il devient obligatoire de participer à l’organisation d’une manière ou d’une autre pour avoir le droit de jouer, ce qui augmente mécaniquement la capacité de gestion des GN et leur quantité.

Mais il paraît également plus intéressant de constater où GRV Italia en est aujourd’hui. Si l’association et la campagne existent toujours, elle n’est plus qu’une fraction de ce qu’elle a été. Le nombre de joueurs sur l’événement principal est tombé à 200 et un autre GN de masse avec des liens semi-professionnels a pris sa place en tête du podium. Comment ? Pour reprendre les mots du président de l’association GRV « Les joueurs d’aujourd’hui s’en moquent de participer, ils veulent juste payer et jouer. » Et il y a fort à parier qu’au fur et à mesure ce sera de plus en plus le cas, un peu partout les joueurs s’attendront toujours plus à un produit clé-en-main qu’ils ont payé…

Mais les GN sont-ils tous archi-pleins ?

A lire ce qui précède, on a l’impression que tous les GN sont pleins et refusent bon nombre d’inscrits. Ce qui était effectivement mon impression.

Plusieurs ont suggéré que je n’avais pas été pris parce que j’avais visé des GN à trop haut profil avec peu de places. Ce n’est pas le cas : j’ai tout simplement essayé de m’inscrire sur la quasi-totalité les GN que je trouvais qui n’étaient pas en conflit avec mon emploi du temps, de 20 à 100 joueurs.

Quel n’a pas été mon étonnement de m’apercevoir qu’il y avait au contraire toute une frange de jeux qui peinaient à trouver assez de joueurs pour se remplir ! Alors pourquoi ne pas avoir tenté de m’inscrire sur ceux-là ? Tout simplement parce que j’ignorais tout de leur existence…

Trouver des GN où s’inscrire est un parcours du combattant. Il y a bien longtemps, on achetait Casus Belli et on regardait les annonces de GN. Plus tard, on se rendait on-line sur le calendrier de la FédéGN pour regarder ce qui se préparait. Mais ce calendrier n’existe plus. A sa place, on trouve des myriades d’associations qui annoncent leur jeu sur leurs pages Facebook, partagées par des joueurs avec la faible fiabilité qu’on connaît aux algorithmes de réseaux sociaux. Nous en sommes donc rendus au stade où trouver l’annonce d’un GN relève grandement essentiellement d’un facteur de chance ou du temps de présence sur les réseaux sociaux. En 2015 j’ai passé 2 fois 45 minutes à faire des recherches Google et Facebook pour mettre à jour ma page et « liker » des associations de GN. Je ne prétends pas être un spécialiste de la recherche internet, mais l’opération s’est révélée particulièrement ardue et a finalement assez peu marché, notamment parce que la plupart des associations de GN sont très mal référencé par Google.

Ceci traduit un schisme clair au sein des associations organisatrices de GN : il y a celles qui ont de de l’ancienneté et du bon management de communauté qui voient leur GN se remplir presque instantanément, et ceux qui n’en ont pas qui peinent parfois à remplir leurs jeux. Nous sommes dans un schéma classique de problématiques de redistribution.

Ceci fait écho au manque d’organisations transversales et structurantes pour la communauté depuis toujours. Le calendrier de la FédéGN était son service le plus important et pourtant il est tombé en décrépitude. Même si la Fédération ne disposait pas des moyens techniques de mettre sur pied un site, rien n’empêchait d’utiliser des outils actuels comme Facebook pour créer une page destinée uniquement à publier les annonces de tous les GN existants en France, afin de les relayer efficacement par tous . Cette page n’existe pas, ou si elle existe, elle est introuvable…

En bref, bien que nous soyons à l’ère d’internet, il n’a jamais été aussi difficile de se renseigner sur les GN à venir et de s’inscrire. Si j’avais été un jeune joueur voulant essayer un GN aujourd’hui, c’est avec le plus grand mal que j’aurais trouvé une fiche d’inscription, et je n’aurais pas été pris vu que ça aurait forcément été un GN bien référencé donc populaire. Je n’aurais jamais récidivé 7 ou 13 fois d’affilée ! Je m’interroge vraiment sur la capacité de nouveaux joueurs débutants de venir s’insérer dans la communauté dans ces conditions (à part, bien sûr, s’ils sont parisiens et prêts à boire des bières au Dernier Bar avant la Fin du Monde… ).

De la demande : le GN est une activité à l’aube de phénomènes nouveaux

Revenons à l’équation de l’offre et de la demande. Celle-ci ne peut se résoudre qu’en intervenant sur 2 facteurs, d’une part l’offre, d’autre part la demande. J’espère que vous admettrez que ça valait la peine d’avoir lu tout ce qui précède pour en arriver à cette déduction d’une évidence mathématique…

Faut-il réduire la demande pour des GN ? Cela reviendrait à faire en sorte qu’il y ait moins de joueurs ou qu’ils jouent moins. Même si la réponse à cette question était oui, ce serait peine perdue.

Nous sommes dans une nouvelle phase de l’évolution de notre société où les jeux et les expériences ludiques et interactives en groupe sont en pleine croissance, et seront des expériences de plus en plus réclamées au niveau mondial. Or une grande partie de ces activités existent par filiation des concepts développés par le GN.

C’est en simplifiant le GN à des formats suffisamment simples pour faire tomber les barrières à l’entrée qu’on crée des succès peu communs. Les « escape room », soudain devenues à la mode pour les centaines de milliers de joueurs à travers le monde en un rien de temps, résultent par exemple d’une simplification et codification extrême du GN. C’est également le cas du succès colossal de Secret Cinema, qui nous fait « vivre » dans l’univers du film pendant deux heures avant sa projection. Mais ce ne sont que les premiers exemples de succès, il y en a d’autres, et d’autres arriveront… Et ces succès créeront un public considérable qui souhaitera aller plus loin et participer à des formes interactives plus complètes.

Car soyons clairs : le GN est aujourd’hui l’expérience d’immersion interactive ludique de groupe la plus aboutie. Mais elle présente un grand nombre de barrières à l’entrée, dont celles qui sont évoquées ici (mais pas seulement, ce qui serait éventuellement un sujet pour un autre article).

La communauté GNistique doit-elle se refermer sur elle-même parce que nous sommes mieux entre nous ? Libre à chacun de penser comme il le souhaite, mais bien évidemment ma réponse à cette question est négative. Au contraire, nous avons aujourd’hui plus que jamais de formidables opportunités pour permettre à certains d’entre nous de se professionnaliser dans leur passion, ce qui aurait pour effet mécanique de voir le nombre d’organisateurs augmenter, et par ricochet d’autres secteurs connexes tout autant liés à ces passions. Avant que tous ne bondissent : je ne parle pas de supprimer le côté associatif du GN, qui est nécessaire à son bon fonctionnement, mais la professionnalisation peut aussi apporter des éléments nouveaux et passionnants, et résoudre des problèmes existants. D’ailleurs : avoir la possibilité d’exercer un métier qui nous passionne est un objectif en soi pour beaucoup, je pense être bien placé pour pouvoir en témoigner.

Ces succès commerciaux viennent-ils de France ? A ce jour, ce n’est le cas d’aucun d’entre eux. Nous avons beau avoir l’une des communautés Gnistiques les plus actives du monde et les jeux d’une grande qualité qui vont avec, toutes ces réussites issues de la simplification et formalisation du GN viennent d’ailleurs. Ce n’est pas très étonnant quand on connaît le manque de reconnaissance culturel envers les entrepreneurs, mais tout de même assez intéressant pour le faire remarquer.

De l’Offre : augmenter le nombre d’organisations

Pourquoi n’y a-t-il pas plus de GN ? Essentiellement parce qu’il très difficile d’en organiser. Je ne vais pas en reprendre toutes les raisons, mais juste celles qu’il me paraît important d’expliciter dans le cadre de mes propos.

            (1) Facteur de pénibilité : l’écriture et la préparation

L’une des grandes difficultés du GN est de narrer et préparer à chaque fois quelque chose de complètement nouveau. Au niveau de la rejouabilité, on se retrouve dans plusieurs cas de figures :

– Des jeux que les organisateurs ont l’intention d’organiser et réorganiser jusqu’à épuisement soit d’eux-mêmes, soit du jeu.

– Des jeux qui sont prévus pour être réorganisés par une même équipe, si le jeu plait et que les organisateurs sont motivés.

– Des jeux qui ne seront pas prévus pour être réorganisés par une même équipe, ou one-shot, les plus nombreux même si ces derniers temps de plus en plus de jeux sont prévus pour être rejoués.

Je pense que dans ces deux derniers cas, il serait bon de systématiser une approche permettant la réorganisation des jeux dans des délais assez courts. Il est compréhensible que des organisateurs n’aient pas la force d’organiser leur jeu une seconde fois, mais ça ne devrait pas les empêcher de mettre en place en amont des méthodes permettant d’assurer sereinement la rejouabilité par d’autres.

L’une des manières les plus simples serait la suivante : adjoindre à l’organisation dès la fin de la période de conception d’un jeu un responsable de sa réorganisation. Sa présence dans l’équipe organisatrice ne servira pas nécessairement à concevoir le jeu (même s’il est idéalement placé pour permettre une relecture, ou travailler sur la logistique), mais à s’assurer que tout est bel et bien en place pour le réorganiser. Cela passe par le référencement des documents, les notes d’intention sur ce que veulent les premiers orgas (souvent bâclées), le rangement et classement des éléments logistiques à la fin du jeu pour qu’il soit possible de les assembler pour une édition ultérieure. L’ajout d’un membre spécifique qui ne sera pas pris dans le tourbillon de l’urgence organisatrice et se concentrera sur le classement des contenus et des éléments rendrait invariablement de nombreux services dans le cadre de sa réorganisation future. Évidemment, il ne serait pas forcément en mesure de le réorganiser seul, mais il y a fort à parier que certains des organisateurs et joueurs originels seront prêts à rejoindre l’organisation… et il en résultera qu’elle requerra beaucoup moins de ressources.

Cette solution a pour avantage supplémentaire de pouvoir très tôt prévoir plusieurs sessions peu espacées, et de le rejouer très vite.

Tout le monde ne conçoit pas forcément son jeu comme transférable, ce qui est compréhensible et touche aux motivations de chacun. Ainsi cette méthode pourra difficilement s’appliquer à tous les jeux, néanmoins, elle pourrait fonctionner dans bien des cas et mérite vraiment qu’on s’y intéresse.

A noter toutefois, les jeux conçus pour être rejoués sont de plus en plus nombreux.

            (2) Facture de pénibilité : la logistique de matériel

Faisons face à la réalité : la pénurie de GN s’exprime bien évidemment plus fort dans le plus grand bassin de population du pays, à savoir la région parisienne. Précisément le lieu où il est le plus difficile de bénéficier d’un espace de travail ou de stockage.

La logistique pour les associations de région parisienne est toujours un énorme facteur de pénibilité, et l’une des plus grosses barrières à l’organisation de jeux. Même pour les plus petites organisations, le stockage de costumes est souvent problématique.

L’une des solutions au problème requiert la possibilité d’avoir un espace de stockage et de travail suffisamment accessible pour permettre à toutes les associations d’y accéder et d’y stocker leur matériel. C’est ce que l’association ROLE avait tenté de proposer aux joueurs, mais on connaît l’infortunée débâcle qui s’en est suivie. Reste que l’espace n’était accessible qu’en voiture, et peu praticable autrement qu’en demi-journées et peu convivial (donc peu motivant pour y attirer des forces vives).

Je n’ai pas actuellement de solution à proposer à ce problème individuellement, et je propose de le lier au suivant.

            (3) Facteur de pénibilité : la logistique de lieu

Combien de fois au cours de ces 15 dernières années ai-je entendu des variations sur les mots suivants : « le propriétaire de ce lieu a tellement loué à des GN que grâce à l’argent il a fait des travaux » souvent suivi d’un « du coup on ne peut plus le louer pour jouer ».

Aujourd’hui, la manne d’argent provenant des locations de GN fait partie de l’équation économique de bon nombre de lieux historiques (château, bâtisses, etc.), souvent parallèlement à un revenu de locations pour des mariages, des vacances ou autres…

Nous sommes dans un pays qui ne manque pas de vieilles bâtisses avec des gros terrains à vendre, à de prix accessibles la mesure ou ils ont un gros coût d’entretien. Pourquoi ne pas envisager de reprendre un tel lieu pour les associations et l’organisation de GN ?

Quel serait le cahier des charges d’un lieu pareil ? Voici quelques idées fortes :

– Qu’il ne soit pas trop difficile d’accès de Paris ni d’un certain nombre de villes avoisinantes (bassin de population important).

– Qu’il inclue un terrain suffisamment grand pour pouvoir y jouer nombreux.

– Qu’il inclue une bâtisse qui sera rendue la plus modulable possible au niveau de la décoration (utilisable, notamment, à plusieurs époques) et qui puisse assurer des services d’hygiène de base (eau courante, etc.).

– Qu’il inclue une seconde bâtisse qui puisse servir d’entrepôt (grange, hangar) ou un endroit qui permette de le construire (cf. point précédent).

– Qu’il puisse servir d’hébergement, de telle manière à ce que les associations de GN puissent y venir passer des weekends de préparation et de travail logistique quand il n’est pas occupé par un jeu. Il y a fort à parier que le travail dans un cadre agréable renforcera les équipes et créera de la motivation.

– Qu’il puisse éventuellement être loué pendant le reste du temps à des tiers pour contribuer à son financement.

– Qu’il dispose d’une personne responsable du lieu sur place pour le gérer, pour le surveiller, pour s’assurer de son bon emploi et des plannings. Ceci inclut la tenue d’une base de donnée précise du stock et de ce qu’il contient.

– Qu’il ait besoin de travaux d’entretien et de restauration qui pourront être conduits en partie par des associations mais aussi par les volontaires (il n’est pas du tout exclu que des joueurs viennent effectuer des opérations d’aide au château, par exemple – ne serait-il pas intéressant de proposer des tarifs d’inscription différents en fonction de l’aide ou pas que les joueurs viendront apporter ? On parle bel et bien d’implication pour la communauté).

Mon expérience montre qu’il est utopique de penser qu’un tel lieu puisse être géré dans une structure totalement associative, mais il existe des structures et montages privés ou mixtes qui permettraient de parvenir à des résultats similaires.

Je manque de temps et de place pour aller plus en détails ici, surtout que l’élaboration du projet requerrait plusieurs concertations. Certains penseront certainement que ce que je propose est du domaine de l’impossible. Je pense au contraire que les principales barrières à ce projet se trouvent du côté des égos conflictuels présents dans la communauté et son manque de structuration. Mais si jamais une volonté commune suffisante se dégageait, je ne vois pas à l’heure actuelle d’impossibilité majeure à créer un tel projet, qui semble accessible avec l’expérience et les moyens que certains ont désormais…

Conclusion

J’imagine qu’au long de cet article, conformément à mes habitudes, j’aurai froissé la sensibilité d’une bonne partie de mes lecteurs. Heureusement sa longueur relative implique que vous serez sans doute peu nombreux à arriver jusqu’ici. Comme vous vous doutez bien ces propos tenus dans cet article n’engagent que moi, et je l’ai écrit autant pour avancer dans ma réflexion personnelle que pour en faire partager la communauté.

Malgré tout, il serait bon que nous essayions tous de mettre de côté nos a priori envers ces sujets pour y réfléchir calmement. Pour ma part, je me suis donné le temps de faire un point avant de repartir contraint et forcé pour de nouvelles aventures, mais cela me ferait réellement plaisir de voir un jour la communauté se donner les moyens de prendre son destin en main. J’ai beau ne plus être en mesure de jouer actuellement, je resterai toujours un Gniste dans l’âme, et c’est avec intérêt que j’observerai cet avenir.

Sur ce je tire ma révérence, je crois avoir une porte du Chaos à ouvrir…

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Cédric LITTARDI

17 réactions à De l’Offre et de la demande en GN – comment reprendre l’initiative sur un mal subi ?

  1. Merci pour cet article très intéressant. Aucune susceptibilité froissée de mon point de vue, par contre le gros défaut que je trouve à ce développement c’est sa construction : en se basant sur une affirmation correspondant à ta vision des choses pour avancer le point suivant, tu rates pas mal d’embranchements qui correspondent à d’autres points de vue.

    Je ne vais pas pointer tout ce sur quoi je ne suis pas ou que partiellement d’accord,juste deux points qui me semblent importants :

    En ce qui concerne la difficulté à organiser, j’ai l’impression que tu es limité par les formats que tu as expérimentés.
    Il y a de plus en plus de jeux extrêmement intéressants en petit format (on commence avec Tant d’espace : 2 joueurs, un orga, pas de logistique, un lieu public…. et cerise sur le gâteau scénario disponible en ligne pour qui veut)

    Pour la difficulté à trouver un chouette lieu à organiser : cela dépend du thème. Préférant pour l’instant écrire seule et organiser avec une mini équipe, je choisis d’office de bosser sur des thèmes qui ne me poseront pas de souci pour les costumes/le site, donc du contemporain ou rétro (années 60 à 80)(ce ne sont pas les bons thèmes contemporains qui manquent), pour 25 joueurs max : les gîtes de ce format sont assez nombreux pour avoir le choix.

    Enfin en ce qui concerne la difficulté à obtenir les info sur les jeux…. Plutôt que les pages facebook d’associations précises, je conseille de s’inscrire sur les pages génériques sur les gn (SOS désistement, gnistes orga sauvons le gn, labo gn, en quête de gn, agenda des gn, gn orga….)
    Et…. de lire les annonces de jeux ici-même, ainsi que sur la page de la fédé. Je n’en reviens pas du nombre de gens qui me disent “j’aurais aimé jouer ton jeu mais je n’avais pas les infos” alors qu’il était annoncé ici, sur le calendrier de ma fédé et sur la partie “annonces” de divers forum.

    D’ailleurs si quelqu’un a envie d’organiser mais besoin d’aide, il suffit de demander sur le forum de l’univers du huis-clos
    http://udhc.free.fr/PHPBB3/index.php
    De plus les associations Rôles, Clepsydre et Miss Rachel (pour citer celles que je connais) sont tout à fait ouvertes aux nouvelles recrues : il suffit de les contacter directement pour demander, soit à venir aider, soit à être coaché pour développer son propre projet.

    Les ressources ne manquent pas. Oui, jouer est difficile, de même remplir son gn n’est pas forcément simple. Mais y’a moyen de moyenner.

  2. Plutôt d’accord sur certains constats. Mais peu de solutions tiennent la route selon moi.
    Non, la professionnalisation d’organisateurs est peu réaliste, si tu as organisé des GN tu sais bien pourquoi : cette activité est chronophage et particulièrement couteuse, difficile de la rentabiliser. Certains s’y sont essayé…
    Demander des travaux d’intérêts généraux pour le GN afin de “payer” son droit de jeu ? Effrayant.
    Acheter une bâtisse pour GNistes ? Les GNistes aiment changer de lieux de jeu et je crois qu’un tel achat est totalement irréaliste.

    Là où je te rejoins est la relative inutilité de la Fédé GN qui ne remplit pas sa mission première. Toute son énergie devrait être mise dans la constitution d’un calendrier et d’un référencement des GNs existants. La fédé a toujours attendu que les orgas et associations se déclarent sur feu son calendrier… jusqu’à ce que ce système inefficace ne s’écroule. Or, la fédé pourrait être active et aller elle même sur les réseaux sociaux pour référencer elle même la multitude de GN. C’est certain que c’est plus de travail que de relayer un vaseux Larp Day. Mais c’est ce qui permettrait de créer une lisibilité et réellement aider à l’accès au GN pour de nouveaux participants. Bref, le coeur de la raison d’être de la dédé à mes yeux.

  3. Nouille, j’ai oublié de faire de la pub pour mon propre groupe d’écriture de gn (à Bruxelles par contre) : https://www.facebook.com/groups/1784435271790296/?fref=ts

    Une fois par mois, dans une maison bruxelloise, toute personne ayant un projet d’écriture (gn à priori, mais nous sommes ouverts à tous les scénaristes) peut débarquer pour travailler sur son projet (histoire de rester motivé même quand on bosse seul) mais aussi avoir sous la main d’autres scénaristes à qui demander des conseils, retours etc.

    L’idée a été piquée à l’association eXpérience, qui à ma connaissance (corrigez-moi si je me trompe) est ouverte aux nouveaux et organise ce genre de séance d’écriture à Paris.

  4. Bonjour,

    Le débat sur ce sujet est essentiel. Quelques idées complémentaires :
    Des points d’entrées existantes :
    – Le remplacement sur désistement (joueur ou PNJ). Cela demande aussi une grande réactivité et c’est probablement un frein important pour des néojoueurs pas très surs d’eux, mais c’est une vraie opportunité pour faire des premiers jeux, rencontrer du monde, etc… (cf les pages SOS PNJ, etc…)
    – Outre le PNJing, les fonctions logistiques, et notamment la bouffe sur les jeux,…
    En ce qui concerne l’augmentation de la pratique (et donc de la demande), je suis d’accord que des pratiques proches vont continuer à se développer.
    Sur la professionnalisation, je suis aussi assez dubitatif. Pour gagner de l’argent et faire vivre une boîte, il faut un produit reproductible et standardisé. C’est ce qu’arrivent à faire les escape rooms à partir du GN. Des idées de week-end thématiques sont aussi envisageables, mais comment faire du réellement clé en main alors qu’il est question de costume, qui réclament une forme de sur mesure ?
    Je ne suis pas sûr que les passionnés actuels se retrouvent dans des formes trop lissées et standardisé alors que ce qui fait aujourd’hui la force de l’univers du GN, c’est sa créativité, la diversité des univers explorés, des thêmes abordés et des manières de les traiter…

  5. Salut Cédric 🙂

    Je partage pleinement ton constat du déséquilibre offre-demande en GN.

    Tellement, d’ailleurs, que j’ai moi-même écrit un article sur le même sujet il y a peu :
    http://www.electro-gn.com/10056-on-veut-jouer-plus

    Il présente quelques outils pour résoudre ce fameux déséquilibre.

  6. Je suis assez d’accord sur le fait que les solutions proposées sont un peu difficile à mettre en place mais je ne reviendrais que sur 2 points :
    – Les travaux “d’intérêt” : chez RAJR, sans aller jusque là, pas mal de personnes qui n’écrivent ou n’organisent pas de jeu à proprement parler viennent aider pour les rangements du local, … Et c’est une chose dont on parle très souvent entre nous : comment attirer de nouveaux joueurs et de nouveaux orgas. Et c’est pas facile!
    – La reprise de scénar “clés en main”. Pour être en train (lentement) de formater la murder que j’ai écrite pour la mettre sur le portail du Huis clos, c’est chronophage parce que cela demande de mettre à plat des choses qui sont évidentes pour toi, scénariste et orga dans ta tête, mais pas forcément pour les autres. Du coup, tous les orgas (notamment sur des gros formats) n’ont pas forcément la motivation de le faire. Sans compter le coté “c’est mon bébé”! Un GN est des fois 2 ans de travail, pas facile de le céder à quelqu’un d’autre!

  7. constat intéressant même s’il occulte effectivement encore de nombreux points. Je retiens l’idée qui fait le plus sens à mes yeux “le responsable de réorganisation” qui effectivement donnerait une nouvelle dynamique aux organisations. Pour autant, ça n’en reste pas une solution miracle car certains orga (dont moi) ont une vision “artistique” de ce qu’ils écrivent et auront bien du mal à tout laisser partir dans la nature et d’autres part, l’organisation n’étant pas professionnelle, certains orga verront d’un mauvais oeil quelqu’un qui ne sera dans l’équipe que pour la réorganisation, leur faisant perdre du temps pour le principal: l’organisation.
    Ah, et je répond sur un point, si les orgas ne justifie pas le fait de ne pas prendre tel ou tel joueurs c’est aussi qu’ils ont parfois a peine le temps de prévenir les joueurs qu’ils sont pris, alors s’ils doivent prévenir individuellement la masse souvent supérieure de ceux qui ne sont pas prit, ils peuvent abandonner l’idée d’avoir un travail ou une vie sociale.

  8. Merci pour ton retour, ton point de vue me fais réfléchir sur certaines pratiques. Je crois que cette vision est tout de même très parisienne.
    J’ai un point de vue différent sur quelques points :
    1_
    “(..) le principal critère de casting valable : que les joueurs soient choisis en fonction de leurs capacités à incarner un rôle, (..) voir des joueurs se plaire alors qu’ils se livrent à un spectacle interactif et ludique impressionnant, haut en couleurs, qui dépasse souvent mes attentes. ”
    Il ne me parait pas évident que le GN soit un lieu de spectacle. Je prends beaucoup de plaisir à jouer des jeu introspectif. Il ne se passe globalement pas grand chose de spectaculaire si ce n’est des engueulades familiales à propos de sujets mineurs sur les GN qui m’ont le plus touché. Aussi, je ne cherches pas de gens capable de créer du spectacle, mais des gens ayant une sensibilité de jeu (pour eux) et capable de redistribuer du jeu (pour les autres). Ce n’est donc pas des critères de comédiens mais d’envies de la part des joueurs qui m’intéressent le plus. Ca ne retire pas les problématiques de confiance que l’on met dans les joueurs venant incarner un rôle et donc le nécessité pour l’organisateur de connaitre un minimum ses participants.

    2_
    “– Tout le monde n’est pas « fait » pour être scénariste, logisticien ou autre. De facto, certains ont des capacités qui les mettent plus à l’aise dans d’autres rôles tout aussi importants (trouver des sites, travaux administratifs, négociations, … ). Ces rôles ne sont malheureusement que peu valorisés par la communauté.”
    J’organise et co-écris des jeux. Je suis un technicien du GN, je n’écris presque jamais rien et ne fais que du décors. Toutes les équipes que je connais et qui fonctionnent bien sont composées de plusieurs casquettes (régisseur, cuisinier, décorateur, comptable, etc.). On pourrait faire un article (si ce n’est déjà fait) sur les besoin d’une asso de GN. Mais du coté des associations, ces rôles ne sont pas oubliés et sont souvent remerciés.

    3_
    “les joueurs s’attendront toujours plus à un produit clé-en-main qu’ils ont payé…”
    Oui, mais quel est le but des auteurs ? Comme dans un roman ou un film, il s’agit aussi de faire passer un message. Une critique de la société, une vision du monde, ou tenter d’éveiller le joueur à une réalité. Tous les jeux ne sont pas seulement ludique. La vision marchande va souvent à l’encontre de la vision artistique des auteurs. Pour moi, ceux qui veulent consommer peuvent aller à Disneyland.

  9. Un mini complément : le rencontre
    Pour qu’un orga ait envie de te prendre sur son jeu, pour trouver les joueurs qui vont se faire plaisir sur ton jeu, pour réaliser qu’on peut te prêter du matériel (et le prendre / le rendre), pour comprendre comment marche le milieu, pour trouver l’aide et le conseil pour ton jeu… se rencontrer.
    Un certain nombre de rendez vous associatifs existent, à la fois sympathiques et productifs. Celui que je connais le mieux est celui de Rôle, ouvert à tous, 100 à 150 personnes à chaque fois dont une équipe d’accueil, le 1er mardi de chaque mois… dans le bar parisien de Cédric (Dernier Bar avant la fin du monde, à coté de Chatelet).

  10. Article complet et très touffu.
    Outre la frustration, bien compréhensible, je pense que tu soulignes une certaine maturité du loisir, et donc du milieu. Tu passes quand même un peu à côté d’un fait constaté : quand certains jeux sont remplis à 300% ou plus, d’autres rament pour se remplir, voire sont annulés faute de participants. Sans que ce soit vrai pour la totalité, on remarque souvent que les premiers sont des jeux assez originaux, plutôt écrits et procurant une immersion forte, alors que les seconds sont souvent des déclinaisons de fictions médiévales fantastiques, pas si différentes que ça des jeux d’il y a 25 ans, l’attrait de la nouveauté en moins.

    Les pratiques changent, les envies aussi. Et ça va continuer.Il y a certainement d’autres types de jeux qui vont émerger, de nouvelles dynamiques mais pour le moment je crois que c’est la mentalité associative qui peut aider le plus. Si de jeunes joueurs, ou de moins jeunes qui regrettent de rester à la porte des jeux, s’investissent dans les associations et les organisation, je suis certain qu’ils peuvent très vite se faire une place. Tu n’es pas pris sur un jeu ? Eh bien tu te proposes comme PNJ, marmiton, aide orga, etc. Non seulement tu auras un peu plus de visibilité, mais en plus ilo est clair que, sauf boulet ultime, tu as plus de chance d’être “invité” sur un prochain. De plus, des orgas dont on aura délesté certaines tâches un peu lourdes auront tendance à organiser plus de jeu s’ils savent qu’ils ne finiront pas sur les rotules à la fin de ceux-ci.
    Mais pour ça, il faut peut-être abandonner la casquette du joueur-client-payeur. Si s’arrange pour être disponible pour être joueur sur un GN, il n’y a pas de raison de moins l’être si on nous propose d’aider.

  11. Je plussoie Moz.
    Sur notre GB organisé en mai on a eu du mal à trouver des PNJ et on a lancé un appel en ligne. Deux joueuses qui n’avaient pas fait ce GN se sont manifestées : la joueuse A qui a dit “ah c’est pour faire le service? Ça ne m’intéresse pas, je préfère jouer” et la joueuse B qui a dit “je n’ai pas joué ce GN mais je viens vous aider avec plaisir”
    Peu de temps après on a eu un désistement, un rôle de PJ fille à pourvoir. Devinez à laquelle des deux on a proposé la place? (Indice : par la suite, on a relancé une recherche de PNJ).

  12. Il faut Lire GN évidemment, pas GB (damn you autocorrect).

  13. Moz a tout bien résumé ce qui a été dit en long en large et en travers sur le post facebook initial, mais ça semble ne pas vouloir rentrer dans la tête de certains.

    En tout cas, en ce qui me concerne :
    Je suis très contente de voir de nouvelles têtes très régulièrement sur les RDV d’assos et sur les jeux, c’est la preuve que quand on veut vraiment s’impliquer et rencontrer des gens au delà de faire simplement acte de présence on peut. Bien entendu ce n’est pas parfait, mais ça va dans le bon sens.
    Le gros bémol est la difficulté en tant qu’orga d’avoir des coups de main, c’est un peu usant de devoir mendier de l’aide (et d’autant plus frustrant que l’aide vienne souvent des mêmes personnes, gloire à eux et à toutes les petites mains !). Et dire (comme je l’ai lu plus haut) qu’il est difficile de filer un coup de main c’est vraiment faire preuve de beaucoup de mauvaise foi et/ou de ne lire ni lettres d’information ni groupes FB. Ou croire qu’organiser ça se limite à écrire des BG (et du coup bien mal connaître le GN d’aujourd’hui). Bref, si c’était plus simple d’organiser il y aurait plus d’organisations (mais ça Moz l’avait dit aussi).

  14. Pour information j’ai vu très récemment que la Fédé relançait son calendrier des jeux. Mais évidemment, pour qu’il soit complet, il faut que les organisateurs fassent tous l’effort de le remplir : http://www.fedegn.org/ressources/calendrier

  15. Voilà pourquoi ce calendrier est voué de nouveau à disparaître… Tant que la fédé ne comprendra pas l’intérêt central d’un référencement actif (là, la démarche est de nouveau passive), la chose sera inusitée.

  16. Le calendrier de la FédéGN n’a PAS disparu par manque de GN référencés. Il a disparu suite à un problème informatique, et met du temps à réapparaître par manque de ressources humaines. Donc la question actif/passif est un faux problème.
    A mon humble avis, le problème principal, c’est l’allocation des ressources au sein de la FédéGN, qui devrait faire du calendrier LE projet prioritaire.

  17. Je pense que cet article est partial et subjectif, mais j’envisage aussi facilement qu’une partie de mes contre-arguments le seront aussi, parce que je ne vis pas du tout la même situation, ni dans mon rapport au GN, ni dans la frustration de ne pas être retenu sur un jeu.

    Demeurent des phénomènes qu’il est pertinent de commenter et d’analyser.

    Moz a intelligemment posé la question du rapport personnel à l’activité. Si l’envie de jouer peut légitimement primer sur l’envie d’aider, la seconde demeure. Et je parle bien d’envie, pas seulement de possibilité ou de pis-aller en cas de GN complet. Des joueurs qui se font aides, de bon cœur, sans calcul, on en trouve beaucoup. Faut-il s’offusquer qu’ils n’aient conséquemment pas les mêmes difficultés à accéder aux jeux que d’autres joueurs, exclusivement joueurs ? Non. Ce n’est même pas une question de réciprocité, c’est effectivement une question d’attitude, de bienveillance (dont l’étymologie est la même que bénévole), de capacité d’écoute, d’empathie, de partage, d’échange. Toutes ces valeurs qu’un joueur exclusivement client ne démontre pas. Effectivement, si on a le temps de jouer, on a celui d’aider. Comme par hasard, on peut alors tisser d’autres relations, sans doute plus authentiques puisque dé-corrélées de l’interprétation d’un personnage, avec les organisateurs et les autres aides. Et vivre de véritables bons moments, au service (du jeu) des autres. Étonnamment, lorsqu’on commence à considérer que le temps consacré à autrui plutôt qu’à soi n’est pas mal investi, on est moins dans le désir de jouer que dans la volonté de participer, à quel titre que ce soit. Si du désir inabouti naît la frustration, compréhensible, humaine, en revanche la volonté d’agir trouve le plus souvent une issue favorable, et dans le pire des cas… se reporte à une prochaine opportunité, sans générer de frustration.

    Surtout, considérer son possible apport personnel à une activité, une communauté, avant le plaisir que l’on va en retirer individuellement, permet de trouver bien plus facilement sa propre place dans cette activité, dans cette communauté. Car le GN est effectivement devenu une communauté, avec des rites, ses modes, ses tendances, ses signes d’appartenance, ses filières d’accession, ses interdits et ses sanctions.

    Personnellement, j’aurais tendance à ne jamais placer les mots “il faut” dans une phrase qui concerne une communauté, parce que je crois qu’une communauté ne se décrète pas. Elle naît, vit et meurt, au gré de la somme des comportements de ses membres. Prétendre définir le bon comportement d’une communauté c’est penser en chef, définir une politique, des objectifs pour autrui, essayer d’exercer un pouvoir. Je me félicite d’être GNiste car c’est une communauté qui correspond pleinement à l’ensemble des mes aspirations, à commencer par une vacance de toute forme de pouvoir centralisé, au profit d’une myriade de personnalités, d’entités (associations, groupes, équipes), au service d’innombrables projets très diversifiés. Dicter des règles de bonne conduite à toutes ces personnes bienveillantes, bénévoles, qui donnent le meilleur d’elles-mêmes, m’échappe. Je suis partisan du laisser-faire, de l’entraide et de l’encouragement.

    Doit-on, peut-on regretter qu’une pareille communauté se ferme à quelques-uns, peine à renouveler son public ? Dans la même logique, non. Certes, je peux personnellement regretter que si peu de nouveaux joueurs n’arrivent chaque année dans la communauté. Mais le constat est là que les nouvelles têtes arrivent par cooptation, la plupart du temps. Parrainées voire entraînées dans un jeu par un joueur plus expérimenté, le nouveau a préalablement été “profilé” par un ancien, qui l’estime à même de s’intégrer dans cette communauté de loisirs mais surtout, de valeurs. Ou bien ce qu’il pense être le GN l’a-t-il tellement enthousiasmé qu’il parvient à pénétrer les réseaux, s’applique une démarche active, en quête de découverte et de rencontre. Démontrant chemin faisant qu’il adhère à ces mêmes valeurs partagées. Le cas du joueur confirmé, voire de l’orga qui ne parvient plus à accéder aux jeux de son choix est plus épineux. Mais lorsqu’une communauté à laquelle vous pensez appartenir se révèle de plus en plus hermétique, faut-il questionner la communauté, ou ses propres valeurs ?

    Enfin, le GN français a maintenant quelques années derrière lui, et a sensiblement évolué. Ses pratiquants aussi, et je ne parle pas de qualité de jeu, de talent, de compétence. Je parle du parcours personnel que chacun a pu accomplir au gré des jeux, des expériences d’organisation ou d’aide associative. En tant que personnes, beaucoup d’entre nous se sont largement construits par le GN, grâce au GN. Pas tant via la consommation d’un loisir, d’un divertissement, que dans le temps consacré, la prise de risque, l’engagement associatif, la concrétisation d’un projet, le travail en équipe, l’acquisition de compétences, etc… Dans la logique d’une communauté qui partage des valeurs humaines, il est compréhensible et légitime que chacun souhaite davantage jouer avec des personnes qui ont des parcours similaires, plutôt qu’avec des inconnus, des joueurs-clients, simplement ” des autres ” qui ne partagent pas la même philosophie. La cooptation, fût-elle au compte-gouttes, présuppose une adhésion préalable à ces valeurs. Un peu de pédagogie, de qualité humaine dans l’attitude envers les nouveaux joueurs, me paraît infiniment plus pertinente que le décret, la règle ou la critique des méthodes de casting. A ce titre, les organisateurs qui s’imposent un quota de nouveaux joueurs m’apparaissent exemplaires : on n’apprend pas mieux le GN à autrui qu’en l’invitant à se mêler à une population déjà confirmée, par l’exemple et la bienveillance, par la confiance.

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